Profession je m'en foutiste

kitty95

Profession Je-m’en-foutiste

 

« L'oisiveté est, dit-on, la mère de tous les vices, mais l'excès de travail est le père de toutes les soumissions. »

Albert Jacquard

Ce matin, le comité de direction d’une des plus grosses sociétés françaises - dont nous tairons le nom, bien sûr - est en pleine effervescence. Les idées fusent tandis que des projets plus saugrenus les uns que les autres s’échafaudent en sous-groupes sous l’œil attentif du consultant recruté pour l’occasion. Sa mission : aider l’entreprise à lutter contre le manque de motivation du personnel. Parmi les différentes solutions proposées, l’une d’entre elles retient l’attention du PDG. Balayant toutes les autres suggestions, il déclare :

— Va pour le Je-m’en-foutiste ! Qu’on m’en recrute un immédiatement !

Les membres de la Direction des Ressources Humaines sont sur les dents. Ils doivent élaborer la fiche de poste dans les plus brefs délais et trouver la perle rare qui, grâce à son je-m’en-foutisme délibéré, sera capable de regonfler le moral des troupes. Carole Manceaux, l’heureuse élue, rejoint l’entreprise un beau matin de mai. Dès le premier jour elle décide de se rendre dans les ateliers de production où règne la plus grande démotivation.

— Bonjour, je suis la nouvelle assistante du PDG et je visite l’entreprise. Vous faites quoi exactement ?

— On produit, M'dame, on produit ! lui répond un chef d’équipe en haussant les épaules.

— Et ça consiste en quoi ?

S’en suit une longue explication truffée de détails et ponctuée de soupirs à l’issue de laquelle Carole déclare :

— Quel boulot nul et insipide !

Sidéré par la remarque de la nouvelle recrue, le chef d’équipe alerte ses homologues avec qui il tient conseil. Regonflés à bloc, ils s’écrient d’un commun ensemble :

 « On va leur faire voir, tiens, si notre boulot c'est de la merde ! »

Tandis que tous les ateliers de production se remettent en marche, Carole poursuit son travail de sape auprès des différents services de l’entreprise. Partout où elle distille son venin, la cadence reprend de plus belle, chacun voulant prouver à cette « pimbêche » qu’elle se trompe. Au bout de trois semaines, la situation s’est prodigieusement améliorée dans l’entreprise qui fonctionne désormais à plein régime.

Un soir, lors d'un dîner avec son petit ami, Carole perd le fil de la conversation.

— Chérie, j’ai l’impression que tu ne m’écoutes pas…

Alors qu’est-ce que tu en dis ?

— Heu… Non, franchement c'est nul... et insipide...

Estomaqué par la remarque de Carole, le jeune homme bondit de son siège.

— Le mariage, c'est nul et insipide ? Très bien. Restons-en là. De toute façon, les carriéristes de ton espèce m'ont toujours gonflé. J'espérais, à tort, que tu serais différente.

  • Une étude québécoise a réussi à prouver que les employés les plus dépressifs étaient les plus productifs.
    Malheureux dans la vie, épanouis au travail, un sujet amusant s'il en est.
    Bravo pour cette chronique !
    Seul bémol, n'est-ce pas un peu court pour un sujet aussi ravageur ?

    · Il y a environ 11 ans ·
    Lo new york

    riatto

Signaler ce texte