Prologue

aliceindiscoland

La chronique d'une lunatique, qui sombre graduellement dans la déchéance...

J'ai dû lire quelque part un jour, qu'en Inde, on vendait des dentifrices à la nicotine. Je ne sais pas si c'est parce que les indiens sont cons, ou s'ils ont tout simplement été éduqués à ne pas poser de questions , mais pas mal d'entre eux ont paru gober le fait que la nicotine a des effets de désinfectant pour les gencives.

Les veinards.

Je n'ai jamais cessé de les envier, depuis le jour où je commençais à puiser mes forces dans quelques taffes de clopes de contrebande. Je disais parfois, à qui voulait bien m'entendre, de mon ton le plus cérémonieux “Ces indiens, Ils auront pas à porter le chapeau d'un joli péché auquel ils auront fini par succomber tôt ou tard. C'est pas à eux, non plus, qu'on jettera à la figure “ et les 4 millions de personnes qui meurent chaque année? les 90% de cancers des poumons, les 4 000 substances chimiques inhalées par la fumée de cigarette ? t'y avais pas pensé avant ? On t'en avais pas parlé ?”. Non, Ils auront la conscience tranquille ces foutus indiens. Et quand ils soupireront, ça sera pour prendre le ciel pour témoin de leur sort, en pauvres victimes. Ils n'auront pas l'air cons à se raconter la même vieille blague usée, qui ne fait plus rire grand monde de toutes façons.”

Je ponctuais souvent cette tirade d'un petit rire qui se veut sarcastique. On me lançait un ou deux regards interrogateurs, la plupart du temps. Des hochements de tête parfois, parce que j'avais trop parlé et qu'il fallait bien me dédommager. On pensait à tort, que j'avais appris et répété mon speech à défaut de faire autre chose de plus constructif. Ce qui est partiellement vrai. Je n'étais occupée à rien d'autre qu'à supporter mon manque et mon inconfort pendant une de ces journées de canicule Ramadanesque lorsque toutes ces réflexions ‘philosophiques' vinrent me distraire. Mais, ça m'était bien égal, un peu, au final. J'avais longtemps appris à ne plus m'inquiéter de ce qu'on pouvait bien penser. Je savais que j'étais ma propre interlocutrice. Les autres, qui étaient généralement trop bourrés pour réaliser ma présence, ou dont les capacités de concentration leurs permettent au mieux de tenir le coup jusqu'au mot “indiens” n'étaient qu'une mascarade pour se donner l'air sain…

Je portes ma cigarette à ma bouche et j'inhale. Le ciel au dessus est d'un gris oppressant, et mes alentours sont déserts. Je m'allonges sur le sable et m'abandonnes au son des vagues, à cette odeur de fumée mélangée au sel, au froid qui me momifie jusqu'aux ongles…

Et dans ce tableau de paix externe, j'y repense… Je repense à moi même, une année de là. Avant que tout ne dégringole…Avant que mon reflet dans le miroir ne commence à m'horrifier, avant que mon esprit ne se détraque à force d'hallucinations chimiques et avant que je ne condamne mon intimité à être le crachoir posé au coin de la rue…

Signaler ce texte