Prologue - Un an plus tôt

sphtst

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"Mademoiselle Duestré, s'il vous plait."

 

La professeure de Sciences répétait surement sa question pour la troisième fois, mais elle n'attirait toujours pas l'attention de Samuelle. Assise au dernier rang, à droite, Samuelle passait le temps à écrire et dessiner dans la marge de son cahier ce qu'elle pouvait observer de l'autre côté de la vitre.

 

Ainsi, en tournant les pages, on pouvait lire que Monsieur Rémit -concierge de l'établissement- avait une fois de plus chassé un chat du toit du bâtiment principal, que le proviseur avait encore envoyé des fleurs à sa voisine - dans les appartements d'en face ; et que Zachary, un élève de seconde, passait une fois de plus l'heure de pause seul, à lire de la science-fiction.

 

En fait, il y avait tout dans son cahier, sauf de la biologie.

 

Mais Samuelle s'en fichait pas mal, sa note à la prochaine évaluation serait une nouvelle fois plus que correcte, et pourtant elle n'aurait pas bougé d'un petit doigt.

 

Trois coups résonnèrent dans la salle de classe, et Samuelle fut obligée de détourner son attention de la cour pour regarder Madame Paillant. La professeure fixait attentivement son élève, et et ne comptait pas se laisser faire.

 

" Pour la quatrième fois Mademoiselle Duestré. Répondez à ma question.

- Je ne sais pas, Madame.

- Vous êtes…"

 

Elle fut interrompue par la sonnerie du lycée, qui signalait la fin de la journée. Les trente-quatre élèves se levèrent dans un même brouhaha et passèrent tous en moins de deux minutes la porte de la salle. Samuelle elle, prit le temps de ranger méthodiquement ses affaires dans son sac, de caler sa chaise sous la table et attendit la seconde sonnerie ; comme elle le faisait à chaque cour.

 

" Vous ne pourrez pas toujours vous reposer sur vos incroyables facilités, Samuelle, vous le savez n'est-ce pas ?

- Oui, Madame, répondit Samuelle sans conviction."

- Vous me fascinez, je crois. Vous êtes intelligente,  l'une des élèves les plus respectueuses de l'établissement… Mais vous êtes si têtue !

- Je sais ce que je ne veux pas, c'est tout."

 

Si vous observiez la scène, vous auriez pu prendre les réponses de Samuelle pour de l'insolence, pure et dure. L'élève s'exprimait avec politesse, appliquant une nonchalance mesurée à la perfection, rarement permise lors d'un tête-à-tête avec un supérieur et pourtant, sa professeure ne le lui fit pas remarquer.

 

" Savez-vous au moins ce que vous voulez, Mademoiselle Duestré ?"

 

La professeure de science avait visé dans le mil. Samuelle sentit ses joues rougi et elle eut tout à coup chaud. Son estomac se noua, et ne sachant que répondre elle esquiva la question :

 

"Mon nom est Duestre, Madame. Le -s ne se prononce pas et il n'y a pas d'accent sur le dernier -e, je vous le répète depuis le début de l'année."

 

La seconde sonnerie retentit. Samuelle s'empressa se prendre ses affaires et de quitter la salle de classe. Elle descendit le plus vite possible les deux étages et traversa rapidement la cours du lycée. Une fois le portail franchis, elle s'arrêta un moment et reprendre sa respiration. Samuelle avait toujours détesté ce genre de d'altercation, car elle ne savait jamais quoi répondre. Déjà avec ses parents, ou même avec d'autres membres de sa famille, le sujet "mais-que-veux-Samuelle" était devenu tabou. A bientôt dix-huit ans, la jeune adulte n'avait pas envie de se poser toutes ces questions. Après son bac, elle suivrait des études de journalisme. Elle deviendrait rédactrice en chef d'un grand magazine -surement de musique, comme sa tante ; et épouserait peut-être un écrivain. Ou alors elle serait médecin, ou professeure de français en institut littéraire. Son avenir était partiellement tracé, ou peut-être pas, et Samuelle s'en contentait à peu près. Sa famille avait pris l'habitude d'anticiper les réponses à ces questions énigmatiques ;  et les questions financières n'étaient pas un souci non plus.

Et après tout, elle rêvait d'une carrière depuis ses quinze ans. Seulement, tout l'ennuyait.

 

Un instant plus tard, après avoir remis ses idées en place, Samuelle emprunta le chemin du retour. Elle n'habitait pas loin du lycée, peut-être quatre ou cinq kilomètres. La jeune femme aimait beaucoup marcher et même si l'été arrivait avec les premières grandes chaleurs, elle n'avait ni peur de l'épuisement, ni même de l'usure.  Samuelle emprunta donc la rue Clovis pour rejoindre et descendre l'avenue du Cardinal Lemoine. Elle croisa d'autres élèves de son lycée sans vraiment leur prêter attention. Ses amis à elle se comptaient sur les doigts d'une seule main et la majorité habitaient à au moins huit stations de métro, dans les quartiers plus populaires. Ils étaient donc partis depuis longtemps, et la jeune fille avait l'habitude de faire le chemin toute seule.

 

Elle attisa la curiosité de plusieurs garçons lorsqu'elle leur passa devant ; ça aussi elle en avait l'habitude. Bande d'imbéciles.

 

Samuelle n'était pas une fille ordinaire : elle avait un physique hors du commun, qu'elle tentait de dissimuler sous sa nonchalance naturelle.  Elle était belle, mais pas trop, et cela lui valait la jalousie de certaines autres filles : elle ne se maquillait que très légèrement et ses boucles noires entremêlées tombaient à peine sur ses épaules et elle avait pris la mauvaise manie de cacher ses yeux gris-verts derrière une frange trop longue. Samuelle s'habillait  souvent de collants sombres à motifs discrets, ou tout simplement troués, qu'elle assemblait avec shorts en jean. Elle ne portait que des t-shirt et chemises simples, aux couleurs neutres, et son seul accessoire était un sautoir en or, offert par son arrière grand même à ses seize ans. Elle paraissait frêle ainsi, simple et snob à la fois. Sa taille moyenne accentuait le tout, et peu de gens au lycée lui cherchait des ennuis. D'abord parce que Samuelle s'arrangeait toujours pour ne pas leur en donner la raison, et ensuite parce qu'elle était réputée pour savoir se défendre. Elle portait souvent des cardigans, achetés une taille au-dessus pour masquer ses formes, et des blazers piqués dans l'armoire de son père. Il avait horreur de ça, il ne cessait de le lui répéter, mais elle s'en contrefichait. Quelque fois, elle avait des airs de rebelle, voir garçon manqué, mais elle était d'une grâce rare et naturelle, toujours. Même avec ses longues et fines bottes, ou ses Converses trop abimées.

Samuelle se démarquait en tout point.

Elle paraissait plus mature que les autres aussi. Et cela s'avérait utile, quelques fois.

Plaisant autant aux garçons qu'aux filles, elle n'était tombée amoureuse qu'une seule fois. 

 

Ce n'était pas la peur qui la rendait si  effacée par rapport aux autres,  mais elle préférait attendre son moment.

 

"Samuelle ! Mais qu'est-ce que tu fichais bon sang ! Je t'attends depuis presque vingt minutes !"

 

Coline attrapa le bras de son amie et lui embrassa la joue.

Amies depuis leur enfance, elles rentraient ensembles dès que leur emploi du temps le permettait. Elles se rejoignaient quelques fois au pont Tournelle, à mi-chemin en leur deux lycées.

 

"Tu oses mettre tes shorts avec des jambes aussi blanches ? T'es vraiment pas faite comme les autres toi. Lança Coline.

- J'aime m'habiller comme ça, t'y changeras rien, cocotte. Et je préfère mes fringues à tes nœuds roses ! Répliqua Samuelle."

 

La relation qu'entretenaient Coline et Samuelle prêtait parfois à confusion. Sans arrêt en train de se taquiner, de se chamailler et même elles s'envoyaient balader quelques fois, Samuelle adorait pourtant Coline depuis le premier jour où elles s'étaient rencontrées : à la petite école. Leur jeu avait commencé là-bas  vers cinq ans, et n'avait jamais cessé.

 

Coline était presque en tout point l'opposé de sa meilleure amie. Grande, svelte, des cheveux blonds ondulés qui jouaient avec le vent et venaient parfois frapper ses joues roses de petite fille. Coline ressemblait à une poupée, en version réelle. Fraîche, rayonnante, chaleureuse  et toujours de bonne humeur à chaque moments de la journée, qu'il pleuve, qu'il vente, ou qu'il neige. "Tu m'embrouilles, avec tes ondes négatives," répétait-elle souvent à Samuelle.  Elle était une enfant, une enfant dans un corps d'adolescente, et cela lui jouait quelques fois des tours.

 

Elles traversèrent le pont et se posèrent sur le bord du quai d'Orléan. La promenade était bondée à cette époque de l'année. Le mois de Juin marquait le début de l'arrivée des touristes étrangers qui, pour elle ne savait quelles raisons, aimaient venir se balader sur les rives bondées de la capitale.

 

"Tu auras dix-huit ans demain, et moi je serais une gamine. Soupira Coline.

- T'es déjà une gamine.

- Et tu vas me laisser tomber.

- Ce que tu peux être bête, je te jure."

 

Samuelle pris son amie dans ses bras, elles avaient l'air de deux sœurs. Coline sourit, son amie lui montrait rarement autant d'affection. La blonde commençait les conversations, faisait les bisous et réclamait les câlins. Samuelle n'aimait pas spécialement, ou alors elle n'en ressentait pas le besoin.

 

" J'ai tellement envie de partir d'ici, souffla-t-elle.

 

Et c'était comme un soulagement.

 

" Tu veux changer de lycée ? Lui demanda Coline.

 

Sa  meilleure amie était si innocente, et cela l'agaçait parfois. Sa naïveté l'attendrissait cependant, mais elle s'en laissait aussi. Et Samuelle ne savait plus vraiment si son amie le faisait exprès ou non.

 

"Je veux partir d'ici, Coline. Répéta-t-elle alors patiemment.

- Je ne comprends pas…

-  Je veux quitter Paris, j'en ai vraiment envie.

- Tu es perdue, les jeunes sont tous comme ça maintenant. Mais ça passera, j'en suis sure. Mon frère était comme ça aussi, mais il a rencontré Marie à la fac et ça l'a changé.

- Ils sont au bord du divorce, et ton frère déteste son job. Répliqua Samuelle.

- Il a vingt-six ans, un boulot, une femme, un appartement.

- Ton frère a raté sa vie et est au bord de la dépression parce qu'il a suivi été trop lâche pour faire demi-tour Coline !"

 

Samuelle regretta ses mots à peine furent-ils prononcés. Mais elle savait qu'au fond, elle avait raison.

 

"Je t'interdit de parler de lui comme ça ! Il a voulu la sécurité, il l'a eu !"

 

La brune ne répondit pas, et sa meilleure amie tenta de reprendre un ton posé. Elles ne levaient que rarement la voix l'une avec l'autre, jamais elles ne s'étaient permises d'emmètre de jugements à voix haute sur leurs familles respectives.

 

"On n'a pas grandi avec une cuillère en argent dans la bouche nous, Samuelle. Déclara-t-elle calmement. Mes parents en ont trimé pour en arriver là."

 

désignait leur modeste soixante-dix mètres carrés quelques rues plus loin, l'entreprise de traiteur de son père et surement aussi le 4x4 acheté d'occasion pour créer un semblant d'appartenance au haut de l'échelle sociale.

Samuelle préférait pourtant ce petit appartement au snob et terne, dont ses parents étaient propriétaires depuis sa naissance, au cœur de la ville. Il était immense, et vide de sens alors que chez Coline, elle se sentait comme dans un cocon. Un cocon dans lequel elle aurait voulu grandir.

 

"Tu ne comprends pas, laisse tomber."

 

Elle lâcha l'étreinte de son amie et se leva.

 

"Je rentre chez moi, on se voit demain soir à la maison pour la fête. Je t'adore, petit chat."

 

Samuelle embrassa furtivement la joue moite de sa plus proche amie, avec le plus de chaleur possible. Elle ne savait lui transmettre son amour que comme ça. Et elle espérait que ça avait marché.

 

En remontant rapidement les marches du quai, Samuelle ne se retourna pas. Coline en serait malade toute la soirée, elle se sentirait fautive et demain, elles s'enlaceraient pour oublier tout ça.

 

Sur le court chemin qui la ramenait chez elle, Samuelle fut pourtant obligée d'admettre que sa meilleure amie avait eu raison, quelques minutes plus tôt.  Comme toujours.

 

Elles vivaient dans deux mondes différents, et, à un carrefour aussi rude de leurs vies ; elles ne le ressentaient que trop bien.

 

Samuelle avait vécue en pensant être libre, elle comprenait désormais que ce n'étais qu'une illusion ; telle que ses parents y croyaient eux aussi, et qu'ils l'avaient nourrie de ce mensonge.

 

*

 

L'idée de fuir germa ainsi dans sa tête, et elle serait son ultime décision. Pour une fois, Chloé compris en quelques secondes à peine la voie qu'elle désirait emprunter. Elle souriait, tout en y pensant.

 

Elle passa la porte du grand duplex, traversa le long couloir et envoya son sac voler contre le mur en entrant dans sa chambre.

 

Bientôt, elle ne serait plus là.

  • J'ai bien aimé ce prologue où on est plongé dans l'histoire directement! Il y a quelques fautes de frappe mais j'aime beaucoup ta façon de raconter les choses, continue!!

    · Il y a presque 9 ans ·
    Largea

    lune-noire

    • Merci, c'est gentil !
      Ah, je passe toujours à côté de certaines fautes, faut croire que je suis pas douée.

      · Il y a presque 9 ans ·
      Stkr1126h2o012

      sphtst

    • Mais t'inquiète pas, ça ne nous enlève pas le plaisir de te lire!

      · Il y a presque 9 ans ·
      Largea

      lune-noire

    • Merci encore :)

      · Il y a presque 9 ans ·
      Stkr1126h2o012

      sphtst

  • Ecriture agréable à lire!
    Par contre il y a quelques fautes et fautes de frappe à corriger :)

    · Il y a presque 9 ans ·
    Arya stark

    siiiliii

    • J'ai corrigé celles que j'ai pu. Merci :)

      · Il y a presque 9 ans ·
      Stkr1126h2o012

      sphtst

    • De rien ^^

      · Il y a presque 9 ans ·
      Arya stark

      siiiliii

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