proposition d'écriture collective

Lolita Denoual

Je cherche quelqu'un par un projet d'écriture de roman à quatre mains(ou plus) mon partenaire d'écriture m'a laissé tomber donc si vous êtes tenté...

Voici le projet : 8 guerriers sont transportés depuis différentes époques jusqu'à Shinkai, le pays des dieux où ils vont s'affronter à mort sous la bannière d'un des quatre animaux divins : Seiriu le dragon gardien de l'est, Gembu la tortue gardienne du nord, Byakko le tigre blanc gardien de l'ouest et Suzaku, phoenix et gardien du sud. Le vainqueur de ce jeu se verra accorder son voeu le plus cher, autant dire que la lutte s'annonce violente... 

Donc l'univers c'est une Asie empreinte de magie et d'éléments mythologiques. L'intérêt c'est que votre personnage peut venir de n'importe où et de n'importe quand, voir même être extrait du monde imaginaire de l'un de vos récits. On alterne les points de vue à la troisième personne, on s'inspire au fur et à mesure de la partie écrite par l'autre jusqu'à que notre univers commun se développe et que nos personnages se rencontrent, se battent, s'aiment bref, interagissent. Les possibilités sont infinies !

Voici ma partie :

La jeune fille ouvrit les yeux sur les ténèbres, une nuit absolue comme celle que dut connaitre le monde dans sa prime genèse.

Étrangement elle ne ressentit aucune peur, flottant dans l'obscurité primordiale comme dans une mer d'encre, débarrassée des entraves de la pesanteur elle se sentit aussi légère qu'un pur esprit. Était- elle devenue un o-bake ? Un fantôme ? Se pourrait t-il qu'elle soit morte pendant son sommeil mais qu'elle l'ignorait encore ? Son père trouverait son corps au matin, étendu sur son futon. Elle ricana intérieurement, il y avait bien longtemps que monsieur Wheeler ne mettait plus les pieds chez lui, si il n'y avait la bonne, elle pourrait redouter de rester à pourrir pendant des jours, empuantissant la maison. L'idée de sa mort ne l'alarma pas outre mesure, effectuant un salto, elle éclata d'un rire joyeux puis prit un air coupable avant de réaliser que c'était désormais inutile, plus besoin d'étrangler la moindre pousse de joie, de se fustiger à chaque fois qu'elle savourait les plaisirs de l'existence comme si en oubliant un instant son deuil, elle offensait le souvenir de la defeinte. Si elle était morte, elle allait revoir sa mère ! Un sourire timide naquit sur son visage, elle fut surprise de ne pas le sentir craquer tant elle n'y était plus habituée. L'espoir. Bourgeon fragile.

Oka-san... murmura t'elle, scrutant son environnement de ses yeux aveugles, guettant une touche de gris, une infime trace de lumière. Sa mère allait-t-elle surgir comme une silhouette luminescente puis l'entrainer par la main jusqu'à cet autre monde quelqu'il soit où allaient les humains après leur mort ?

Longtemps, elle resta à attendre, son environnement si fabuleux perdit peu à peu tout attrait devint simplement vide, un monde vide et sombre qui lui renvoya comme un miroir sa propre vacuité.

Elle enroula ses genoux de ses bras et se laissa dériver dans l'espace.

Seule, tellement seule...

Elle ferma les yeux, les larmes dévalant le long de ses joues tandis qu'en son cœur elle perdait sa mère pour la deuxième fois. Il lui fallut plusieurs secondes pour remarquer la soudaine lueur assez vive pour transpercer le rideau de ses paupières. Elle les souleva doucement, n'osant espérer de nouveau et les referma aussitôt, ayant l'impression que ses rétines brûlaient.

Il lui fallut plusieurs tentatives avant de pouvoir supporter cet éclat digne du soleil puis enfin, perplexe, elle contempla ces deux énormes étoiles d'émeraude incandescente.

Mon enfant... 

Le grondement résonna jusque dans ses os, tout son corps vibrant comme la corde d'un shamisen tandis que la sueur dévalait lentement le long de sa peau. Elle pouvait sentir bouillonner toute l'eau de son organisme, la chaleur à son point le plus intense, elle leva ses bras comme pour s'en protéger. C'est ainsi qu'elle s'éveilla, les deux bras levés dans un geste de protection et avec pour seul souvenir de son rêve, des yeux d'un vert brûlant qui remplissait son âme d'effroi.

***


Une peau grisâtre, un nez démesurément long, le même regard terne que les carpes du bassin d'agréement. Akane lâcha un petit cri, frisant la crise cardiaque à la vue de l'horrible faciès penché au dessus de son lit comme une mauvaise fée sur un berceau.

_ oujou-san, jikan desu ! L'interpella Hidemi san

Elle ne s'y habituerait jamais...

Les japonais et leur manière très poétiques de nommer leurs enfants pouvaient parfois faire preuve bien malgré eux d'une cruelle ironie C'est ainsi que la vieille fille qui leur servait de bonne portait un patronyme signifiant «  beauté supérieure »

Akane écarta les cheveux qui tombaient devant son visage en un voile de soie rouge et grimaçant, glissa ses jambes nues hors du lit pour enfiler ses bas.Au moins à ce sujet, la jeune fille n'avait pas à se plaindre de ses parents, «   fleur écarlate » était un prénom on ne peut plus approprié.

_ votre père, m'a prié de vous prévenir qu'il ne pourra pas être présent pour le dîner, l'informa hidemi toujours en japonais. Akane se contenta d'un grognement équivoque et lissa les plis de sa jupe avant de s'asseoir en bout de table. L'immense rectangle de bois soigneusement ciré pouvait accueillir une douzaine de convives mais ces derniers temps Akane y mangeait toujours seule.

 Le nez baissé sur son assiette, elle tripota ses œufs avec sa fourchette, essayant de ne pas regarder la chaise ou sa mère aurait dut être assise. mais c'était comme de traverser un pont de singe en essayant de ne surtout pas regarder en bas, peine perdue. La chaise vide semblait porter son fantôme, elle pouvait presque la voir attablée devant un plat de riz et de natto, ces haricots de soja fermenté à l'aspect gluant et à l'odeur forte dont elle s'était si souvent plaint.

 Elle ne s'en plaindrait plus à présent, elle donnerait n'importe quoi, n'importe quoi ! Pour pouvoir contempler le balai gracieux des baguettes dans les mains maternelles. Une malheureuse saucisse fit les frais de sa mauvaise humeur et finalement elle repoussa son breakfast. Cela lui rappelait trop que lorsqu'elle était petite, sa mère découpait les saucisses en forme de pieuvre et dessinait des sourires sur ses omelettes avec du ketchup. Pitoyable. 

Akane s'essuya la bouche et repoussa sa chaise.

_ Itekimasu, marmonna t'elle en partant. Elle attendit quelque secondes le cœur serré mais seul le silence lui répondit.

***

Le lycée Sakura devait son nom à la longue allée de cerisiers qui menait à cet établissement privé réservé aux jeunes filles de bonne famille. Fille de l'ambassadeur américain au Japon, il lui fallait le must du must, pour monsieur Wheeler il ne pouvait en être autrement. On disait des japonais mais les américains aussi n'avaient pas leur pareil quand il s'agissait de fierté. 

 Akane resserra la lanière de son sac sur son épaule et descendit de la voiture, saluant son chauffeur d'un signe de tête. Une rafale de vent l'accueillit d'une pluie de pétales roses et elle se protégea les yeux du bras, quelques mèches rouges échappés de ses tresses formant comme des traînées de sang sur sa chemise blanche. Sans un mot elle se mêla à la foule des lycéennes. 

Toutes semblables dans leur uniforme, elles s'interpellaient de leur voix aiguës, les portes clés en formes d'animaux se balançant le long de leur cartable tandis qu'elles courraient rejoindre leur amies pour leur raconter leur week end ou leur faire découvrir un nouveau boy band dont les chansons sortaient à intervalle régulier des hauts parleur de leurs smartphone dernier cri.  

Akane sorti le sien orné d'un ours en strass rose pour commencer à rédiger un texto à l'adresse de son amie Yuki mais s'interrompit en voyant la jeune fille courir dans sa direction.

_ Yuk...

Son amie la dépassa, la fouettant de ses tresses brillantes tandis qu'elle rejoignait le groupe des filles populaires qu'elle détestait cordialement un mois plus tôt, jurant qu'elle préférait avaler milles aiguilles plutôt que de les fréquenter.

Il semblerait que les aiguilles passent plutôt bien avec un peu de soda au melon songea t-elle peu charitablement.

Son ex-amie quelque peu enveloppée raffolait des boissons au parfum étrange et se les enfilait cul sec comme une alcoolique s'envoyant des shots de whisky.

Il pouvait se passer bien des choses en un mois, on pouvait se retrouver quasi orpheline et lorsqu'on revenait enfin à l'école, découvrir que votre meilleure amie avait été remplacé par son sosie gloussant et superficiel.

Mea Culpa. Si empêtrée dans son chagrin elle n'avait pas cessé de répondre à ces sms qui soit dit en passant avaient fini par s'espacer de plus en plus jusqu'à disparaître complètement, elle n'en serait pas là. La compassion a ses limites d'autant plus quand on parle de gamines de seize ans.

Soupirant, Akane rangea son portable et s'achemina vers l'austère bâtiment de style anglais où se déroulaient les cours.


***

Kyoko pouffait bruyamment dans son dos. Assise raide sur sa chaise Akane serra les poings sur ses genoux et se força à garder les yeux en direction du tableau et du minuscule prof de math à moitié chauve qui perché sur un tabouret y dessinait des figures géométriques d'une main tremblante. 

  Matsuda-sensei était l'un des enseignants les plus populaires non à cause de son agréable personnalité- ses discours barbants commençant tous par " de mon temps les jeunes..." en lassaient plus d'un mais plutôt à cause de sa surdité bien pratique qui faisaient de ses cours un défouloir pour tous les bavards impénitents qui ressortaient frustrés d'une heure entre les mains de ses confrères bien-entendants. Les rires redoublèrent et la jeune fille eut la sensation désagréable sur la nuque qu'elle associait à des regards fixés sur elle.

   Paranoïaque ou non, elle se retourna pour assister à la grande scène de Yuki qui mimait un étranglement avec un talent certain. Celle-ci avait toujours rêvé de faire du théâtre et sans son embonpoint qui l'avait écarté des premiers rôles au profit de starlettes sophistiqués, elle aurait fait une formidable actrice. C'était son instant de gloire, sa nouvelle bande pleurant de rire tandis que la langue pendante, elle redoublait de grimaces. Akane se leva brusquement, le visage méconnaissable de sa mère pendue aux poutres du grenier se superposant à celui de son ex-meilleure amie. La main sur la bouche pour contenir sa nausée, elle s'enfuit à toute jambes, quittant la salle de classe et les rires moqueurs de ses camarades.

***

Debout dans le métro, elle agrippait la poignée de toutes ses forces, bringuebalée par les vibrations du véhicule qui la projetaient sur les autres passagers à intervalle régulier. Son père lui avait toujours interdit de voyager avec la plèbe, elle avait mis cela sur son complexe de supériorité typiquement bourgeois. La chaleur et les odeurs corporelles lui faisait reconsidérer son opinion, pour une fois une des interdictions de son père lui paraissait tout à fait justifiée. Elle se raidit en voyant un groupe de filles d'un lycée publique franchir les portes. L'une d'elle la fusilla de son regard cerné de maquillage blanc :

_ Baisse les yeux, pétasse ! Éructa t-elle

Akane s'exécuta aussitôt, soudain passionnée par ses chaussures. La ganguro était sans aucun doute le genre même des mauvaises filles que son père lui avait toujours conseillé d'éviter. Avec sa peau brunie par un excès d'UV et ses cheveux décolorés qui s'opposait aux cheveux noirs et au teint blanc de la japonaise traditionnelle, elle était l'image même de la provocation. Le bip des touches d'un portable lui assura que la rebelle s'était désintéressée d'elle, elle leva brièvement les yeux pour la voir tapoter de ses ongles vernis de rose avant de les baisser de nouveau précipitamment quand celle ci releva la tête. Elle ne broncha plus avant d'arriver à destination, tachant par dessus tout de se faire oublier jusqu'à que les portes s'ouvrent, là elle se précipita vers la sortie, prenant une dernière bouffée d'air frais avant de se diriger vers la gare de shinzuku.

Hakone, porte d'entrée de l'impériale Tokyo autrefois nommée Edo, trois heures de transports plus tard, elle cheminait dans la forêt,chaque pas l'éloignant un peu plus de la civilisation comme si elle effectuait un voyage dans le temps, se rendant à une époque lointaine où les buildings n'avaient pas encore remplacer les arbres. Les rumeurs de la ville s'étaient faites lointaines, cédant la place à la foisonnance de vert du parc national du Fuji- hakone-izu qui était connu pour abriter de rares espèces de lézards et tenait son nom de la célèbre montagne dont elle pouvait apercevoir le sommet. On pouvait aussi la voir de Tokyo mais seulement quand le ciel bleu était débarrassé du nuage de pollution qui formait comme un dôme au dessus de la ville. 

 Trébuchant sur le chemin escarpé, elle chercha des yeux le torii rouge, qui marquait la présence du sanctuaire et constituait la différence la plus marquante avec les temples bouddhistes avec lesquels les touristes confondaient souvent leur lieu de culte malgré la flagrante absence de bouddha. 

Arrivée à hauteur de la porte, elle essuya ses mains moites sur ses jambes avant de s'incliner et de s'engager sur le chemin de galets bordé de lanternes qui menait jusqu'au fameux Hakone-jinja. Sans s'en apercevoir elle avait ralenti le pas, emplie de cette crainte respectueuse qui ne l'avait pas quitté depuis sa dernière visite où petite fille de six ans, elle avait tremblé de peur devant les komainu avant de courir rejoindre sa mère, ne lâchant plus sa main avant d'être arrivée hors de vue des effrayantes statues. 

   Aujourd'hui les lions de pierre ne lui semblaient pas moins impressionnants, montant la garde, ils semblaient la suivre de leurs yeux minéraux. Elle déglutit et se purifia rapidement les mains et la bouche avec la louche de pierre contenant une eau rendue glaciale par l'air de la montagne avant de passer le shimenawa, une corde épaisse le long de laquelle des bandes de papier en zig zag se balançaient pour éloigner les mauvais esprits et qui comme le lui avait expliqué son grand père marquait la séparation entre le sacré et le profane.

   Cela faisait des années qu'elle ne l'avait pas vu mais approchant, elle se rappelait toutes les histoires qui lui racontait enfant avant que son père lui interdise de le voir. Sa préféré était celle du dragon à neuf têtes qui autrefois résidait dans le lac Ashi.

  La légende raconte comment, lorsqu'il fut nommé gouverneur de la province de Settsu, le guerrier Minamoto no Mitsunaka se rendit en pèlerinage au sanctuaire Sumiyoshi Taïsha et interrogea sa divinité tutélaire dans l'espoir qu'elle lui enverrait un signe et lui dirait où faire construire sa résidence. Il pria durant des jours et des nuits. La huitième nuit, il fut visité en rêve par la divinité tutélaire du sanctuaire.

- Place-toi en direction du nord-ouest, lui dit-elle dans son rêve, tire une flèche en l'air et construit ta résidence à l'endroit où elle tombera.

Le lendemain matin suivant, Mitsunaka tira une flèche emplumée blanche dans les airs et il la suivit avec ses vassaux. La flèche passa au dessus du Mont Satsuki en émettant de la lumière puis elle tomba dans un lac entouré de hautes montagnes. Quand il arriva à proximité du Mont Hagihara, Mitsunaka croisa des villageois.

- Vous n'auriez pas vu une flèche blanche dans le ciel ? leur demanda-t-il.

- Elle est tombée dans le lac qui se trouve au sommet de cette montagne, lui répondirent-ils.

Mitsunaka fit l'ascension de la montagne. Quand il arriva au sommet, il aperçut, en bordure du lac, un dragon géant à neuf têtes. C'était un dragon qui habitait dans le lac, un dragon qui descendait quelquefois de la montagne pour voler les récoltes et faire du mal aux villageois. Mitsunaka vit aussi que sa flèche blanche s'était plantée dans un de ses yeux. Il dégaina aussitôt son épée et l lui porta un coup pour l'achever. Le dragon fut agité de violents soubresauts et il frappa de sa queue la montagne dont un pan  se détacha, le lac qui se trouvait au sommet de la montagne se transforma en une chute d'eau qui déferla dans la plaine en faisant un bruit pareil à celui d'un tambour, inonda la région et  créa de nombreuses rizières.

Puisque la divinité du sanctuaire Sumiyoshi Taïsha lui avait dit de construire sa résidence à l'endroit où tomberait sa flèche, Mitsunaka convoqua aussitôt des charpentiers et  leur ordonna de construire une maison depuis laquelle lui et ses fils gouvernèrent sagement la province de Settsu.

Pendant ce temps, les habitants de la région, désireux d'exprimer leur reconnaissance à l'égard de ce méchant dragon qui avait finalement irrigué le pays et permis la construction de nombreuses rizières, enterrèrent les neuf têtes du dragon sous neuf grosses pierres. Ceci fait, ils construisirent un sanctuaire en son honneur et ils lui attribuèrent le nom de Sanctuaire des Neuf Têtes.

A chaque 31 juillet, les moines donnaient un festival en l'honneur du dragon,  les lanternes flottantes faisaient scintiller le lac et les feux d'artifices y faisaient naître milles couleurs, la surface plane de l'eau comme un miroir reflétait les cieux embrasés. Cette image de carte postale ne parvint pas à lui apporter la paix qu'elle recherchait, seulement une intense nostalgie qui la saisit en souvenir des jours heureux de son enfance.

    Son grand père n'était pas là, en désespoir de cause, Akane se rendit dans une petite salle fermée au public. L'atmosphère poussiéreuse la fit aussitôt éternuer. Morose, elle s'agenouilla devant l'autel familial. Au milieu des bâtonnets d'encens, le sourire d'une jeune madame wheeler était figé sur la photographie, vêtue d'un large pantalon rouge ou hakama et d'un haut de kimono blanc, la tenue traditionnelle des miko, les prêtresses. Soudain Akane en voulut à sa mère, elle lui en voulut de l'avoir laisser seule avec un père toujours absent. Elle lui en voulut d'avoir passer cette fichue corde autour de son cou, d'être monter sur cette fichu chaise! Elle lui en voulut d'avoir été faible .Ouai, Akane sauta direct les étapes du deuil pour passer à la phase colère ! Elle se releva, joignit brutalement les mains et quitta la pièce en faisant claquer le panneau coulissant.

Son père n'était pas là pour lui reprocher d'avoir sécher les cours mais elle ne s'en étonna pas. Grimpant à toute vitesse l'escalier, elle déboula dans le grenier, son regard aussitôt aimanté par la poutre où sa mère s'était balancé puis elle reporta son attention sur les cartons contenant ses effets que son père sur un coup de colère qu'elle comprenait à présent avait placé hors de sa vue, le jour même de l' enterrement.

    Ce jour marquait une frontière dans la vie de la jeune fille, comme le shimenawa, il marquait la différence entre l'enfant qu'elle avait été, sure de l'amour de ses deux parents et cette jeune fille qu'elle était à présent, dont toutes les certitudes avaient été ébranlées. Sa mère ne l'avait pas aimé assez pour rester à ses cotés et son père la détestait tellement qu'il ne supportait pas un instant de rester en sa présence. Bien, elle n'avait pas besoin qu'on l'aime. A présent, elle ne vivrait que pour elle même.

   Elle s'apprêtait à quitter le grenier et toutes ses choses du passé quand elle se ravisa, juste un souvenir, elle voulait en garder juste un, quelque chose qui lui rappelait la mère aimante qu'avait été madame Wheeler avant que sa joie de vivre ne se fane comme les fleurs séchées qu'elle semait un peu partout dans des bocaux parfumés ou écrasés entre les pages des livres de la bibliothèque paternelle. Juste un. Farfouillant, elle mis enfin la main sur ce qu'elle cherchait. 

  Son collier posé dans son écran de velours noir,  le tigre d'argent avec ses deux émeraudes en guise de yeux était si réaliste qu'elle s'attendait à le voir bondir toutes griffes dehors.

_ mon enfant...

Elle sursauta.

_ Qu..qui est là ? Père ?

Silence. Ses cheveux furent soulevés par un vent invisible et elle sentit comme une caresse sur sa joue.

Elle hésita.

_ Mère ? 

Akane eut un ricanement incrédule, secouant la tête. Voilà qu'elle rêvait tout éveillée à présent, de quoi déplaire fortement à son paternel si cartésien qui méprisait tout ce qui sortait un tant soit peu de l'ordinaire. Comment  avait-il put épousé une miko, élevée dans le culte des dieux et initiée aux rituels magique ? mystère...

Avant de se raviser, elle referma ses doigts autour du métal étrangement chaud et c'est alors que l'univers s'écroula. Tout son corps oscilla alors que le sol tanguait dangereusement, les murs ondoyant comme un drapeau au vent, un tremblement de terre ? Pensa t-elle sonnée. 

  La lumière transperça ses rétines tandis qu'elle tombait à quatre pattes sur une surface humide. Le parquet usé avait fait place à une herbe trempée de rosée, un ciel d'un gris néfaste emplis de fumées acres remplaçait les poutres du grenier.

   Son ouïe lui revint dans une explosion de violence, elle gémit tandis que retentissait la clameur martiale de milliers d'hommes se jetant les uns contre les autres dans un fracas métallique. Hébétée, elle vit un géant dans une armure noire rappelant la carapace luisante de quelque effrayant insecte s'écraser au sol dans un nuage de poussière, elle s'attarda un instant sur le samurai dont le beau visage avait atterri à quelques centimètres de ses baskets et leva les yeux pour voir son adversaire brandir la lame ensanglantée d'un redoutable sabre, elle souffla : merde alors et sa seule satisfaction fut de voir le guerrier rouler sur lui même pour éviter la lame juste avant de s'évanouir.

  Elle se réveilla ballottée sur le dos d'un étalon, calée inconfortablement sur les genoux de son samurai. Clignant des yeux, elle regarda l'immense cité asiatique vers lequel ils se dirigeait. 

Un rire joyeux et un charabia qui ressemblais vaguement au japonais. Les guerriers savouraient le plaisir de rentrer chez eux. Un aigle fendit le ciel, survolant la ligne sinueuse de milliers de cavaliers à travers les plaines verdoyantes avant de disparaître dans l'ombre des montagnes enneigées. La jeune femme se força à refermer la bouche, se pinçant discrètement, la vive douleur la força à admettre que ce paysage était bel et bien réel.

Lorsque leur troupe dépenaillée arriva enfin à destination elle ne put que se rendre compte du tour extraordinaire que venait de prendre sa vie. Serrant toujours le bijou de sa mère dans sa main, elle resta bouche bée  à la vue du spectacle qui se déroulait devant ses yeux. Une foule bigarrée où d'incroyables soieries côtoyaient les frusques les plus loqueteuses les entouraient, acclamant les hommes victorieux. Plus rien ne serait jamais pareil à présent, c'était certain.


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