PROSTATE

Pierre Pérès Allouche

C’est un flou artistique, une option inconnue ;

Même quand tu es là, devant moi, moitié nue,

Je n’imagine rien, laissant venir l’instant

Magique et redoutable, quand prenant ton temps,

Tu porteras tes doigts au cœur de ma défaite ;

Mettant au désespoir ces primeurs de conquête.

Une infâme prostate exaspère mon corps,

Me joue des tours, se joue de moi, de mes transports.

 

Je ne peux que rêver devant l’inacceptable.

Te prendre est devenu, pour moi, presque impensable,

Quand rien ne me permet de songer, haut et fort,

Que je ne pourrai plus pénétrer tes remords.

Ce petit truc sournois qui perturbe mon âge,

Alors que je me sens capable de voyages

Plus surprenants, plus mystérieux, plus étonnants

Que ceux que je faisais lorsque j’avais vingt ans.

 

C’est vrai, la bête est là, toujours prête à l’attaque;

Pas du tout défaillante, pas du tout patraque.

Pourtant il suffirait d’un mot, d’un impromptu,

Pour qu’elle s’en retourne à de moindres vertus.

Elle se fait parfois rebelle et susceptible,

Quand, se remémorant ses exploits extensibles,

Elle gémit alors d’avoir à redouter,

Par manque de hauteur, de se caoutchouter.

 

Cette invective à ma vigueur me décommande,

Ne plus pouvoir bander me porte sur les glandes.

Tiens, parlons en de glande, et de l’impertinent

Bout de chair qui propage un air incontinent,

Qui perturbe ma tête, et mon coeur, et mon sexe.

Mes positions, c’est sûr, vont te laisser perplexe.

A moins de découvrir, dans le Kama Sutra,

Celles qui, malgré tout, feront rougir tes draps.

 

Prélèvements discrets, sondage et analyses

Sont d’une solitude qui vous paralyse.

Il est, cet examen, pour autant que banal,

Peut-être aussi fâcheux qu’un toucher vaginal.

Cet intrus singulier qui fouille et qui farfouille,

Qui, sans raison aucune, parfois vous papouille,

A saper mon statu d’hétérosexuel,

Devenant, un moment, un homo virtuel.

 

Comment vivre, à présent, à cette ignoble idée 

Qui me pousse à jamais loin de ton orchidée ?

Moi qui adore tant sillonner ton jardin,

Me voici assigné au rang des anodins ;

Inoffensif au pieu, obsédé anonyme,

Je vais me liquéfier d’un état cacochyme...

« Sortez de votre rêve et déciller les yeux,

Vos examens sont bons, et tout va pour le mieux».

 

Une laborantine, au tendre regard d’ange,

M’extirpait de ce songe pour le moins étrange,

M'édifiant, tout à coup, d’un concept merveilleux :

« Pro statiquement dit, je ne suis pas si vieux. »

  • J'aime bien les possibilités qu'offre la poésie de s'intéresser à des sujets aussi divers que la prostate et pour votre cas avec une certaine réussite. Foin du romantisme et des pleurnicharderies accoutumés et vive la liberté de ton !!
    Attention cependant aux rimes interdites singulier/pluriel (sans animosité aucune...)

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Funphotobox220725s1mydyzw orig

    pich24

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