Prostituez-moi /Chapitre II - Pause , retour en arrière , Play

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« Elle s'épanche lentement sur le destin. Le câline doucement , le prend dans
sa bouche , qu'il crache ce qu'il a craché. Et qu'il la laisse en paix. »

Ca avait commencé à peu près comme ça , lorsque les années s’étaient écoulées avec prudences et calmes . Lorsque proche de l’âge de raison , les jeunes filles en fleur se rangent méticuleusement du côté des femmes , des vraies , rayonnantes de principes aussi absurdes qu’un mois d’été sous la pluie. La vie se fait souvent comme cela , enrichie de jugements que nous seuls pouvons comprendre et accepter , puisque l’on est , à chaque fois les juges , et les condamnés , parfois même nos propres bourreaux.  

Elle était partie de sa ville d’accueil en Gironde pour une saison de boulots sur le Canal de Bourgogne. Deux mois où elle avait choisit délibérément le fric aux plaisirs de partager les premiers rayons de soleil de mai , avec ses amies  , à cramer sur une terrasses de café , pas très loin d‘une plage. Ce travail était ennuyant , s’occuper neuf heures par jour d’une écluse , y rester prostrée sans jamais quoi faire de ce temps dédié à elle , et à elle seule. Les bateaux n’étaient pas tout le temps aux rendez-vous , parfois une journée passait sans la moindre vue d’une carcasse flottante à l’horizon. Etre seule avec soi-même peut s’avérer dangereux pour les moins initiés d’entre nous. Elle observait le ciel , se tordant de ne pas comprendre toutes ces choses auxquels personne n’aura jamais accès.
 Les insectes s’amusaient avec ses nerfs en pelotes , tantôt fonçant têtes baissées contre ses joues , son front , tantôt grimpant le long de son corps en la faisant frissonner de toute part. Elle leurs parlait , calmement en reprenant sa respiration et ses esprits dus aux chocs collatéraux provoqués.

- Au pire , tu relèves ton casque quand tu te fais une course avec tes potes Connasse d’abeilles !

Bien sûr , il y avait les touristes ravis de faire partir de ce paysage de campagne , enchantés d’être sur leurs bateaux puant le modernisme à la con , d’une efficacité permanente pour amoindrir les pauvres rêves de Virginie. La bagatelle n’existait  pas, il y avait de tout ; les locations à 1000 euros la semaine , des péniches privés achetées à l’occasion d’une retraite sans doute bien méritée.
L’ascenseur social lui collait un doute , comment pouvait-on à ce point cracher le fric par tous ses pores sans jamais se sentir dépareillés des autres dont le besoin était à leur  paroxysme.

Il y lui restait deux petites semaines à tirer , où enfin elle pourrait rejoindre la douceur de son cocon amicale , à 800 bornes de chez elle , la jeune fille en fleur se fanait à mesure que le temps se faufilait entre ses ailes tatouées , maculées d’innocences.

Un type âgé , très âgé. Deux fois qu’il repassait en la complimentant des pieds à la tête , comme quoi son sourire était le plus beau des ensoleillements , comme quoi ses yeux rayonnaient de volupté et de sensualité. Tout un tas de conneries qu’elles entendaient parfois , en acceptant les yeux baissés autant de compliments crades. Beaucoup d’hommes l’avait déjà attendri du regard , des jeunes , des plus âgés , une armée de bons hommes lui parcourant l’échine et la déchirant de haut en bas pour mieux la contempler en se répandant en mièvrerie niaise.
L’esprit roulé en boule , elle acceptait face à eux de baisser la garde. Elle se laissait dévorer , croquer jusqu’à la moindre parcelle de vie. Virginie en était une , une de celle à qui le soleil n’avait toujours pas brulé les ailes.

Un jour , il y avait eu un brun aux yeux clairs. Il travaillait sur une péniche hôtel qui passait chaque semaine sur chaque écluse , un trajet unique , toujours le même sans jamais regroupés la même population. Il l’avait envouté en lui dévoilant progressivement , à chaque passage , un morceau de son corps tatoué. Il lui avait promis les fesses dans un retour proche , deux feuilles de cannabis en négatif sur le cul . Et ça lui cognait dans le ventre à Virginie , elle se sentait comme aspirée par ses corps parsemés d’encres , et son sourire n’en restait pas moins béat .

Et puis il y a eu lui , ce type ce sosie d’un acteur français. Il lui avait offert du champagne en guise d’offrande sacrée. Elle avait bu jusqu’à plus soifs ; sa bouche accueillie chaque bulle avec désirs et tendresses. Chacune de ses phrases étaient ponctuées de sorte à comprendre qu’il y avait verge sous gravillons. Elle n’en avait ni envie , ni besoin . En lui expliquant patiemment que son petit cœur était déjà pris , les yeux écarquillés et pétillants d’alcools , il l’embraqua visité sa maison flottante. Elle ne put se résigner à lui répondre un simple non.

- Aller , ça me ferait vraiment plaisir tu sais .
- Je peux pas , je suis désolée.
- S’il te plait !

Il la suppliait , la rendait presque coupable de ne pas avoir envie de baiser avec ce corps mou et flasque , tacheté de grains de beauté vieillissant.

- Faudra me payer alors !
- Combien ?
- Non mais je peux pas !
- Combien ?
- 100 !

Il avait disparu l’espace d’un instant , comme dans un film il lui avait glissé le billet près de l’oreille pour qu’elle entende les craquelures du papier vert. Et puis , il lui avait mis dans la main , le contorsionnant autant que possible. Elle avait dit 100 comme elle aurait pu dire 1000 euros. Sans jamais ne cesser de penser que tout cela était une farce , une bonne plaisanterie qui allait bientôt se terminait et dont elle se rigolerait encore , plus tard en racontant à ses petits enfants comment font les vieux parfois , pour tenter une dernière fois de prendre un plaisir fantasmé.  

- On va dans la chambre ?
- D’accord !

Elle ne comprenait pas , son corps entier se refusait à faire d’elle-même un loisir pour vieux schnok désabusé , voulant prendre ce qu’il pensait être de la fraîcheur , ou de la timidité. Il le devait le savoir pourtant , que le dégoût est l’un des sentiments les moins faciles à déguiser.

Dans la petite chambre du bateau , tout s’était fait vite  et laborieusement . Il aboyait des mots , des tonnes de phrases teintées de souffle rauque. Le vieux , il en pouvait plus d’être là , de faire ce qu’il était en train de faire , et son sexe se soulevait péniblement.
Il glissait sa langue effrayante dans sa bouche , Virginie en retenait le goût dégueulasse de la liqueur avalée quelques instants auparavant. Une forte envie de vomir , rejeter ce corps hideux de sa peau à elle , sa peau douce , sans accros , sans salissures.
Il glissait sa langue humide entre ses lèvres , elle simulait quelques cris suaves .

- Prends moi dans ta bouche !

C’était cette phrase qu’elle n’arrivait pas à entendre , elle tenta de mériter son billet aux jolies couleurs vertes .Il éjacula sur sa joue , sans rien retenir de la pureté de celle-ci.

Et elle était partit , en glissant dans sa poche de jeans , celui là même qu’elle venait de reboutonner , ficeler de nouveau sur son corps pour ne plus être attaquer , le billet de 100 euros à peine froissé. .

Elle eut d’abord envie de pleurer mais l’alcool n’avait pas aidé à la rendre émotive.

Finalement , elle avait retrouvé son père dans la grande maison réchauffée d’amour , elle avait entouré le cou de son paternel , l’avait embrassé , contente de le retrouver à la place où il sera toujours.
Ce sont les actes les moins douloureux que l’on n’oublie jamais et qui reviennent sangloter tout près de notre cœur , pas très loin de notre esprit emmitouflé aux contours rayés par tant de choses qu’on ne comprends pas.

« C’était à peu près comme ça que ça avait commencé. »


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