Provinces

Christian Lemoine

Nous transperçons les paysages, le bleu, les verts, la géographie des cultures et des arbres, la cacophonie des haies, tout se disperse et s’érige en marée frontale, avant de s’écarter par escouades rigides devant le mufle métallique. Pouvoir tyrannique des trains, qui articulent contre les vitres des langages inconnus, des mots éclatés comme des fruits blets écrasés au sol d’un verger brûlé d’été tari. On dirait de vieilles runes, effarouchées d’être bousculées par ce long serpent phallique, sans entrevoir qu’il n’est libre d’aucun de ses mouvements. Sa voie est toute tracée. Et les chemins de traverse qui s’enfuient à la poursuite des chevreuils, il ne les soupçonne pas. Alors, ces verdures diverses, ces frondaisons de pierre, ces villages fracassés, n’existent plus que pour inventer la traversée du temps du début du voyage à sa dernière escale. C’est à se demander s’il existe ici des vivants, dans ces régions souffrantes qui ne tapissent le sol et la terre que pour être pénétrées.
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