Psyché
Maxime Arlot
Je suis le miroir aux alouettes
Où les anxieux, avec constance,
M’interrogent sur leur silhouette
Et cultivent leur apparence.
De ma surface très polie,
Je retourne ce qu’on m’envoie :
Avec sérieux je réfléchis
Sans modifier quoi que ce soit ;
Chacun s’accorde à reconnaître
Que mon tain, sans être très frais,
N’est pas capable de commettre
Le plus véniel des irrespects.
Quelquefois je rêve pourtant
D’être atteint de concavité
Pour donner aux gens importants
Une leçon d’humilité…
A moins qu’une convexité
Ne m’accable soudainement
Et ne me fasse refléter
De singuliers étirements !
Mais laissons là ces inepties :
Vieille psyché que l’on ménage,
Bien installée sur mon châssis,
Je suis sage… comme une image !
J’en ai vu des générations
Dont le profil s’est estompé ;
Ma glace s’embue d’émotion
En évoquant ce cher passé.
Je sais qu’un jour, demain peut-être,
On me trouvera démodée,
Alors je devrai bien admettre
Que l’on veuille me remplacer.
En attendant cette disgrâce,
Je recèle en ma profondeur
Les stigmates du temps qui passe
Et les flétrissures du cœur.
Quand on me mettra au rebut,
Dans un coin sombre du grenier,
Que nul ne me confiera plus
Ni ses tourments, ni sa gaieté,
Les rayons d’argent de la lune,
Par la lucarne entrebâillée,
Apaiseront mon infortune
En magnifiant ma vétusté.