(Psycho 43) Croire ou ne pas croire !

Hervé Lénervé

Je reprends mon bâton de pèlerin mécréant. Mon prosélytisme contre les croyances.

L'homme, naissant au langage, essaya de comprendre son Monde. Qui pourrait l'en blâmer ? Sa pensée confuse, neuve de culture, mais déjà abstraite, ne trouva comme raisonnement aux mystères qu'il apercevait qu'une croyance animiste. Le Soleil était le jour et la vie. La Lune la nuit et la mort et ainsi de suite, tout y passa. Puis vinrent les religions subtiles et monothéistes, mais le principe reste inchangé.

Maintenant la propension psychologique de l'être humain à la croyance est-elle atavique ou intrinsèque à la pensée ?

Si on prenait comme exemple le nourrisson qui vient au Monde, vierge de tout. Son évolution psychologique dans un milieu social riche d'une connaissance, léguée par d'anciens penseurs via ses parents, ne serait-elle pas la même que celle des premiers hommes sans transmission de réflexions culturelles ?

Difficile de répondre à cela, le sujet est plus philosophique que psychologique.

La psychologie génétique (Etude du développement du psychisme de l'enfant à l'adulte et non du génome.) nous a appris que le nouveau-né percevait les odeurs et les sons, la vue lui dévoilera d'autres énigmes. Le nourrisson n'a que des sens qui le connectent à son environnement, mais pas encore de pensée pour interpréter ses stimuli. Les formes qu'il voit danser devant ses yeux ne sont pas encore ses mains, car son corps ne sait pas les coordonner en outil. Elles sont indépendantes de lui puisqu'elles ne lui obéissent pas. Bien sûr il ne peut se poser la question en ces termes, car de termes, il n'a pas. On dit qu'il a une vision syncrétique du Monde, tout est lui, il n'est pas différencié et tout se mêle en lui, il n'est encore que sensations. Par la frustration, il apprendra que des choses ne lui appartiennent pas, car elles échappent à sa volonté. Passons quelques stades de développement, autrement on va y passer carrément la journée. Lentement, l'enfant acquière un langage et avec celui-ci une pensée conceptuelle des choses qui l'entourent. Lentement, il va pouvoir classer, sérier, des objets en connaissances. Une chaise reste une chaise et en cela peu importe sa couleur, sa matière, son confort, si on lui met des accoudoirs il devient un fauteuil, cette richesse de la langue donne une pensée caractérielle plus précise et évite de se perdre dans la confusion des sens.

Brûlons les étapes, car le jour baisse déjà et j'aimerais bien aller baisser aussi.

A neuf ans, l'enfant a un langage articulé, il a presque acquis toutes les opérations mentales de l'adulte, réciprocité, similitude, ressemblance, estimation. Il jongle avec ses idées comme si elles étaient des balles et il apprend. Son cerveau établit des connections synaptiques dans une multiplication exponentielle. Bientôt se sera un savant, mais il conserve pourtant encore une vision naïve et poétique de l'enfance, des histoires, des légendes et des contes que ses parents lui ont lus. Il y croit sans y croire vraiment, mais cela est suffisant pour l'entrainer sur le chemin des croyances. La poésie est une croyance légitime, car elle ne dupe pas. Quand le poète dit « la Lune est une orange », il sait, comme le lecteur, que ce n'est qu'une transgression plaisante du « signifié » pour lier deux réalités différentes, celle massive et contraignante du quotidien et celle de la rêverie éveillée, le fantasme. Mais les poèmes peuvent suggérer des états d'âmes, ils n'apprennent rien et l'enfant a besoin de savoir. Ils posent des questions, il veut connaître des explications, il veut surtout comprendre pourquoi. Pourquoi ceci, pourquoi cela. Bientôt ses interrogations se heurtent aux connaissances scientifiques qui répondent, rappelons-le à la question : « Comment ça marche ? « Mais pas, au « Pourquoi ça marche ? » Le Sens des observations restant les domaines gardés des philosophies et surtout des religions de tous poils, qui ont finalement encore pas mal de beaux jours devant elles.

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