(Psycho) Psychologie Sociale.

Hervé Lénervé

Monsieur Eimard aide la science.

§20

C'est la dernière-née des branches de la Psycho. Elle se distingue de la Sociologie, plus par sa méthode que par ses fringues qui sont au tout venant, genre bobos ou bonobos, j'sais-pas trop. La Sociologie utilise l'enquête, le sondage d'opinions. Le sociologue peut se permettre d'écrire des essais sur tel ou tel sujet de Société. Il en a le droit, pourquoi pas, il peut écrire à sa mère aussi, mais personnellement je m'en fous. En fait le sociologue peut donner son propre avis sur n'importe quoi en le faisant passer pour un avis général. Son analyse peut être subtile, intelligente et brillante comme du Heavy Metal (ah, non ! Ça c'est pour le bruit) mais malgré, qu'elle puisse s'étayer sur beaucoup de lectures d'autres confrères, sociologues pures races eux aussi, elle ne reste qu'une méthode intimiste à prendre avec pincettes et gants de toilette.

Le psychosociologue n'a pas cette liberté de parole, il doit faire des expériences, pour publier dans des revues spécialisées qui ne sont lues, d'un regard critique, que par des spécialistes et qui finissent toujours comme tout écrit au bûché de la cheminée. Bien fait !

-         Vous voulez une autographe mademoiselle ?

-         Non, Merci ! Un autodafé me suffira.

Maintenant pour être clair comme tes beaux yeux clairs pour changer de « mes urines », prenons un exemple pour mieux comprendre, pas notre facture de flotte, mais une expérience de psycho sociale.

Monsieur Jean Eimard lit dans un torchon que des psychologues cherchent des cobayes rémunérés pour une heure de leur temps. C'est mal payé, certes, mais Eimard a tout son temps et il est curieux, il voudrait voir à quoi cela ressemble.

Donc, il s'inscrit.

Donc, il attend.

Donc, plus tard, il arrive en retard à force d'attendre, le matin du jour de sa convocation à l'adresse indiquée (autrement, ça l'fait pas). Malgré son inexactitude, Il est reçu avec de grands sourires dans une ambiance décontractée, s'il avait été plus perspicace le Eimard, il aurait déjà dû se méfier, mais bon, non, car il est bon comme le bon pain, le Jean Eimard.

On lui dit qu'il va devoir donner son avis dans un groupe de quatre autres bonshommes comme lui et une autre bonne-femme, mais pas comme lui, sur des comparaisons de longueurs, de largeurs, de hauteurs et autres balivernes de la sorte.

Ok ! On lui demandera par exemple de choisir entre deux lignes, laquelle est la plus grande. Mais comme la différence de longueur entre les lignes est flagrante, c'est vraiment cool !

Comme tout cela se fait à la bonne franquette, il lui suffit de lever le bras pour donner sa réponse comme ses cinq autres acolytes réunis dans la même pièce, genre cave, mais peinte en blanc et sans tonneaux de vin… merde ! Les scientifiques, on les savait chiants, sobres en plus, c'est à désespérer de la recherche.

Première présentation des psychosociologues :

-         Levez le bras si la ligne A est plus courte que la ligne B.

L'intérieur de la tête d'Eimard :

-         Fastoche ! La ligne A est plus courte d'au moins cinq centimètres. Ha ! Les débiles, ces psychomachins.

Eimard s'empresse donc de lever le bras bien haut, aussi haut que sa perspicacité peut le lever. Le problème, c'est qu'il est le seul à avoir le bras en l'air dressé comme un étendard ou comme un vieux souvenir nocturne ou comme un gros couillon tout simplement.

  L'intérieur de la tête de courgette d'Eimard :

-         Putain ! Ils ont de la merde dans les yeux, les autres abrutis ou quoi !

Et cela continue, deuxième présentation, puis troisième, puis ainsi de suite. Les différences à discriminer sont toujours aussi flagrantes, pourtant à chaque réponse notre Eimard se retrouve être le seul à donner la réponse qu'il croit juste.

L'intérieur de la tête de chou-fleur d'Eimard :

-         Y'a un truc que je n'ai pas dû comprendre.

En fait Eimard commence à douter, pourtant il est sûr de lui, il est sûr de ses yeux, il est sur votre femme, (ça j'avais promis de ne pas le révéler, trop tard, c'est fait) il n'y a pas photo. Il est certain de la justesse de ses réponses, mais ce qui l'emmerde c'est d'être le seul à voir les bonnes réponses.

Il commence à subir l'influence du groupe.

 L'intérieur de la tête de radis d'Eimard :

Putain ! Ils commencent à me regarder de travers les autres. Sure, qu'il me prenne pour un débile !

Allez, magnanime je suis et je vous fais grâce de la suite d'autres présentations en vous posant directement la question :

-         Si vous étiez à la place d'Eimard, au bout de combien de présentations, finiriez-vous par vous conformer au groupe en reniant vos propres certitudes ?

Ne répondez pas, vous vous tromperiez sur vous et sur votre croyance à être toujours droit dans vos bottes.

Evidemment l'expérience est truquée, les autres cobayes sont des compères et vous, vous êtes le seul couillon à être testé. C'est dégueu, car les psychomachins ont créé en vous un conflit intérieur. Rester fidèle à mes perceptions ou les renier en me conformant au groupe et comme tous conflits, intérieurs ou non, il génère du stress et surtout un grand malaise dont je ne souhaite à personne de « malaiser » ainsi.

Les scientifiques notent le nombre de représentations nécessaires pour produire ce changement de stratégie. Il reste variable d'un individu à l'autre selon sa personnalité, ses traits de caractère, mais chacun finit toujours par changer pour retrouver une paix intérieure.

L'intérieur de la tête d'épinard d'Eimard :

-         Et puis, merde ! Tant pis, si je pense que ce n'est pas la bonne réponse. J'attends que les autres charlots se manifestent et je fais comme eux. De toute façon, je m'en fous, je serai payé une misère quand même.

Voilà, ça se terminera ainsi, car les chercheurs sont à présents pressés d'aller rentrer tous leurs beaux chiffres dans leur courbe de Gauss. Ils vous remercieront, vous payeront ce qu'ils vous doivent, trois fois rien, et vous encourageront à aller voir ailleurs, s'ils y sont. Ils ne vous achèveront pas en vous disant que tout était truqué et que vous êtes un sale parjure  et que tous, ici présent, le savent bien pour être dans la confidence de la supercherie. Vous voyez qu'ils sont sympa, finalement, après vous avoir révéler que vous étiez une personnalité inconstante, vile et infâme pour ne pas respecter, non pas les femmes, mais vos propres opinions, ce qui est beaucoup plus grave, évidement, ils vous épargnent la honte de vous dévoiler que la tromperie que vous croyez bien caché de tous, en vous, ils la connaissent également. Il vous épargne l'embarras de partager votre mépris. Vous pouvez donc rentrer chez vous la tête basse, la tête pleine de merdes. Vous pouvez décrocher votre vieux deux coups qui séchait depuis des lustres sur son râtelier et vous pendre au lustre du salon qui finira bien, avec un peu de chance, par vous électrocuter.

Je vous le dit, en vérité, les psychosociologues sont dangereux.

L'histoire ne le dit pas, mais monsieur Jean Eimard s'abstiendra dorénavant de s'inscrire à de telles expériences. Un sujet de perdu à tout jamais pour les Sciences Humaines.

  • Belle démonstration ! Quelqu'un disait, "je pense donc je suis" et puis, l’évolution aidant, cela est hélas devenu, "je pense comme tout le monde donc je suis". Et puis il y aurait des malins qui essaient de le prouver ! On va s'en sortir comment ? ;o)

    · Il y a presque 7 ans ·
    Gaston

    daniel-m

    • C’est inquiétant en effet. Se conformer au groupe ne veut pas dire penser pareille, mais faire comme si, pour une reconnaissance d’appartenance. La psychologie de la foule n’est pas la somme des pensées individuelles qui la composent mais l’influence des leaderships. Ce qui se traduit parfois par une collaboration ou une complicité à des actes abjects condamnés individuellement par les participants eux-mêmes.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

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