Punk mélodique : le sceau de l'infâmie

daria

Texte d'humeur sur le bon goût et sa Sainte Inquisition.

Punk mélodique, hardcore mélodique, punk à roulettes, skatecore, voire pop punk, les étiquettes sont trop nombreuses pour être honnêtes et dissimuler la richesse d'un sous-genre longtemps relégué à la rubrique mode et aujourd'hui à peu près oublié.
Quels sombres et malfaisants dieux s'étaient donc penchés sur le berceau de cette scène, née au début des années 80, pour lui tracer ce destin avorté, entre popularité adolescente et sarcasmes des puristes ? Peu de rejetons du punk auront été à ce point vilipendés, raillés, roués en place publique. Commercial, puéril, mou, creux, pour les gonzesses, le punk mélodique a essuyé tous les crachats, venus pour la plupart de la scène dont il était issu, le hardcore.

Il est vrai que, dans les années 90 des groupes comme Bad Religion ou No Fx, déjà vénérables à l'époque, ont joué le rôle de locomotive et ont amené les catalogues de leurs labels respectifs sous les projecteurs bien peu recommandables, dans un milieu où l'on se targue d'indépendance et d'esprit critique, des médias grand public. Il est vrai aussi que le genre s'est confondu avec la mode du skate dont on n'aura retenu que la photogénie pour oublier les racines underground. Le punk mélodique a bien failli mourir étouffé par les lacets de ses baskets trop cools. Mais, contre ventes et marées, Fat Mike*, qui aura bientôt l'âge d'être grand-père ou Greg Graffin**, qui peut déjà réserver son abonnement à Notre Temps, s'obstinent à sortir des albums et à brailler avec application sur des guitares déraisonnablement rapides.  Leur bande de potes est toujours là, même si certains ont trébuché sur la marche de la maturité. Tony Sly, leader de No Use for a Name, est mort en 2012, peut-être d'une overdose de médicaments, quelques mois après la sortie d'un album solo d'une tristesse infinie. Derrick Plourde, batteur de Lagwagon, Bad Astronaut et autres fleurons de la scène punk mélodique, s'est suicidé par balle à 33 ans. Un titre de No Fx, Doornails, est consacré au cimetière du skatecore, qui se remplit inexorablement.

De temps en temps, Joey Cape***,  sort sa guitare, enregistre un album acoustique et nous fait croire qu'il s'est, cette fois, définitivement converti à l'indie folk. Malgré les absents, malgré l'envie d'oublier parfois le punk pour ne garder que la mélodie, les vétérans tiennent encore pour quelques années la boutique et répondent présents quand il s'agit de jouer vite et fort. Quelques petits jeunes ont emboîté leur pas rapide, quoique la mode semble s'être détournée et si la relève n'est pas forcément assurée, il nous restera, après la mort du punk mélodique, le sourire railleur de Fat Mike, emblème d'un genre qui se fout depuis trente ans du bon goût, des convenances rock et de l'adoubement de ses pairs.  


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* Chanteur de No FX
** Chanteur de Bad Religion
*** Chanteur de Lagwagon et Bad Astronaut
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