Putain de bourdon
Jean Claude Blanc
Putain de bourdon
L'artiste est confronté aux convulsions du monde
S'approprie son bourdon, trouvère aux rimes fécondes
Dégaine de Gavroche, harangue les manants
Ne cherchez pas plus loin, c'est notre revenant
Encore bien vivant, le pote Renaud Séchan
Un semblant nonchalant, à la voix indolente
Gaillard, braillard, santiags, fait la chasse aux blaireaux
Sont frappées de bon sens, ses stances insolentes
Ses cris de désespoir, sont ses vers les plus beaux
A sombré dans l'ennui, fondu idéaliste
Estime que ses meilleurs textes, restent encore à écrire
Au fil des tournées, devenu réaliste
Lassé de ses succès, avide d'en finir
Chansonniers des cités, le fan des mal-logés
Car lui s'en bat les couilles, de se faire aduler
Pense que la perfection, jamais, sera atteinte
Aussi en dilettante, fredonne ses complaintes
Il a réglé ses comptes, à la mère Thatcher
Comme lui, bon français, me moque de l'Angleterre
Mais pour « Mistral Gagnant », vraiment, je suis fervent
Déballant tout son cœur, rejoint mon âme d'enfant
Maudite société, ne cesse de la blâmer
Condamne les va-t-en guerre et les crânes rasés
Conscient que l'avenir, va pas être bien rose
Se saoule de railleries, juste pour avoir sa dose
N'est pas du genre crooner, ni star de variétés
Enfile le bonnet d'âne, lui aussi concerné
Pauvre ménestrel perdant, ses idées font du bruit
Défenseur solidaire, pour la cause des petits
L'humaine condition, elle le fait gerber
A longueurs de couplets, ne cesse de la châtier
Sachant trouver les mots, implique le populo
Ceux qui se lèvent tôt, pour se rendre au boulot
Indomptable, inclassable, rêveur affligé
Fuit dans la dérision, pour mieux se rassurer
Qu'il est du bon côté, celui des libertaires
Un de ces oiseaux obscurs, qui dans la nuit se terrent
Renaud, une bonne marque, qui parfois quitte la route
Ainsi ver après ver, nous délivre ses doutes
Nantis ou prolétaires, c'est de la même bière
Vont mourir dépouillés, et bouffés par les vers
Mais le vent a soufflé, enfin est reparti
« Pas l'homme qui prend la mer, mais l'amer qui prend l'homme »
Pour ainsi dire la vie, elle ne tient qu'à un fil
La nature rude maitresse, c'est elle qui ordonne
Vedette des révoltés, les médias sont ravis
Car il a réussi à faire jaser les cons
Abrutis, convertis, à toutes ces inepties
Qui le disent pochtron, pratiquement moribond
Sorti du top 50, on ne l'entendait plus
Sèche les émissions, des écrans, disparu
Pour nous frères solidaires, on est de la revue
Peut-être est-il malade, toutes ses hontes buent…
Alors, inévitable, on se conte des histoires
Car en fait de gloire, a connu des déboires…
Allusions très faciles, en jouant sur les mots
Personne n'est capable de deviner ses maux
En a dans la cuirasse, est dure sa carcasse
Il va nous revenir, acerbe et loquace
On l'attend le pied ferme, avec d'autres refrains
« Laisse béton » restauré, pour les jeunes galopins
Ridé et dépouillé de toute innocence
Fruit de son expérience, il en a pris conscience
Que déplacer les foules, c'est pas gagné d'avance
Pour pas perdre la boule, lui restent ses romances
C'est un mal pour un bien, quand on est un poète
Ressasser le passé, on en prend pour perpète
L'inspiration renait, s'accouche dans la douleur
Mais artiste prodige, change malheur en bonheur
Alors vieux camarade, fais donner ta guitare
Moi-même sorti de l'ornière, pour toujours, je l'espère
Après mûre réflexion, suis tenté par l'espoir
Car s'auto-flageller, ça conduit à l'enfer
Rimailleur, enchanteur, conseil je me permets
Demain n'est qu'illusion, à nous de l'édifier
Cernés de règles, de lois, république pudique
L'humour, la déraison, s'en prévaut le public
Renaud s'est assoupi, prostré dans son silence
Mais son heure a sonné, nous promet chaude ambiance
Inédites parodies, d'avance je me délecte
Maintenant rassasié, réduit au régime sec
On va pouvoir gueuler, « A bas les dignitaires »
Fidèles à nos idées, abstraits, libres comme l'air JC Blanc avril 2020 (pas touche à mon pote)