Quand approche 18h

harmony

Quand approche 18h

Les yeux rivés sur l'horloge accrochée au dessus de la cheminée de la cuisine, je regarde les aiguilles tourner en retenant mon souffle, si seulement le temps pouvait s'arrêter.Je reprends mes esprits comme à l'accoutumé, je dois m'affairer, tout doit être parfait lorsque sonnera 18h.Je fais glisser le bout de mes doigts tremblants sur les meubles de la maison afin de vérifier qu'aucune trace de poussière ne persiste.Le repas mijote lentement sur la plaque de cuisson, et bien qu'une odeur agréable s'en dégage, je sais qu'il aura un goût amer et que personne ne l'appréciera.Les enfants rentrés depuis longtemps de l'école, ont pris leur collation. Une fois les devoirs terminés, je leur ai bien recommandé, bien qu'ils le sachent déjà, de se dépenser pour être bien calmes lorsque l'heure fatidique arrivera.Ils m'ont écoutés sans poser de question, cela ne servirait à rien, le rituel est le même depuis bien trop longtemps déjà.Je saisie parfois dans leur regard comme un grand point d'interrogation. Je me sens lâche de ne savoir quoi leur répondre, je préfère qu'ils se disent que tout ceci est normal.Après les cris et les rires qui ont retentis dans le jardin (j'aime tant ces instants où tout paraît presque joyeux) je les ai douché, moment de complicité, de joie et de tendresse si rares, dont nous seuls avons le secret.Mes trésors ont réintégré leur chambre dans le silence, eux aussi ont regardé la pendule au passage machinalement, dans quelques minutes ils devront être transparents.Je me dirige lentement mais pourtant fébrilement dans la salle de bain.Un regard appuyé dans le miroir me renvoie un reflet que je ne connais pas.Qui suis je devenue?Je préfère ne pas m'attarder, les larmes monteraient et il ne faut surtout pas que j'ai les yeux rougis.Ma coiffure, apprêtée par les bigoudis de la nuit, est parfaitement en place, mes cheveux sont gris, mes sourcils disparus n'apparaissent que grâce au fin trait de crayon, fardée sur les paupières comme si l'on ne devait voir quelles, ma bouche que je ne dois plus ouvrir est mise en valeur d'une façon qui me fait honte.Le nœud de mon chemisier est impeccable et ma jupe à plis creux est parfaitement repassée. Je ne me pose pas la question quant à ce qui se trouve dessous, car seule ma grand mère pourrait reconnaître un tel accoutrement.Qui pourrait croire que j'ai à peine 30 ans et que nous sommes en l'an 2000.Je le sais, c'est indéniable, tout doit être comme il me l'a dicté.J'ai oublié l'heure, je tend l'oreille, j'entend la porte, mon cœur s'affole :Ça y est, il est là.
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