Quand la lumière cessa de briller

Mathilde Sellami

Extrait de: "Quand la lumière cessa de briller", disponible aux éditions Edilivre.


C'était un jeudi soir du mois d'octobre. Comme tous les jeudis soir Lili avait fini le travail à 18h30 et était complètement éreintée. Son patron tyrannique n'avait de cesse de lui faire des remarques désobligeantes toute la journée. Mais elle n'avait que 21 ans et ne comptait pas faire ce travail toute sa vie, alors elle encaissait sans rien dire.

   Elle s'affala sur le canapé et alluma la télé. Après avoir zappé quelques minutes et n'avoir rien trouvé d'intéressant à regarder, elle prit son courage à deux mains et entreprit de préparer le repas.

   Lili venait  tout juste de sortir le plat du four lorsque Malek, son petit ami, rentra du travail.

-          Te voilà enfin ! s'exclama Lili tout en l'embrassant.

-          Tu m'as manqué ! dit-il en lui rendant son baiser. 

   Ils se mirent à table et discutèrent de leur journée. Physiquement ils étaient un peu comme le yin et le yang. Elle était petite blonde à la peau claire, lui était grand, brun à la peau mate.

   Une fois le diner  débarrassé, Malek s'installa devant un match de foot pendant que Lili prenait une douche. Elle se brossait les cheveux devant le grand miroir de la salle de bain, quand soudain, la lumière de l'ampoule qui éclairait la pièce s'intensifia, et tout à coup boum, des morceaux de verre volèrent un peu partout dans la pièce. L'ampoule avait explosé et Lili avait juste eu le temps de se protéger le visage avec ses mains pour éviter les projections, mais, quelques morceaux de verre s'étaient fichés dans son bras. La douleur et la surprise la firent crier. Après le choc, lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se rendit compte qu'il n'y avait plus aucune lumière dans l'appartement.

-           Mon cœur, ça va ? S'enquit Malek tout en avançant à tâtons vers la salle de bain.

-          Non, je crois que j'ai des morceaux de verre dans le bras ! dit Lili. C'était quoi ça ? 

   Malek n'eut pas le temps de répondre, il fut interrompu par un bruit de crissements de pneus suivit d'un grand choc.

-          Houlà, dit Malek  quelqu'un vient de rentrer dans un mur. 

   Il retourna dans le salon non sans peine et se mit à  fouiller la table basse à l'aveuglette en quête de son téléphone portable. Lorsqu'il le trouva enfin, il s'acharna sur les touches sans que rien ne se produise.

     -   C'est quoi ce bordel !? Ragea-t-il

     -   Quoi ? S'inquiéta sa petite amie.

     -   Mon portable ne marche plus.

     -   Et le mien ? 

   Malek chercha le téléphone qu'il ne trouva pas sur la table basse, mais sur un des fauteuils du salon. Il ne fonctionnait pas non plus.

-           Alors là, je ne comprends pas, il ne marche pas non plus ! J'vais aller voir le compteur, tu devrais peut-être t'asseoir. 

   Malek réussit à trouver une boîte d'allumettes et alluma deux bougies. Il en prit une, et posa l'autre sur un meuble du couloir d'entrée puis, il sortit de l'appartement tandis que Lili suivait son conseil. Il descendit l'escalier jusqu'à la cave où il trouva deux de ses voisins, éclairés eux aussi à la bougie et qui bidouillaient le tableau électrique.

-          Plus de courant chez vous non plus ? demanda Malek.

-          Eh non !  Répondit l'un des hommes

-          Et ça ne vient pas de là. Renchérit l'autre.

   Malek jeta un coup d'œil au compteur, mais ne sachant pas  quoi  faire de plus, il remonta chez lui.

      -    Alors ? dit Lili

      -   Alors rien ! Répondit-il. 

   Il ouvrit  les volets et sortit sur le balcon. Il comprit alors l'origine du choc qu'ils avaient entendu. Une voiture s'était encastrée dans le mur de l'immeuble d'en face et avait pris feu. Le conducteur avait réussi à sortir du véhicule et regardait la scène, impuissant. C'est alors que Malek remarqua que tous les lampadaires de la rue étaient éteints et qu'aucune lumière ne filtrait des bâtiments d'en face.

      -    He, y'a plus d'électricité nulle part ! S'exclama-t-il.

-  C'est vrai ? dit Lili tout en rejoignant son petit ami sur le balcon et en constatant qu'effectivement plus rien n'était éclairé.

-     C'est bizarre !! dit Malek

-          Ça doit être une grosse panne de secteur.

-          Et on est censés faire quoi ?

-          Je n'en sais rien. Déjà je vais enlever ces morceaux de verre de mon bras ! 

   A ces mots Malek rentra à l'intérieur de l'appartement et alluma toutes les bougies qu'il  put trouver.  Il demanda à Lili de s'installer sur le canapé pendant qu'il prenait la trousse à pharmacie et quelques autres objets dans la salle de bain. Il revint ensuite dans le salon où il s'assit à côté de la blessée.

-            Fais- voir. Dit-il en lui prenant la main.

   Il l'examina sous toutes les coutures.

-           Ça va, ce n'est pas trop profond. Constata-t-il. 

   Il commença à retirer les morceaux de verre avec une pince à épiler qu'il avait pris soin de désinfecter.

-            Aïe ! cria Lili. Fais attention.

-          Désolé, faut bien que je les retire.

   Tandis que Malek s'appliquait àenlever les éclats d'ampoule, Lili réfléchissait.

-          A mon avis comme il commence à faire froid tout le monde doit allumer son chauffage et du coup y'a trop de demande, tu ne crois pas que ça doit être ça ?

-          Je ne sais pas, je ne suis pas un pro en électricité pour dire ça. J'sais que ça arrive quand  y'a des tempêtes et des arbres qui tombent sur les lignes, ou même des orages violents, mais là... En plus les portables qui ne marchent pas, c'est vraiment étrange.

   Malek  retira le dernier morceau de verre et tamponna les petites coupures avec un coton imbibé d'alcool. Il attrapa ensuite les bandes de gaz et en entoura le bras de Lili.

-          Je crois qu'il faut qu'on sorte tout de suite pour essayer de savoir ce qui ce passe. Proposa-t-il.

-          Oui, c'est trop inquiétant. On peut aller au commissariat de police ?  Ils savent peut-être quelque chose. Je m'habille et on file. 

   Lili bondit du canapé, saisit une bougie et alla dans la chambre enfiler un jean et un sweat-shirt. Elle chaussa une paire de baskets, pendant que Malek, cherchait quelque chose dans la cuisine.

-           Tu cherches quoi ? demanda Lili.

-          On n'avait pas des lampes torches ?

-          Si dans le tiroir à côté de la machine à laver. 

   Malek suivit les indications de la jeune femme et trouva deux petites lampes électriques qu'il essaya d'allumer sans succès.

-           C'est pas vrai ! grogna-t-il. Elles ne marchent pas non plus ! Comment on va faire pour voir quelque chose dehors ?

-          Je pense que c'est la pleine lune en ce moment, du moins on aura assez de clarté pour voir où on met les pieds. Dit Lili. 

   Après avoir non sans peine réussit à fermer la porte de leur appartement dans le noir, le couple sortit de l'immeuble et s'arrêta devant la porte du garage. Malek voulait voir si leur voiture marchait. Mais comme pour les téléphones portables et les lampes torches, sa tentative fut vaine, la voiture ne démarra pas. Ils prirent donc le chemin du poste de police.

   La rue était éclairée par les flammes émanant de la voiture accidentée. Malek et Lili n'étaient pas les seuls à être sortis dehors, des tas de gens étaient là, l'air un peu perdu, ne comprenant pas ce que était en train de leur arriver, beaucoup évoquaient ce qui s'était passé à Berlin.

   Après que le couple ait proposé à d'autres personnes de se rendre au poste de police, un cortège se forma et commença à descendre la rue, rejoint par la plupart des gens qu'il croisait.

   Ils marchèrent ainsi une quinzaine de minutes et arrivèrent devant le portail qui entourait le bâtiment des forces de l'ordre. Dans deux bidons en métal, brûlaient des feux dont les flammes projetaient des ombres inquiétantes sur les murs. Il y avait déjà foule et on sentait une certaine tension dans l'air. Devant le poste, des agents surveillaient l'attroupement,sans trop savoir ce qu'ils devaient faire. Ils ne répondaient pas à la pluie de question qui s'abattait sur eux et des citoyens commencèrent à s'énerver et à secouer le portail. Un homme, sûrement le plus haut gradé, s'avança alors vers l'entrée. De la foule s'élevaient des cris et des injures. Le policier réclama le silence.

-          S'il vous plait !cria-t-il. S'il vous plait, je vous demande de vous calmer et de rentrer chez vous en attendant que tout redevienne normal ! Il ne s'agit que d'une grosse panne de secteur.

-          Et combien de temps on va attendre ? hurla une femme.

-          Demain matin le problème devrait être résolu, tout devrait être rentré dans l'ordre. Répondit le policier. Maintenant s'il vous plait, rentrez chez vous. 

   Au bout de quelques minutes, voyant que personne ne daignait l'écouter, il se mit à tirer des coups de feu en l'air et cette fois la foule commença à se dissiper. Ce que personne ne sut, c'est que le policier était le premier à douter que la situation ne s'améliore rapidement . Malek et Lili rentrèrent chez eux, peu convaincus par la réponse du policier.

   Le lendemain l'électricité n'avait pas été rétablie. Le couple était retourné au poste de police, mais n'avait rien appris de plus. Ils avaient passé le reste de la journée à tourner en rond, ne sachant que faire.

   La nuit était en train de tomber et Malek observait la rue de leur balcon. Il vit alors une bande d'hommes cagoulée et armée de barres de fer, foncer en direction de la supérette du quartier.

-           Il se passe un truc ! Faut qu'on sorte dit Malek à Lili. Prends mon sac à dos. 

   Ils furent rapidement sortis et arrivèrent devant le magasin. Les hommes cagoulés étaient en train de s'acharner sur la porte de la superette et au bout de quelques minutes, ils réussirent à lever le rideau métallique et à briser le double vitrage.

   Sans que Lili puisse réagir, Malek avait saisi le sac à dos et s'engouffrait à la suite des hommes cagoulés dans le magasin.

-           Attends-moi ! cria-t-il à l'attention de la jeune femme. 

   Connaissant le magasin,  et sachant qu'il n'avait pas beaucoup de temps avant de ne plus rien voir à cause de la nuit qui tombait, Malek fonça vers le rayon des boîtes de conserve. Il commença à charger son sac de boîtes de raviolis, de lentilles… mais il se souvint qu'il n'avait aucun moyen de les chauffer, pas de four, ni de micro-onde, ni de plaques électriques. Il se rabattit sur les boîtes de thon et de salades et y ajouta quelques briques de soupe (après tout froid ça ne devait pas être si mauvais). La superette commençait à être pleine de gens qui comme Malek préféraient être prévoyants.

   Après avoir fini de remplir le sac avec des paquets de pain de mie et de brioche, il le chargea sur son dos. Une fois les mains libres, il se chargea d'un pack d'eau et d'un pack de lait.

   Lili surveillait les allers et venues devant le magasin et fut soulagée lorsqu'elle vit enfin sortir Malek.

-           Mais tu joues à quoi là ! cria-t-elle.

-          Tu crois qu'on peut tenir combien de jours sans manger ?

-          Mais ça ne se fait pas !

-          Arrête, ça fait quoi ? On ne va pas se laisser mourir de faim à cause de leur connerie de système électrique qui a beugué. 

   Lili se résigna à arrêter de lui faire la morale, surtout que ces quelques provisions la rassuraient. Elle prit le pack de lait des mains de Malek et tous deux rentrèrent dans leur appartement tandis que la superette continuait de se faire dévaliser.

   Le couple ne s'adressa pas un mot pendant une partie de la soirée. Lili réfléchissait aux actes de Malek. Elle ne s'était jamais éloignée du droit chemin et voilà qu'elle se retrouvait complice d'un vol. Mais son homme avait peut-être raison, si la situation n'évoluait pas, ils auraient besoin d'une réserve de nourriture. Comme elle n'avait rien à faire, elle décida d'aller se coucher mais elle passa d'abord à la salle de bain pour faire un petit brin de toilette. Elle ouvrit le robinet duquel s'échappa un mince filet d'eau et puis plus rien. Elle eut beau ouvrir et fermer les vannes, rien ne s'écoula. Elle appela Malek.

-          Qu'est-ce qui se passe ? Demanda-t-il en rentrant dans la salle de bain.

-          Je crois bien qu'on n'a plus d'eau courante.

-          Tu plaisantes ?

-          Non !

   Malek, comme s'il ne la croyait pas, voulut constater la chose par lui-même et ouvrit le robinet, mais il n'en sortit pas plus d'eau que quelques secondes auparavant. Sans électricité, les pompes qui alimentaient les châteaux d'eau ne pouvaient plus fonctionner et il n'avait fallu qu'un jour pour que le réservoir se vide.

 

 

*

 

   Le bruit de la pluie sur les volets de l'appartement réveilla Lili. Quelle heure était-il ? Cinq heures, six heures du matin. Elle n'avait aucun moyen de le savoir. Malgré son envie de rester au chaud sous la couette avec son petit ami, elle se leva. Elle enfila un pull, puis alla dans la cuisine etalluma une bougie. Elle prit un seau et sortit sur le balcon où elle posa l'objet.

   Cela faisait six jours qu'il n'y avait plus d'électricité. Ce qui manquait le plus à la jeune femme, ce n'était pas de pouvoir regarder la télé ou encore de prendre une douche brulante non. Ce qui lui pesait vraiment c'était de ne pas savoir ce qui se passait et de ne pas pouvoir communiquer avec ses proches. Avec Malek, ils étaient sortis régulièrement pour voir si il y avait du neuf et pour chercher de l'eau dans un parc situé non loin de chez eux. Ils y avaient été obligés car ils en avaient besoin non seulement pour boire, mais aussi pour se laver et pour l'assainissement. Sans eau courante, le réservoir de la cuvette des WC ne pouvait plus se remplir et il était impossible d'évacuer l'eau des toilettes ce qui avait très vite posé des problèmes d'hygiène et d'odeurs.  Mais cela faisait deux jours qu'ils ne s'étaient pas aventurés dehors. Ils avaient été les témoins d'une bagarre très violente entre deux bandes de jeunes. Malek et Lili préféraient donc rester chez eux pour éviter d'être agressés, blessés, ou d'être pris au milieu d'un affrontement. À présent tout le monde pensait qu'ils étaient face au même type de panne qu'il y avait eu en Allemagne. Mais à Berlin, l'armée qui ne se trouvait pas dans la zone de la coupure était arrivée sur place en moins de vingt-quatre heures contenant ainsi la population et la rassurant par sa présence.

   Six jours venaient de s'écouler et rien, ni l'armée, ni la police, ni aucune aide n'étaient intervenues. À cette pensée Lili frissonna. Se pouvait-il que d'autres villes soient touchées, toute la France peut-être ? Ou pire encore, se pouvait-il qu'il s'agisse d'une panne mondiale ? Non c'était absurde, finit par se dire Lili pour se rassurer, il fallait juste être un peu patient, la situation allait se rétablir. Elle retourna dans la chambre.

-           Tu faisais quoi ? lui demanda Malek.

-          Il pleut, j'ai mis un seau sur le balcon.  On a plus beaucoup d'eau et mon hygiène laisse à désirer alors j'me suis dit qu'une douche ne me ferait pas de mal. Répondit Lili tout en se glissant sous la couette.

-          Mets-toi toute nue sur le balcon, ça ira plus vite. Ricana Malek

-          T'es pas drôle.

-          Je plaisante, mais tu as raison, ça nous ferait du bien. 

   Il attrapa Lili dans ses bras et il se rendormit, mais la jeune femme ne put fermer l'œil, elle ne cessait de se demander si elle allait retrouver la vie qu'elle menait avant.

   Dès que les premiers rayons du soleil filtrèrent à travers les volets, elle sauta hors du lit. Elle alla sur le balcon. Il ne pleuvait plus, et elle fut un peu déçue en constatant que son seau n'était rempli qu'au tiers. Tant pis, elle s'en contenterait. Elle alla dans la salle de bain et entreprit de se laver. Bien que l'eau soit froide et en quantité insuffisante, une fois la tâche accomplie, elle se sentit fraîche et propre. Elle avait veillé à laisser à Malek de quoi faire de même.

   Lili tourna ensuite quelques instants en rond, ne sachant que faire. Elle enviait son compagnon dont les soucis ne perturbaient pas le sommeil. Il s'endormait presque, dès qu'il posait la tête sur l'oreiller.

   Pour s'occuper, elle décida de faire l'inventaire des provisions qu'ils avaient.  Des céréales, des petits gâteaux, des boîtes de thon et de sardines, des briques de soupe ainsi que des paquets de pâtes, de riz et de pain de mie, quatre bouteilles de lait et deux bouteilles d'eau. Ils n'avaient pas besoin de s'inquiéter pour le moment, ils avaient encore de quoi tenir quelques jours si la panne perdurait.

   Malek se leva enfin. Lili l'attendait dans la cuisine, et avait préparé deux bols de céréales, à moitié remplis.

-            Tu as fait un petit brin de toilette ? Remarqua-t-il.

-          Oui, j't'ai laissé de l'eau pour que tu puisses en faire de même. 

   Ils s'installèrent à table et commencèrent à avaler leur petit déjeuner.

-          Malek, dit la jeune fille, j'aimerais bien qu'on sorte pour voir s'il y a du neuf.

-          Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Y'a un couple dans l'immeuble d'en face, ils sont sortis une vingtaine de minutes, quand ils sont rentrés, tout était retourné et tu peux y aller, qu'il ne leur reste rien à manger. Donc il faut que l'un de nous surveillel'appartement ce qui voudrait dire que tu devrais sortir ou rester seule et ça, ça ne me plait pas du tout.

-          Oui, mais je ne supporte plus de rester enfermée sans savoir ! Protesta Lili. Les voisins sont là, on pourrait s'arranger avec eux.

-          Leur laisser surveiller l'appartement, par les temps qui courent j'ai pas trop confiance…

-          Et si… tu restes ici et moi je sors avec Jade ?

-          Toutes les deux toutes seules !? s'exclama Malek.

-          Ro, c'est bon. Je ferais attention, et tu as toujours ta bombe lacrymo non ?

-          Oui. Dit Malek.

   Il alla dans la chambre et fouilla les tiroirs de la commode où il rangeait ses vêtements. De l'un d'eux  il tira un petit objet noir qu'il tendit à Lili. 

-          Moi je vais me laver, va voir les voisins si tu veux. Proposa Malek.

   Quelques minutes plus tard tout était arrangé. Lili sortie accompagnée de sa voisine, Jade tandis que Malek gardait l'appartement.

   Il n'y avait pas grand monde dans les rues, juste quelques passants aux regards inquiets et à la démarche rapide. Un groupe d'une quinzaine de personnes passa alors à côté des deux jeunes femmes en courant. Pensant qu'il devait se passer quelque chose d'important, elles le suivirent sans trop se poser de question, ce qui les mena jusqu'à une grande surface qui avait été jusqu'à présent protégée par la police.  Lili et sa voisine furent choquées lorsqu'elles comprirent ce qui était en train de se passer. Les forces  de l'ordre pillaient le magasin. Un tas de personnes s'était rassemblé pour protester, mais les armes à feu braquées sur eux les dissuadaient d'avancer.

   Tout à coup, sans que les deux voisines n'aient le temps de comprendre, ni de réagir, elles furent entraînées dans un mouvement de foule qui força le barrage des policiers. Quelques coups de feu retentirent, mais c'était trop tard, les hommes et les femmes en colère s'étaient déjà précipités dans le magasin. Certains se faisaient piétiner, d'autres s'étaient lancés dans un corps à corps avec les forces de l'ordre.

   Dans la galerie de la grande surface la foule se dissipa.Il faisait très sombre, car le bâtiment n'avait que très peu d'ouvertures mais cela n'arrêta en rien les pillards qui brisèrent les vitrines une à une et chargèrent leurs bras de tout ce qu'ils pouvaient supporter. Les deux jeunes femmes restèrent sans bouger quelques secondes, puis firent comme tout le monde.  Jamais dans sa vie, Lili n'aurait pensé qu'elle participerait un jour à un tel acte de vandalisme.

   Elle parcourut les rayons et trouva enfin ce qu'elle cherchait, des allumettes. Mais elle n'était pas la seule à avoir eu cette idée. Deux hommes en étaient venus aux mains, juste devant les produits qu'elle convoitait. L'un plaqua l'autre contre les étagères ce qui fit tomber des paquets au sol. Lili s'en saisit et les mit dans son sac qu'elle avait eu la sagesse d'emporter. Elle ne s'attarda pas et changea vite de rayons. Elle trouva des bougies et réussit aussi à se saisir de quelques paquets de gâteaux et de boîte de thon. Dans sa précipitation elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle s'était séparée de Jade. Elle la chercha quelques instants, mais sentant que la situation devenait trop dangereuse, elle se dépêcha de sortir du magasin.

   Elle avait vingt minutes de marche à pied pour rentrer jusqu'à chez elle. Son sac lui pesait. Le fait d'être seule ne la rassurait pas, et lorsqu'elle entendit des pas derrière elle, elle fut saisie par la peur. Elle accéléra l'allure et constata avec effroi que la personne qui la suivait faisait de même. Discrètement elle saisit la bombe lacrymogène dans sa poche et la serra tellement fort dans sa main, que cela lui fit mal aux doigts. Son poursuivant était presque arrivé à sa hauteur, elle sentait sa respiration, tout près, et tout à coup l'individu lui saisit l'épaule. Lili se retourna et sans prendre le temps de regarder le visage de la personne, elle le gaza en pleine figure, puis elle s'enfuit en courant.

   Elle ne s'arrêta qu'une fois arriver devant son appartement. Elle frappa à la porte complètement essoufflée. Malek lui ouvrit quasi instantanément.

-           Tu étais où ! Demanda-t-il le visage mi- en colère, mi-inquiet. Cela fait quinze minutes que Jade est rentrée !

-          Excuse-moi, j'ai fait le plein. Dit Lili en montrant son sac. De toute façon je ne sortirai plus sans toi. Ajouta-t-elle.

-          Qu'est-ce qui s'est passé ?

-          J'ai eu la frousse de ma vie ! 

   Et Lili raconta à Malek toute son expédition

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