Quand le rangement devient une question de vie ou de mort
tatiedaniele
Etre bordélique n'est pas un crime. Ce n'est pas non plus une maladie incurable…(mmm). D'ailleurs, il s'avère que les plus désordonnés sont souvent les plus doués. Pour autant, tu n'iras jamais t'en glorifier publiquement, car il ne s'agit pas d'un travers socialement acceptable comme peuvent l'être la "scatologie", la "paillardise", ou encore le "racisme", les trois mamelles de l'humour franchouillard.
Le mot "bordélique" évoque le chaos, la catastrophe naturelle, l'apocalypse. C'est une tare. Un problème qui prend parfois des proportions dramatiques. Organiser ton "capharnaüm" devient alors une question de vie ou de mort.
Tu fais peut-être partie de ces gens qui se répètent chaque matin "non mais, c'est plus possible, il faut vraiment que je range. Imagine il m'arrive un truc, pas moyen que je fasse rentrer les pompiers chez moi". Cette angoisse peut paraître absurde mais tout dépend de l'ampleur du chantier ou plutôt de la perception que tu en as. Ce n'est peut-être pas si terrible mais tu as la conviction que si quelqu'un découvre ton "intérieur", ses yeux vont lui sortir des orbites pour convulser d'horreur à ses pieds. Pour toi, il est inconcevable qu'on puisse vivre et encore moins survivre à une telle honte… raison pour laquelle tu préfèreras pourrir sur pied plutôt que d'appeler les pompiers.
On grandit tous avec ce type d'angoisse. Quand tu étais jeune, ta maman a certainement dû t'expliquer l'importance de toujours porter de jolis sous-vêtements, au cas où… Pas "au cas où tu rencontres un bellâtre porté sur la bagatelle", non, mais au cas où PAF tu te fais renverser par une voiture, ramasser par les pompiers puis déshabiller par des chirurgiens, qui bien évidemment, avant de t'ouvrir (ou de te recoudre) débattront sur la finition de ta petite culotte. Si d'aventure, l'un d'entre eux appartient à la Brigade du Slip en Situation de Crise et que tes dessous ne répondent pas aux critères d'admissibilité, il se pourrait même qu'ils refusent tout net de te soigner.
Enfin ça c'était avant, depuis, il y a eu l'ingénieuse campagne de pub de Princess Tam Tam en 2010 : "Undress like a princess" (Déshabillez-vous en princesse), qui a résolu ton problème (et qui a mis fin aux tourments oculaires des pauvres chirurgiens). Si une bricole t'arrive dans la rue, grâce aux préceptes de ta mère et à Princesse Tam Tam, tu ne passeras plus jamais pour une Cendrillon. Renversée, oui, en sang, certes, mais avec un swag princier. Et cerise sur le gâteau : ton objectif numéro est atteint : personne ne verra l'état de ta tanière.
… Sauf que, bien sûr, il est toujours possible que tu sois atteinte d'un mal mystérieux comme dans Dr House… Auquel cas, une équipe de zélés médecins va retourner ton appartement pour découvrir la cause de tes symptômes. Je me demande si ce scénario n'est pas pire qu'une intrusion des pompiers. De parfaits inconnus, qui baguenaudent sur tes terres, sans surveillance, se fendent de commentaires irrespectueux, et farfouillent à la recherche de la moindre bactérie.
Dernière option : tu décides de mourir loin des regards, pour t'épargner toutes les humiliations précitées. Tu te réfugies dans un bois, le corps en feu mais l'esprit en paix. Sauf qu'on ne maîtrise pas son entourage. Si ta mère, tes amis ou ton patron signalent ta disparition, ce ne sont pas deux souffre-douleurs de Gregory House mais l'équipe d'Esprits Criminels au grand complet qui débarque chez toi et commence à te "profiler". "On recherche une fille hors du commun", va décréter Morgan. "L'amoncellement de notes, de coupures de journaux, de carnets, de post-ils révèlent un esprit en ébullition". Spencer acquiescera. Il s'approchera de ton bureau pour s'emparer d'un de tes nombreux carnets. Misère !
Le traumatisme de voir disséquer les méandres de ta pscyhée est sans commune mesure avec la gêne occasionnée par l'exposition de ta petite pagaille. Ce qui se passe à l'intérieur de ton cerveau - et que tu as consigné page après page avec un soin maladif - n'est pas joli-joli. De fait, tu risques fort de passer de victime portée disparue à sociopathe en fuite.
Comment préserver ton intimité de tous ces dangers ?
- "C'est simple, y a plus qu'à ranger", te répondra-t-on.
C'est ça, "y a plus qu'à". L'ennui, c'est que tu es piégée : tu as tellement scandé "il-faut-que-je-range- imagine-il-m'arrive-un-truc" que tu as peur de t'être porté l'oeil.
Le mantra est devenu malédiction : "si je range, il va m'arriver un truc".
Console-toi, on dit que seules les femmes ennuyeuses ont un intérieur impeccable.
PS : la photo d'illustration... il n'y a pas d'effets spéciaux, il s'agit bien d'un vrai bureau. Celui du rédacteur en chef de Paris Match Belgique.
Ah enfin un texte pour MOI;-)) je m'y suis tellement reconnue. Le coup des pompiers (ou simplement du SOS médecin que j'appelle régulièrement pour mes enfants) je connais aussi lol. Merci pour ce moment;-).
· Il y a plus de 9 ans ·Mélanie Courtois
De rien ! Ca me fait plaisir de voir que je ne suis pas seule à psychoter dans mon coin ;-)
· Il y a plus de 9 ans ·tatiedaniele
Très amusant et agréable à lire ! J'ai pu vraiment m'y identifier aha, bravo !
· Il y a plus de 9 ans ·Ellie
Merci :-)
· Il y a plus de 9 ans ·tatiedaniele