Quand tu l’auras perdue, ma fille…
unusual
Quand tu n’entendras plus la pluie comme une musique
Cogner sur ta fenêtre dans ton lit, bien cachée
Quand tu ne croiras plus aux baguettes magiques
Ou, au pied du sapin, mis tes petits souliers
Quand tu n’auras plus peur de tes volets qui claquent
Quand tu ne penseras plus à te faire un goûter
Quand tu ne sauteras plus en criant « à l’attaque ! »
Dès le petit matin sur mes gros oreillers
Quand ton argent de poche sortira de ta poche
Quand du regard des autres tu devras te méfier
Quand malgré toi parfois tu te sentiras moche
Parce qu’un rien finalement viendra te déranger
Quand angoisses et tourments te seront familiers
Quand tu réaliseras qu’on pleure plus qu’on ne rit
Quand tu ne courras plus que derrière les années
Ou que tu apprendras à tromper ton ennui
Quand non plus de ta bouche viendra la vérité
Quand de ta propre mère tu deviendras l’amie
Quand chacun de ces vers te sera coutumier
Quand je te les ferai lire sans doute un peu aussi
Quand tu l’auras perdue alors, naturellement
Comme on mue d’une peau ou qu’on perd patience
Oui, tu l’auras perdue, ma fille, assurément
Ta complice d’antan, ta défunte insouciance
Alors un jour, peut-être, au détour d’un chagrin
Tu chancèleras un peu, te sentiras fébrile
Ce jour-là n’hésite pas à me tendre la main
Car l’amour qui nous lie, lui, est indélébile
Je t’emmènerai alors là où j’aimais aller
Quand j’étais à ta place il y a quelques temps
Il y a quelques maux, il y a quelques plaies
Et je te raconterai le pourquoi du comment
Je t’emmènerai alors où il te faut aller
Comme moi à ta place il y a quelques tumultes
Sur ces chemins houleux, dans ces âpres tranchées
Et t’aiderai à passer de l’enfant à l’adulte
Cependant n’oublie pas, le long te ton parcours
N’oublie pas cependant, mon enfant, ma chérie
Garde bien ça en tête, de maintenant à toujours :
« Tu es de ton enfance comme tu es d’un pays »
Marc Dagher
(Dépôt SNAC septembre 2012)