Ehelena
dana
Venus nous avertir, nous enseigner, nous rassurer, nous aimer, sommes-nous seulement capables de les reconnaître ? Qui sont-ils ? Continuerons-nous à prétendre éternellement qu'ils ne sont que des inventions humaines, qu'ils n'existent et n'existeront jamais ailleurs que dans nos rêves et les contes de fées ? Combien de fois avons-nous dit à quelqu'un "tu es un Ange" ? Avons-nous jamais fait ressentir à cette personne combien elle était importante dans notre vie ? Combien de ces anges sont déjà partis dans l'autre monde, dans l'autre vie, sans que nous ne leur ayons jamais avoué ce qu'ils étaient pour nous... Est-ce important de dire aux personnes que nous aimons qu'elles sont, à nos yeux, des anges envoyés de Dieu ?
Se sentir injustement abandonné, comme perdu dans l'abîme. Haïr un ennemi, être déçu d'une personne, vouloir se venger d'une trahison... Ehelena n'avait jamais réellement vécu de telles émotions.
Son âme, d'une pureté et d'une innocence infinies, habitait son petit corps, demeure sereine et propice à l'ataraxie.
Une absence de souffrance sans aucune préoccupation... qui n'a jamais rêvé de vivre ainsi ?
Seulement, contes et légendes nous apprennent par leurs morales qu'il faut avoir été éprouvé pour apprécier la vie à sa juste valeur... et Ehelena le comprit le jour où elle fut choisie pour devenir une seelie.
Déjà en Grèce Antique, les philosophes et penseurs faisaient de la douleur une capacité proprement humaine. Ehelena en ces temps était de cette espèce, elle aussi.
Jeune fille en âge de devenir femme, elle commença à ressentir en elle un puissant désir qu'elle ne parvenait pas à contenir, et qu'elle ne pouvait appeler d'aucun nom. Dans ses rêves, ce désir prenait la forme d'un être puissant et protecteur, qui un beau jour, l'arracha cruellement à son foyer, pour l'emmener dans la Nature, loin de toute civilisation.
Ehelena ne put cependant apprécier ni la beauté des collines verdoyantes, ni le chant des arbres dans l'immensité de la forêt. Tous ces éléments laissèrent son âme plus vide qu'elle ne l'était alors. Le désir en elle était se renforçait à mesure que grandissait sa solitude...
Au sein de cette forêt épaisse, elle vivait, pour la première fois, le sentiment de l'abandon et de l'injustice, qui laissa place à une profonde tristesse. Loin de ses parents, ses anges protecteurs, ceux qui lui avaient donné la vie puis l'avaient vue grandir pas à pas, elle bouillait de colère et ressentait une peine inconsolable.
Pourquoi elle ? Pourquoi cet être malveillant l'avait placée ici, loin de tout et sans aucune explication ? Etait-ce une condamnation divine ?
A la nuit tombée, penchée au-dessus de la rivière, elle ne put contenir ses larmes. Des perles de rosée salée roulaient le long de ses joues avant de tomber à l'eau.
L'aube se profilant, et après avoir tant pleuré, la jeune fille aperçut sur l'autre bord de la rive le cercle lumineux des fées qui brillait de mille éclats. Ehelena se releva et commença à marcher le long du ruisseau, cherchant un moyen de traverser, tout en effleurant de ses doigts les pierres druidiques pour se fortifier. Ces minéraux étaient particulièrement nombreux ici, et se hissaient au milieu des clairières comme s'ils défiaient l'équilibre.
On racontait que les druides célébraient sous ces roches une religion mystérieuse, et que ces pierres étaient hantées la nuit par un codrille, un monstre qui effrayait les âmes perdues dans l'immensité de la forêt. Ehelena, désespérée de ne pouvoir traverser la rivière, et craignant de croiser l'un de ces animaux maléfiques, s'installât sous l'un des grands chênes centenaires et se laissa emporter dans un sommeil profond qui calma son inquiétude.
L'être cruel qui l'avait rendue à la Nature et l'avait éloignée de tout, avait profité de ce sommeil pour se métamorphoser en chêne. Il souleva délicatement la jeune fille de ses grandes branches, avant de la déposer au-delà du cours d'eau, au milieu du cercle des fées. Ehelena ouvrit péniblement les yeux, éblouie par la lumière solaire qui émanait de l'anneau féérique. La nuit la plus sombre et la plus douloureuse qu'elle n'avait jamais vécue avait chassé le début du jour et elle se laissa transporter par ses émotions sans retenue...
Son esprit était désormais entraîné malgré elle dans un tourbillon fantasmagorique. La jeune fille perdit le sens de la raison, jusqu'à la mémoire de sa vie passée. Tous les souvenirs qu'elle avait en elle, avant d'amerrir dans cette forêt enchantée, lui étaient effacés un à un.
A mesure qu'elle retrouvait son innocence, petit à petit, des fées apparurent tout autour d'elle. Elles l'encerclaient dans une ronde, se tenant les mains, dansant, souriant et chantant d'une voix angélique. Par trois fois, elles chuchotèrent cette mélodie à son oreille :
"Ehelena rejoins-nous dans le cercle des fées, l'anneau féérique ! plus jamais tu ne voudras partir et pour toujours tu resteras, où la vision est aussi claire que le soleil et limpide que le cristal. Rejoins-nous et danse dans la ronde féérique ! tourne dans le cercle aussi vite que l'éclair. La danse te piègera dans la transe et ta vraie nature te sera dévoilée."
Entrant dans la ronde Ehelena fut envahie par la magie des fées, et ressentit un amour si puissant qu'elle comprit être touchée par la Grâce, celle-la même que Dieu a créée et délivre tôt ou tard à ses créatures après qu'elles aient vécues une peine inconsolable.
Le cœur et l'âme d'Ehelena n'avaient jamais désiré aucune autre chose que la vérité. Agenouillée au centre de la ronde des fées, elle pleurait des larmes de joie, tandis que des ailes lui jaillissaient de ses omoplates.
Ehelena, resta toute l'éternité dans le cercle des seelies, entourée de ces petits anges bienveillants, et conserva son coeur véritable, empli d'amour et seulement d'amour, selon sa destinée. Elle avait finit par trouver un réconfort dans sa solitude, et un bonheur immense qu'elle savourait bien mieux que dans sa vie passée, où, entourée des siens, elle n'avait jamais été ni réellement triste ni réellement heureuse.
Fée bienveillante, Ehelena est, jusqu'à la fin des temps, une seelie accordant des voeux aux êtres humains. Si elle croise votre chemin, demandez-lui une faveur et elle sera exaucée avec autant de malice que de gentillesse !