Quentin et Manuel
vreel
- Manuel, c'est toi ?
Le garçon avait les yeux batraciens, la bouche bée d'une poupée gonflable et auréolait de joie.
- Manuel ?
Donc, à vue de nez, ce garçon me connaissait mais là, y'a un problème, c'est que...
- Viens dans mes bras, mon pote !
Je n'ai pas eu grand choix : il me serra d'une étreinte quasi-amoureuse en me déblatérant des mots affectueux.
- Trop content de te revoir !
Fallait-il dire la même chose ?
- Et moi donc !
Le garçon m'emmené dans un café à Montparnasse, j'essayais tant bien que mal de me le remémorer.On s'assit près d'une vitre devant la grande tour : j'aime cet endroit, il a un côté assez nostalgiue avec son carrefour où tournent les petits cinémas de quartier, ce brouhaha incessant de la rue de Rennes, cette longue avenue qui aurait dû se terminer en bout de Seine...Les dires de mon "ami" me retirent de ma rêverie parisienne.
Il se nomme Quentin, il me raconte sa vie depuis le lycée où soi-disant nous nous sommes rencontrés, lieu de notre amitié. Il n'a décidément eu aucune chance : diplôùe raté, mariage raté, enfant mort, famille disloquée, mais il survit et c'est déjà beaucoup !! Alors, je me remémore un physique d'antan, ainsi que de scènes qu'il me raconte et je me dis que cela a sans doute existé et que je ne m'en souviens plus mais c'est normal, car : je ne suis pas Manuel !
On se quitte dans l'idée de se revoir, on se fait des grands gestes de bras en guise d'adieu : sympa, le Quentin, on a échangé nos numéros de portables et j'ai trouvé cette situation rigolote !
Je continue mon chemin vers la Closerie des Lilas et je vais m'installer à une table en terrasse, caché par une grande haie. J'ai commandé un grand crème et je regarde à l'entour : Michou est en train de discuter avec une femme très élégante habillée de bleu elle aussi et je vois Renaud qui est déjà saoûl, dommage, un si grand chanteur. Avant, il avait une grande gueule, aujourd'hui, il se la bourre...Et un homme s'assit à ma table.
- Oui ?
Il est grand, les cheveux argentés d'un beau gris, il retire ses lunettes opaques et me souris : il a les mêmes yeux que mon pote de lycée de tout à l'heure, d'ailleurs, on dirait lui ??!!!
- Vous êtes Manuel ?
Encore !!!
- Tu es à l'heure au rendez-vous, c'est bien !
Ok, ok, ressaisissons-nous : je sais qui je suis et je ne suis pas Manuel mais aujourd'hui, on m'a jeté un sort et tout le monde désire que je porte ce prénom, ok : inspiration, expiration...Il est temps que je sorte de cet univers parallèle !
- A propos de quoi ? dis-je
L'homme semble surpris.
- Ta carrière de mannequin, pardi !
Ma carrière de mannequin ? Mais, oui : où avais-je la tête ?!
- On s'est rencontré quand la première fois ?
- Ici même. Je t'ai remarqué, je t'ai proposé du défilé qui va se faire et on s'est promis de se retrouver ici ce jour.
Je souris et je réfléchis : après tout, pourquoi pas ?
- Je vous suis.
L'homme se nomme Quentin, et là je me dis que je dois frôler la folie. Je le regardes et la ressemblance est frappante à en faire peur ! Nous arrivons dans un grand loft, de la lumière partout, très peu meublé mais avec goût, de jolis tableaux de maîtres suspendus, les murs sont blancs et la pièce où je vais poser est lumineuse et grande.
- Voilà. Tu vas essayer toutes ces fringues de grands couturiers et tu feras les pages de magazines célèbres dans les jours qui suivent.
- Avec joie !
Je me désape, j'essaie, je remballe, je me transforme à chaque mouvement du photographe et j'aime ça !! Cela dure des heures, malgré cette facilité, c'est assez épuisant mais je ne vais pas me plaindre...Quentin me montre les photos et il est vrai que je suis assez beau dessus, il m'en fais des copies et me les donne avec mon chèque avec des zéros partout ! Je reste sur le cul en voyant le chiffre...!
Après cette séance et que Quentin et moi nous sommes embrassés en nous laissant nos coordonnées portables, je pense à tout ce qui vient de se passer et j'en suis un peu retourné quand je me fais bousculer.
- Pardon !
- Mr Manuel ?!
Et c'est reparti !
Je lève mon visage et je ne m'étonne pas de voir un troisième Quentin.
Il m'explique qu'il avait un besoin urgent de venir à mon bureau et de parler : à cet instant, me voilà devenu psychologue ! Je lui propose d'aller s'assoir sur un banc dans le cimetière de Montparnasse et je le laisse évacuer ses problèmes et je trouve le cimetière très beau. Il veut que j'ailles au cinéma avec lui car ma présence le rend serein : pourqoui pas ?
Je n'ai aucune explication à ce qui s'est passé aujourd'hui mais une chose est sûre : je vous conseille de rencontrer plein de Quentin, vous verrez que chaque personne a de l'importance pour tout un chacun.