Qu'est-ce qui se cache derrière les nuages ?

Adélaïde collectionnait les gros mots. Les dégoutants, les bizarres, les méchants, les tordus… pourvu qu'ils soient gros ! Toute la journée, elle en avait plein qui lui traversait la tête. Adélaïde savait qu'il ne fallait surtout pas qu'ils sortent de sa bouche, car dire des gros mots, ce n'est pas beau. Alors le soir, dans sa chambre, Adélaïde avait pris l'habitude de sortir les gros mots de sa tête, un par un, comme on vide un tiroir. Elle les écrivait sur des petits bouts de papier et les glissaient sous son lit. Comme ça, elle pouvait s'endormir l'esprit libéré, faire de beaux rêves avec plein de mots gentils… et le lendemain, elle recommençait.

Mais voilà. Une nuit, rien ne se passa comme d'habitude.

A force de déposer tous ces petits bouts de papiers sous son lit, les gros mots s'étaient accumulés et avaient formé une énorme montagne qui commençait à monter, monter, monter…

Dans son sommeil, le lit d'Adélaïde se souleva sous le tourbillon de papier, se souleva encore et encore, passa à travers la fenêtre, le ciel, puis les étoiles, et se retrouva sur une autre planète. Une planète aussi rose que la nôtre est bleue. Malgré cette incroyable et longue traversée, Adélaïde dormait toujours à poings fermés. Autour du lit, les bouts de papiers étaient éparpillés et formaient un drôle de tapis, comme des feuilles fraîchement tombées des arbres. Sur ce tapis de papier, une drôle de créature apparut. Elle avait de grosses pattes munies de longues griffes, de petites ailes sur le dos et une longue queue qui ressemblait à un serpent. Pas de doute, c'était un dragon. La créature prit une très longue inspiration, son ventre se tendit, sa gueule s'ouvrit… Et pccccchttttttt ! D'énormes flammes jaillirent dans un drôle de vacarme. Les bouts de papier prirent feu instantanément, les gros mots, les dégoutants, les bizarres, les méchants, les tordus… tous, disparurent dans un grand et beau nuage blanc.

- « Adélaïde ! Adélaïde ! »

La petite fille ouvrit les yeux et vit sa maman lui dire de se réveiller pour aller à l'école. - - «  Tu as vu l'heure ? » Sa maman approcha sa montre tellement près du visage d'Adélaïde que la petite fille en loucha.

-       D'accord ! Je me dépêche ».

Adélaïde s'assit au bord de son lit et s'étira longuement. Tout à coup, elle sentit quelque chose chatouiller son gros orteil. Elle se pencha et saisit un bout de papier plié, noirci et légèrement brûlé sur les côtés. Elle se pencha davantage, à la recherche de sa collection de bouts de papier, elle ne vit qu'une grande étendue de moquette bleue. Ils avaient tous disparu.

Intriguée, elle déplia le papier qui restait, et lu ce message :

« Les gros mots, c'est comme les nuages, la vie est plus radieuse quand il n'y en a pas. »