Questions

tchaolyn

Lorsque l'aube arrive, je n'ai pas dormi. Les yeux écarquillés sur le blanc du ciel, je dis au revoir à la nuit. A son fatras de pensées brouillonnes, désaxées, épuisantes. Et je me lève. Je me mets à fonctionner. Le jour prend possession de ma volonté, son cortège de tâches successives, ordonnées, la peur du grain de sable. Tenir, tenir, courir, courir, sourire, répondre, se battre, pourquoi ? 

Et la soif de liberté me suffoque. Je ne vais pas pouvoir, je ne vais pas pouvoir. Non, non, non, non et non. Pas possible. Dégonflée, lâche, je me dis tu as construit toi-même ta propre prison. Dégonflée, lâche, la porte est ouverte, qu'est-ce que tu attends. Je vois les choses dans toute leur horrible clarté, je me redis, tu n'es pas à la hauteur de tes rêves. Il est trop tard, trop tard. Trop tard ? 

Là n'est pas la question. La question est bien plus vaste, elle se pose ailleurs, sur des territoires d'une beauté brute et sans conditions. Il n'y a même pas de question. Juste l'évidence sans objection. C'est là, ta vie, pleine et assurée. Tout près. Juste à côté. A côté, à côté, tu es restée à côté de ta vie. La facilité, c'est ce que tu as choisi. L'autre chemin n'était au fond pas plus difficile. Absurde, non ? 

Oui absurde. Peut-être. Sans doute. Et cette révolte que je ne peux contenir. Contre ma propre bêtise. Contre ceux que j'ai laissés m'enfermer. Je me disais, après, après, je le ferai plus tard, d'abord ça, puis ça et oui d'accord. Après, après, je me consacrerai à mes élans personnels, après, après, après... Et la révolte monte et m'étouffe car je la musèle. Elle grince : Sais-tu de quoi tu es capable ? 

La nuit revient se mesurer au triomphe de la fatigue. Je m'étends et ferme les yeux. J'aspire à un sommeil doux et chaud, paisible, paisible, paisible... comme une eau idéale. J'en rêve, hélàs c'est un rêve trop éveillé. Je le convoque, le cajole, il semble se laisser amadouer. Je l'approche, là j'y suis. Mais reviennent les atroces flonflons, le tumulte, les hideux possibles ricanant : Tu nous avais oubliés ?

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