Raymond Devos a rencontré Dieu

tadamok

Il m'est arrivé une chose incroyable ! Incroyable ! J'ai rencontré Dieu ! Et savez-vous quelle est la première chose qu'il m'a dite, mesdames messieurs ? Il m'a dit : « J'existe ! Devos m'a rencontré ! »

Y m'a dit : « Vous pouvez pas savoir comme j'étais angoissé à propos de la question de mon existence ! Tous ces débats, sur Terre, pour savoir si j'existe ou pas ! Toutes ces controverses, ça a fini par instiller le doute dans mon esprit ! »

Alors je lui ai dit : « Vous savez, Seigneur, le doute fait partie de la foi ! »

Y'm dit : « Oui. Mais comment peut-on douter de ce qu'on voit ? Vous autres, vous doutez de moi parce que vous ne me voyez pas. Tandis que moi, je me vois ! »

Je lui dis : « Et que voyez-vous ? »

Y'm dit : « Rien. Les voies du Seigneur sont impénétrables. »

Alors je lui dis : « Mais enfin, mon Dieu, vous qui voyez tout, vous qui savez tout, comment pouvez-vous croire une seule seconde que vous n'existez pas ? C'est tout de même incroyable ! »

Y'm dit : « Vous voyez ? Vous-même, vous n'y croyez pas. »

Je lui dis : « Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit ! »

Y'm dit : « Peu importe ce que l'on dit. Voulez-vous savoir ce que j'ai dit lorsque je suis venu au monde ? »

« Ce n'est donc pas vous qui l'avez créé ? Y'avait quelqu'un avant Yahvé ? »

Y'm dit : « Y'avait le Saint Esprit ! »

« Bien sûr ! »

Y'm dit : « Alors, selon vous, quelle furent mes premières paroles ? »

« Que la lumière soit ? »

Y'm dit : « Pas du tout ! J'ai crié ! « Ouin ! Ouin ! » Alors je me suis oint. Avec de l'eau bénite. »

« Bénite par qui ? »

Y'm dit : « Par moi, pardi ! »

Je lui dis : « C'est autorisé, ça, de se oindre avec de l'eau par soi bénite ? »

Y'm dit : « Seulement quand on est Dieu. »

« N'est pas Dieu qui veut. »

Y'm dit : « Certainement pas. »

« Et les candidats sont nombreux ? »

Y'm dit : « Innombrables. Mais il y a très peu d'élus. »

« La sélection est sévère ? »

Y'm dit : « Un vrai chemin de croix. »

Alors je lui dis : « Tout de même, mon Dieu, quelle déception pour ces malheureux candidats ! Etre ainsi refoulés aux portes du Paradis ! Sans même avoir pu voir à quoi il ressemble ! »

Y'm dit : « Détrompez-vous. Ils ont tous jeté un œil à l'intérieur. Par le Judas. Ensuite ils s'en sont repentis. »

Je lui dis : « Repentis de quoi ? »

Y'm dit : « De s'être pris pour Dieu ! »

Je lui dis : « Et depuis ? »

Y'm dit : « Depuis, je prie pour eux. »

[Devos se met à marcher, sourit malicieusement et joue quelques notes d'accordéon, puis reprend :]

Je lui dis : « Mon Dieu, croyez-vous à la réincarnation ? »

Y'm dit : « Non. »

« Mais vous croyez à la résurrection ? »

Y'm dit : « Non plus. J'ai fait une croix dessus. »

Je lui dis : « Mais pourtant, Jésus, votre fils… N'est-il pas retourné parmi les vivants après qu'on l'a crucifié ? »

« Il s'est retourné dans sa tombe, ça oui. Ensuite, je l'ai perdu de vue. Où est-il allé ? Dieu seul le sait. »

Je lui dis : « Justement, qu'en savez-vous ? »

Y'm dit : « Rien. »

Y'm dit : « Une fois, j'ai bien cru l'apercevoir depuis mon nuage. Il était debout au milieu d'un lac ! »

« Incroyable ! »

Y'm dit : « Je vous le fait pas dire. D'ailleurs je n'y ai pas cru. »

« Et depuis ? »

Y'm dit : « Depuis, plus rien. »

Alors je lui dis : « Tout de même, mon Dieu, vous qui êtes tout puissant, vous qui êtes censé tout voir, tout entendre, vous n'avez pas du matériel pour tenter de le retrouver ? Un télescope, une paire de jumelles ? »

Y'm dit : « J'ai des paraboles. »

« Et ça Copte ? »

Y'm dit : « Caïn-caha. Quoi qu'il en soit, je crois bien qu'il s'est fait l'Abel. »

Je lui dis : « Tout de même, vous avez l'Adam dure ! »

Y'm dit : « A quel sujet ? »

Je lui dis : « Au sujet de Jésus ! »

Y'm dit : « Que voulez-vous dire ? »

Je lui dis : « Vous savez bien que beaucoup d'entre nous suivent assidument les préceptes que votre fils prodigue ! Comment pouvez-vous le traiter de la sorte, comme s'il était le dernier des charlatans ? »

Y'm dit : « Ne vous en faites pas pour lui : les derniers seront les premiers. »

« Mais pourquoi se cache-t-il ? Pensez-vous qu'il soit entré en rébellion ? »

Y'm dit : « Il en porte les stigmates. »

« C'est un garçon colérique ? »

Y'm dit : « Disons qu'il n'hésite jamais à déclencher les hostilités. »

Y'm dit : « Tenez, par exemple, un jour, il était si énervé qu'il a chassé des marchands hors du temple à coups de pieds au derrière ! »

« Non ! »

Y'm dit : « Mais si ! Mais si ! »

« Et comment ont-ils réagi ? »

« Ils étaient vexés, pardi ! D'autant plus qu'après, il s'est mis à faire apparaître des quantités de poissons absolument phénoménales juste comme ça, en claquant des doigts... »

« Ça n'a pas dû arranger leurs affaires. »

Y'm dit : « C'est le moins qu'on puisse dire ! »

Y'm dit : « Figurez-vous qu'après ça, ils ont voulu le lapider ! »

« Quelle horreur ! Comment, nous, les hommes, nous qui avons été créés à votre image, comment pouvons-nous en arriver à de telles extrémités ? »

Y'm dit : « C'est très simple : c'est celui qui n'avait jamais pêché qui lui a jeté la première pierre. Après, ça a été l'engrenage. Mais depuis qu'il a fait la même chose avec le pain, ils ont fini par se faire une religion à son sujet. »

Alors je lui dis : « Mon Dieu, ça tombe bien que vous parliez de pain, de poisson, et de ce genre de choses, car j'ai quelque chose à vous confesser. »

Y'm dit : « Je vous écoute. »

« Mon Dieu, pardonnez-moi parce que j'ai péché. J'ai péché par gourmandise. »

Y'm dit : « Je vous demande pardon ? »

Alors je lui dis : « Ah non ! Non, c'est moi qui vous demande pardon ! J'ai commis le péché de gourmandise. Pardonnez-moi, mon Dieu ! »

Y'm dit : « Allons, mon enfant, vous êtes pardonné bien volontiers. L'important, voyez-vous, c'est d'avouer sa faute. »

« Ah, merci ! Merci mon Dieu ! »

Y'm dit : « Je vous en prie. »

Je lui dis : « Vous n'imaginez pas à quel point je suis soulagé. C'est parfois si difficile d'admettre qu'on a commis des impairs ! »

Y'm dit : « Vous avez raison. Mais vous pouvez être certain d'une chose : Dieu reconnaîtra les siens. »

« Comment ça ? Vous voulez dire que vous-même, Seigneur, vous vous êtes déjà écarté du droit chemin ? Je n'arrive pas à le croire ! »

Y'm dit : « C'est pourtant vrai. Il m'est arrivé de faillir. Par orgueil, principalement. »

Y'm dit : « Tenez, par exemple, pourquoi croyez-vous que je porte l'auréole ? »

« Pour qu'on sache que vous êtes Dieu, pardi ! »

Y'm dit : « Certainement. Mais pourquoi une auréole dorée, toute clinquante, et pas simplement un bonnet en laine ou un chapeau pointu ? »

Je lui dis : « Alors là, mon Dieu, je dois vous avouer que je ne m'étais jamais posé la question. »

Y'm dit : « Croyez-moi, si vous aviez comme moi l'éternité devant vous, vous vous la seriez posée ! Vous auriez même fini par douter de tout. Saviez-vous qu'il m'arrive parfois de douter de ma propre existence ? »

« Bien entendu ! Nous venons d'en parler à l'instant même ! »

Y'm dit : « C'est exact. Voyez-vous, à force d'être partout à la fois, il m'arrive de ne plus très bien savoir où j'en suis. »

« Allons donc ! Ce n'est guère rassurant pour nous ! Imaginez que vous vous trompiez au moment de rappeler quelqu'un auprès de vous ! Ce serait une catastrophe ! »

Alors y'm dit : « C'est déjà arrivé. »

Et il ajoute : « Mais, sur un plan purement technique, vous devez savoir que ce n'est pas moi qui m'occupe personnellement de ces choses-là. J'ai un assistant. Il fait le nécessaire en cas d'erreur. »

« Saint Pierre ? »

Y'm dit : « Absolument. C'est un peu mon homme à tout faire. Il s'approvisionne à la Samaritaine. Il a un bon. »

Y'm dit : « En ce moment, il m'aide à bâtir mon Eglise… »

Je lui dis : « Et donc, … finalement, … l'auréole ? Le péché d'orgueil ? »

Y'm dit : « Ah oui, pardonnez-moi. Eh bien, l'auréole, c'est parce que je le vaux bien ! »

Signaler ce texte