Rebelle engeance

aemilia

Très courte nouvelle dystopique, initialement écrite pour le concours "E-crire aufeminin" à partir du thème "Voilà un an que j'avais semé cette graine".

Je jetai un regard nerveux par dessus mon épaule. Personne ne m'avait vu quitter mon poste, et si je parvenais à prendre cet air détaché auquel je m'entraînais depuis des semaines, la sentinelle en faction à l'entrée du bâtiment ne me poserait aucune question.
Mon sang se glaça quand je vis qu'un attroupement se formait devant les larges portes tambour donnant sur la rue. Aujourd'hui, ils fouillaient.
Feignant la candeur comme je sais si bien le faire, j'interrogeai les gens autour de moi. « On en a retrouvé au deuxième étage ». Je me baissai légèrement comme pour me gratter derrière le genou, et à travers la forêt d'attaché-cases qui obstruait mon champ de vision, je les aperçus : les chiens renifleurs. « Je suis foutue ». Cette pensée me traversa l'esprit, puis je me rappelai que je ne passais jamais par le deuxième étage.
Malgré cela, je mourais d'envie de contrôler la semelle de mes chaussures, mais je savais qu'un agissement aussi suspect n'échapperait pas aux caméras de surveillance.
Je fus prise d'un curieux pincement au cœur quand ils ont emmené le coupable, trahi par ses ongles abîmés. Mais quel soulagement ! Après tout, chacun sa merde.
La foule se dispersa et je pus sortir à mon tour. Il fallait faire vite à présent. La sueur perlait à mon front, ma bouche devenait sèche, j'avais trop tardé. De ruelle en ruelle, je m'écartais rapidement de l'animation du centre-ville. J'y serais bientôt. Enfin, je soulevai la tôle mal fixée d'une vieille clôture et passai d'un mouvement félin de l'autre côté. J'avais l'habitude.
L'odeur de terre humide emplit immédiatement mes narines avides. Je m'accroupis précautionneusement, en faisant bien attention à ce que le bas de ma jupe n'entre pas en contact avec le sol, et extirpai une petite flasque de la poche intérieure de ma veste. Goutte à goutte, délicatement, maladroitement, je versai l'eau qu'elle contenait à mes pieds. Voilà un an que j'avais semé cette graine, défiant toutes les lois, risquant ma vie. Et puis un jour, j'avais constaté, incrédule, qu'une jeune pousse en était sortie. Timide, fragile, presque invisible. Je priais pour que ce soit une rose, dont j'avais tant lu vanter les beautés. Cela faisait des années qu'on n'avait pas vu de fleur.

En guise de repas, j'avalai à la hâte la pilule protéinée réglementaire. Mes ongles soigneusement vernis me vaudraient encore les compliments de mes collègues, tout comme mes escarpins flambants neufs achetés sur le chemin du retour.

  • J'aime regarder la photo de votre profil ou l'on voit un enfant (vous?)avec un livre entre les mains: en voie de disparition.

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    enzogrimaldi7

    • C'est effectivement moi qu'on voit sur la photo. :)

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      aemilia

    • Vous vous souvenez du titre?

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      enzogrimaldi7

    • Haha, je ne sais plus, mais je miserais bien sur un Comtesse de Ségur dans une vieille édition. :-p

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      aemilia

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