Récital d'un homme ivre

moth

On a tous cette image de l'homme qui raconte des histoires captivantes aux enfants, qui ont l'impression qu'il a vécu ce qu'il raconte. Mais franchement, est-ce-que ça ne se passerait pas comme ça ?

  -Je vous l'affirme ! Je l'ai vue comme je vous vois ! hoqueta l'homme qui était au centre des regards, en montrant du doigt tous les gens qui étaient pendus à ses lèvres. C'était un gobelin, pareil que ceux des légendes ! Un être bleu, de la taille d'un petit homme et trapue comme un voleur !

  Un mouvement de rire général envahit la pièce. Ils connaissaient tous son penchant pour l'alcool, et ce soir-là, comme d'habitude, il était debout sur une table, à déblatérer des inepties. Les enfants l'écoutaient assis sur le sol, à rêver de toutes les aventures qu'il leurs racontaient, tandis que ceux plus âgés attribuaient ces idioties à la boisson, et riaient de l'effet que quelque chope de bière et de rhum pouvaient avoir sur un homme.

  -Ne riaient pas ! leurs cria l'homme, en oscillant sur ses deux pieds.

  Il porta sa chope à ses lèvres, et la moitié de son contenue dégoulina sur sa longue barbe brune. Il se l'essuya d'un geste grossier, et se pencha vers les jeunes rêveurs, plus réceptifs à ses paroles.

 -Il m'a regardé droit dans les yeux, et je sentis son odeur nauséabonde, celle d'un homme qui ne s'était pas lavé depuis une éternité.

  -Comme toi ! cria une voix depuis le fond du bar.

  -Il me sourit de toutes ses dents, enfin, surtout celle qui lui restait, les jaunes et décrépies. continua t-il d'une traite.

  Il mima la créature, et les gamins rirent aux éclats. Fier, l'homme sous l'emprise de l'alcool héla le patron, et lui ordonna d'apporter une choppe de sa bière la plus savoureuse, avant de recommencer.

  -Je me mis à le toiser de toute ma hauteur, a bomber le torse, mais il ne bougea aucunement. Il se mît a sauter à cette hauteur.

  Il l'a montra de sa main droite.

  -Je mis du temps à comprendre à qui j'avais à faire. D'un coup, il baragouina des sons étranges et me tint difficilement : "Toi, mourir ! Nous attaquer vous et toi mourir !" Il rit joyeusement mais moi j'étais tétanisé par la peur. Quand il hurla étrangement, je pris mes jambes à mon coup. il trembla. J'entends encore son rire strident résonnait dans ma tête, et son cri inimitable.

  -Et ça c'est passé quand ? lui demanda un client d'une table avoisinante. Pour savoir quand je vais mourir.

  Des rires moqueurs accueillir ces paroles, et l'auteur de cette demande manifesta sa fierté en payant une tournée pour toutes les personnes qui le soutenait et.

  -Ça s'est passée hier, dans les bois de Ruln, et je vous conseille de ne pas prendre mes paroles à la légère. chuchota-t-il.

  Les enfants frissonnèrent, mais leur peur vint aussitôt être remplacé par le dégoût, car le conteur prit la chope de trop, et déglutit. Ils firent tous un petit "Beurk !" Et leurs parents vinrent les sortir de là, se dirigeant vers la sortie du bar. Enfin, pour certain, pour les autres, les mères essayaient de tirer leur mari de leurs tables et de les séparer de leur verre, mais impossible.


  La taverne fut bientôt vidé de moitié, l'attraction quotidienne ayant pris fin. Pourtant, l'homme continuait à marmonner :

  -Quand ils viendront nous engorger dans notre sommeil, vous ferez moins les fiers. Moins les fiers....

  Et il finit emporté par les bras de Morphée, peut-être à jamais, qui c'est... 

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