Réconfort

Jean Marc Kerviche


Réconfort

17 janvier 2017 – 15 h

Je suis assis à l'accueil pour une admission à l'IGR.

L'intervention chirurgicale que je dois subir est programmée pour le lendemain.

L'attente est longue, mais je suis patient. Et puis j'ai un livre en poche au cas où…

Un livre où quand on lit un paragraphe plusieurs heures de réflexion sont nécessaires.

A un moment, s'assoit à mes côtés un petit monsieur d'âge respectable, ou plutôt on l'assoit tout près de moi.

En effet sa femme le pousse en fauteuil roulant et le dirige plus vers moi que vers elle.

Elle s'assoit derrière lui.

Eperdu, il roule les yeux dans tous les sens et de tout côté à la recherche d'une personne avec qui il pourrait partager son ressenti.

Ainsi que tous ceux qui attendent en ce lieu, il me parait soucieux et comme je suis face à lui, nos regards se croisent.

Aussitôt, il engage la conversation.

Il me lance :

« Qu'est-ce que le personnel est gentil ici » me fait-il remarquer.

J'acquiesce, et… avec malice lui réponds :

« C'est vrai qu'ils sont très gentils, et les infirmières sont également agréables, serviables, disponibles et toujours au plus près des malades »… Mais il y a un risque…

Soudainement inquiet, il me jette un œil interrogateur et attend la fin de ma phrase.

Je me penche alors vers lui et lui chuchote à l'oreille :

« On peut tomber amoureux ! »

Immédiatement son visage s'illumine, ses yeux pétillent.

Au revoir les appréhensions, les inquiétudes, les angoisses, il n'est plus que sourire…

 

A bien y réfléchir, je me demande encore aujourd'hui ce qu'il m'a pris de lui répondre ainsi… mais quelques jours après passait à la télévision le film éponyme tiré du livre «L'élégance du hérisson» et l'une des dernières phrases du film a réveillé en moi ce que je n'avais pas relevé lors de ma première lecture. 

Muriel Barbery fait dire à la jeune fille : « L'important n'est pas de mourir mais ce que l'on fait quand on va mourir, madame Michelle avait décidé d'aimer. »

Comme quoi, le plus important au moment de mourir n'est pas ce qu'on est en train de faire mais ce qu'on a l'intention de faire !

J'espère en tout cas de tout cœur que le petit monsieur d'âge respectable que j'ai rencontré ce 17 janvier s'en sera sorti… aussi bien que moi.

  • Comme pour l’enfant qui tombe et qui ne sait s’il doit rire ou pleurer et qui cherche le regard de sa mère afin qu’elle le console. Il importera à celle-ci de minimiser la douleur ressentie en détournant son attention. Elle lui racontera une histoire, lui promettra une glace ou un bonbon et les pleurs cesseront…

    · Il y a environ 6 ans ·
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    Jean Marc Kerviche

  • J'aime beaucoup votre texte : vous avez bien joué pour rassurer ce vieux Monsieur ! C'est drôle et tendre !

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    Ana Lisa Sorano

    • Je ne sais pas ce qui m'a pris ! Mais le résultat était là !
      Sa femme n'a rien dû comprendre...

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Rerefaite d%c3%a9finie

      Jean Marc Kerviche

    • … L’autre jour, pour une visite de routine à l’IGR (j’ose appeler ça une routine !) je me trouvais assis en face du chirurgien qui m’a trifouillé et reconstruit le fond de la gorge en avril 2016 !
      Après m’avoir expertisé le fond de la gorge, exploré la totalité de la bouche et fibroscopé le larynx, il se lève et de me demande d’attendre.
      Evidemment, je m’inquiète et lui lance :
      - Il y a un problème ?
      - Non, non, me répond-il ! je vais chercher quelqu’un…
      Il s’éclipse. La porte se referme derrière lui, mais moins d’une seconde après il la rouvre et me jette :
      - Vous allez tomber amoureux !
      Oui, il faut que je vous dise qu’il aime mes petites histoires notamment "Réconfort" qui date de janvier 2017.
      Bref, je reste seul un moment dans un état expectatif et je subodore une malice de sa part…
      Il revient peu de temps après suivi d’une jeune femme en blouse blanche, interne de son état, bien sous tous les angles… ça je peux vous l’affirmer.
      Elle m’examine le fond de la gorge, échange quelques données techniques avec le chirurgien, où il est question de lambeaux et de patchs, évoque sa thèse, et tout en m’ignorant superbement elle continue à parler technique sur les avantages de tel ou tel procédé.
      Pour me rassurer, j’interviens tout de même à un moment pour leur demander en conclusion si tout va bien pour moi. Ils me répondent en chœur par l’affirmative… et elle quitte la pièce.
      Et là, mon chirurgien, tout sourire, me lâche :
      - Alors ?
      Je crois lui avoir répondu en ses termes :
      - Moi, je ne sais pas, mais vous…
      Ce qui a eu pour effet de le faire pouffer de rire…

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Rerefaite d%c3%a9finie

      Jean Marc Kerviche

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