Règlement de compte
Jay M Tea
Dimitri cherchait Quentin à tâtons dans le lit. Il ouvrit les yeux qui laissèrent pénétrer la lumière de la lampe posée sur le bureau. « Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure ?
- Je réfléchis.
- À quoi ?
- À rien. » Il y eut un silence que les ronronnements saccadés d'Einstein gênaient l'émotion de Quentin.
« Viens te coucher.
- Je pense à Anna.
- À quoi bon ?
- Je me sens coupable.
- On est en droit de se sentir coupables tous les deux tu sais ? Allez viens me rejoindre. Je me sens tout nu sans toi. »
Quentin se leva, enfila l'un des longs t-shirts de Dimitri, passa devant celui-ci sans même le regarder avant de refermer la porte derrière lui. Dimitri ne cherchait pas à le retenir davantage. Il comprenait son sentiment. Faustine avait pour lui une hostilité qui lui était tout aussi difficile à dissimuler ce qui rendait l'air de l'appartement plus lourd encore que les vagues de chaleur de l'été.
* * * * * * * * * *
Il y avait cette nuit-là quelque chose d'anormal. Faustine n'arrivait pas à trouver la position qui la déroberait au monde réel pour embrasser l'imaginaire et l'intouchable de la nuit. Le désordre des vecteurs de ses bras et de ses jambes dessinait des courbes cassées en vrac sous le drap blanc duquel l'empreinte et l'odeur de son aimé étaient absentes. Seule au féminin de son essence. Il lui manquait la rugosité du torse de Chayim sur lequel elle aimait tant faire danser ses doigts entre ses poils. Elle soupira et partit en direction de la cuisine.
Du silence à ne plus savoir quoi en faire. Sa tasse résonnait dans tout l'immeuble comme si elle avait jeté un sac de bille sur la faïence de l'évier. Les canalisations pompaient une eau qui peinait à se rafraîchir des profondeurs des stations de la ville jusqu'au bord de ses lèvres sèches. Elle entendit la clenche de la porte de la chambre qui s'ouvrit lentement.
Le temps d'un instant, elle crut qu'Anna allait sortir de la chambre mais elle faisait face à Quentin qui freina son élan aussi sec. « Assieds-toi crétin. Ça va être difficile de s'éviter de toute façon. Alors arrête de faire semblant d'être surpris de me voir à chaque fois que l'on se croise. » Il venait de refermer la porte. « Il est trois heure du mat' Faustine. On peut pas attendre qu'il fasse jour pour se jeter des politesses à la tête ?
- Maigre euphémisme. Allez. Assieds-toi je te dis. C'est toujours mieux que d'être chacun dans notre coin.
- Tu n'arrives pas à dormir ?
- C'est la deuxième fois que Chayim ne rentre pas cette semaine. Je m'inquiète un peu.
- Tout va bien entre vous ?
- Oui. Enfin je crois. J'en sais rien, fit-elle en baissant la tête. Puis j'ai pas envie de t'en parler.
- Bon, puisqu'on est là tous les deux. Tu pourrais peut-être enfin me cracher ton venin. Je sais que tu en meurs d'envie.
- Ne me fais pas passer pour la connasse de cette histoire.
- J'ai jamais dit ça.
- Alors qu'est-ce qu'on va bien pouvoir se dire ? Lança-t-elle.
- Qu'il serait bon que tu comprennes que c'est aussi difficile pour moi de réaliser qu'Anna ait quitté l'appartement à cause de moi.
- À cause de VOUS !. Dimitri n'est pas tout blanc.
- Alors c'est quoi ton problème avec moi ?
- Par où commencer ? T'es dans la merde et on te propose de venir vivre avec nous et tu voles Dimitri à Anna. T'es sûr qu'il n'y a rien qui cloche dans cette affaire ?
- Alors laisse-moi te dire une chose ma belle. T'es effectivement la connasse de cette histoire. Dimitri et moi, c'est arrivé comme on tombe d'une chaise. On n'a rien demandé et Anna devait bien finir par le savoir un jour ou l'autre.
- Certainement pas de la façon dont elle l'a découvert.
- Certes. Et alors ? Ce qui est fait est fait.
- T'as toujours réponse à tout comme ça ?
- Là pour le coup, je ne vais pas me gêner et j'aurai le dernier mot. Je comprends très bien que tu m'en veuilles tout particulièrement mais tu es odieuse avec moi et il faut vraiment que ça cesse.
- T'as qu'à déguerpir tu sais. Personne te retient...
La porte de la chambre s'ouvrit violemment. Dimitri déboula sur Faustine et la gifla. « Et tu sais très bien que tu ne l'as pas volée celle-là ! » Faustine resta figée un moment et quitta la pièce en claquant la porte. « Tu n'aurais pas du faire ça Dimitri.
- Tu te moques de moi ? Tu comptais te laisser insulter sans rien faire.
- Je ne serai sûrement pas allé jusqu'à...
- C'est tout ce que j'ai trouvé à faire sur le coup.
- Et tu feras quoi quand elle en parlera à Chayim ?
- J'en sais rien et je m'en fous. Elle est infâme depuis que Anna est partie. Elle se comporte comme une veuve en furie. Je ne suis à moitié étonné que Chayim rentre de plus en plus tard. Depuis le départ d'Anna, tout le monde essaie de faire en sorte de tenir l'appartement en ordre mais madame trouve un sac à dos rempli d'herbe par hasard, et j'en doute... Elle passe son temps complètement à l'ouest. Je veux bien admettre qu'elle soit loufoque et quand bien même, y a pas tant de mal à ça. Mais elle devient de plus en plus irrationnelle et elle se venge sur toi à la moindre occasion. Trop c'est trop. »
"Seule au féminin de son essence." Comme c'est joli !
· Il y a plus de 10 ans ·brajkina
Merci. :)
· Il y a plus de 10 ans ·Jay M Tea