Règlement de comptes et mauvaise foi

Lev Hamels

TW : Ce texte retrace toutes ces petites choses qui ont pu me faire sombrer. Les thèmes de la mutilation, le suicide, les troubles du comportement alimentaires, l'abus sexuel y sont évoqués.

Suis-je responsable de mon attraction pour la destruction ?
Suis-je responsable de ne pas avoir trouvé le sens assez tôt, d'avoir voulu croquer dans le fruit défendu de mes entrailles ?
Et lorsque l'attraction est là, si forte, que son assouvissement ne blesse que moi, et que les conséquences m'importent peu, suis-je responsable d'y avoir cédé ?
Me vient l'envie de me dédouaner et de vous cracher à la gueule. Me vient l'envie de dire que c'est ta faute, sa faute, celle de chaque individu de cette humanité. La faute de chacun, mais pas de moi.
C'est ta faute, à toi qui m'a rendu la tâche plus difficile à chaque seconde de mon existence.
C'est ta faute, à toi qui m' appris que la mort, c'est la fin de tout.
C'est ta faute, à toi qui a fait une vidéo sur la mutilation.
C'est ta faute, à toi qui m'a rejetée parce que je n'étais qu'une "freak".
C'est ta faute, à toi qui m'a montré les conséquences de mes actes.
C'est ta faute, à toi qui m'as prescrit des médicaments qui ont déréglé tout mon organisme.
C'est ta faute, à toi qui m'a proposé de m'offrir ma première taffe de cigarette.
C'est ta faute, à toi qui m'a arrachée à cette famille que je m'étais créée et qui s'est écroulée à mon départ.
C'est ta faute, à toi qui a accepté de répondre à mes pulsions.
C'est ta faute, à toi qui a joué de mon attirance pour les filles.
C'est ta faute, à toi qui m'as abandonnée seule.
C'est ta faute, à toi qui m'a ignorée quand je t'ai annoncé ma mort.
C'est ta faute, à toi qui m'a blâmée de lâcheté pour avoir tenté de me buter.
C'est ta faute, à toi qui a pris tout ce que je voulais et que je n'avais plus.
C'est ta faute, à toi qui était tellement mieux que moi.
C'est ta faute, à toi qui ne mangeais pas en soirée.
C'est ta faute, à toi qui m'a appris que c'est si simple de se tuer à petit feu.
C'est ta faute, à toi la fille mince dont la photo parcourt internet.
C'est ta faute, à toi qui m'a proposé de m'apprendre à aimer la faim.
C'est ta faute, à toi qui m'a félicitée quand j'ai perdu du poids.
C'est ta faute, à toi qui n'a pas décodé mon appel à l'aide.
C'est ta faute, à toi qui m'a dit que ce n'est qu'aux portes de la mort que je serais jolie.
C'est ta faute, à toi qui m'a dit que je n'étais pas assez émaciée pour avoir un trouble du comportement alimentaire.
C'est ta faute, à toi qui m'a dit que ce n'était pas grave tant que je n'étais pas aussi fine qu'une sauterelle.
C'est ta faute, à toi qui n'a jamais su partir.
C'est ta faute, à toi qui a vilement joué sur mes sentiments déséspérés.
C'est ta faute, à toi qui a laissée floue la frontière entre le jeu et la brûlure.
C'est ta faute, à toi qui a rejeté sur moi les agissement de la maladie.
C'est ta faute, à toi qui a insisté pour savoir dans le détail ce que j'avais mangé.
C'est ta faute, à toi qui m'a appris à vomir.
C'est ta faute, à toi qui a refusé d'entendre mon mal être ensanglanter ma poitrine.
C'est ta faute, à toi qui a voulu décider de mon avenir.
C'est ta faute, à toi qui a fait abstraction des demandes des médecins.
C'est ta faute, à toi qui voulait juste me baiser comme un objet dont tu peux user à ta guise.
C'est ta faute, à toi qui a écrit ces mots ravageurs qui m'ont interdit de manger.
Vous êtes acteurs ou figurants de ma vie. Mais vous êtes salement ravageurs.

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