RENAISSANCE

toxic

Roman. Extrait.

 

 

— Je te cherche partout ! Un appel pour toi dans les bureaux, bouge-toi !

— Qui est-ce ?

— C'est ta mère.

J'ai couru, affolé.

— Chéri, c'est moi… c'est maman… Je t'appelle pour te dire que ton père est mort. Sa femme vient tout juste de m'avertir… On l'enterre demain matin à dix heures, à Toronto.

 

Quand mon père avait quitté ma mère, il était parti vivre au Canada, ma mère et moi, étions restés ici. Que faire d'autre ? Elle n'avait pas de racines, pas de famille, pas de fortune, on lui proposait un travail dans des bureaux d'ambassade, elle a accepté l'aubaine.

J'avais de temps à autre des nouvelles du Canada, j'ai vaguement eu un frère puis une sœur, mais la réalité était que j'étais sans véritable lien avec mon père depuis sept longues années.

Est-ce pour cela que tout est allé très vite dans ma tête ? J'ai pensé : « Comment vais-je faire pour être au Canada demain matin ? Combien d'heures de vol ? A quelle heure dois-je décoller pour atterrir là-bas, décalage horaire compris ?

… C'est impossible.

 

*

 

Pardon papa. Pardon. Pardon de t'avoir oublié. Pardon parce que je t'ai oublié. Et aujourd'hui c'est trop tard, c'est trop loin.

C'est fini.

 

Je me suis enfermé dans ma chambre.

Je n'en suis ressorti que douze jours après.

Je suis resté anéanti.

Mes copains passaient me voir sans insister, déposaient mes plateaux-repas sur ma table de chevet et repartaient.

J'étais prostré.

Je suis resté là, sans penser à rien, avec une douleur atroce dans le cœur, que j'essayais de camoufler en fumant beaucoup. Je planais complètement. J'avais été privé de la possibilité de me recueillir sur la tombe de mon père le jour de ses funérailles. A cette idée fixe s'ajoutait une terrifiante prise de conscience, prenant la forme d'un vide sidéral qui m'aspirait à sa suite : la mort emporte tout avec elle.

Putain, il est où mon père dans l'infini du monde invisible ?

Il est où …. ????

 

Au bout de douze jours, quand je suis enfin sorti de ma torpeur et de ma chambre, j'ai pris ma moto, j'ai roulé vers ma renaissance.

J'ai roulé vers le Nord, cent-quatre-vingt bornes à travers le désert…

Je suis parti au lever du soleil.

Je ne voulais pour compagnie que le vent chaud…

J'ai mis un jean, un tee-shirt blanc et mon casque de Harley Davidson qui ressemblait à un drôle de chapeau.

Sur ma droite se trouvait l'Est.

Quand je redescendrai, tout à l'heure, vers dix-neuf heures, le soleil couchant éclairerait de ses derniers ors, les montagnes de Jordanie.

… J'aurais alors la sensation de revenir des millénaires en arrière… Jéricho… la plus vieille ville du monde, avec Babylone…

Puis ce sera le « full Moon », ce sera le plus beau. Je verrai alors d'innombrables étoiles dans le ciel, car il en est toujours ainsi, dans le désert.

… Aucune lumière parasite… Il n'y a rien d'autre que le ciel noir qui vous avale et vous donne l'impression d'être dans l'espace…

De temps en temps, seul un renard traverserait devant mes phares…

 

*

 

Je savais qu'il me fallait la solitude, le désert et la vitesse, pour enfin entamer ma seule t véritable renaissance…

 

TOXIC

 

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