rencontre avec les éternels etranger de l intérieurs

cedille

Lundi 26 mars

Deuxième Atelier.

Aujourd'hui ,ce sera ma première expérience d'atelier solitaire auprès des gens du voyage, en effet Marion et Thomas ont une importante médiation de terrain à effectuer. Ils m'ont déposé, moi et mes quatre sacs devant l'air de Melun.
Je n'ai étrangement ni peur ni  trac, j' ai cet élan de vie propre au voyage ,qui ronronne , il faut avancer ,rencontrer ,découvrir: Confiance..
Le soleil ronronne tandis que j' installe les tables et les chaises dehors, quelques sourires, de vagues bonjour me parviennent. J' essai d'emprunter la cafetière à l'accueil, déjà utilisée, elle m'est refusée.

Munie de mes contes brefs et de mon paquet de café, je pars faire le tour des caravanes. Le soleil à ceci d'universel qu'il adoucit les mœurs, ou si c'est une croyance, je la laisse me porter. Les femmes me disent toujours ne pas avoir réellement le temps, mais elles écoutent, chacune leur tour, l'histoire du violoniste Pagianni et commentent la morale: «  C est beau. » disent-elles, et c'est vrai dans la vie il faut se forcer, je vois leur regard attentif et j'observe les résonances quand je parle de la transmission des savoirs entre  musiciens de père en fils.

L'une d'entre elles ,me prête les ustensiles qu'il me manque pour préparer le café et m invite  à l'intérieur de sa maison roulante pour en boire un.Un Homme qui m'avait envoyé voir sur le terrain à côté si il y était ,me rappelle, pour que je lui raconte à lui aussi. Un petit groupe de femmes de différents âges discutent dans un coin, elles parlent de leurs hommes à mots teintés, je sens pour la première fois depuis trois semaines qu'au sentiment d' impuissance qui émane, vient se mêler un soutien partagé, une forme de solidarité à peine perceptible mais bien présente.

J' emprunte à ces dames la bouilloire qui me manquait et je rejoins la table ; mon participant de la dernière fois que nous appellerons Michaël, est là. Je lui sers un café  nous parlons de sa semaine, puis  je lui demande de m'écouter attentivement pour me raconter de nouveau le conte que je vais lui dire. Notre violoniste Pagianni aura beaucoup fait sonner ce matin. Il  me le dit avec ses mots à lui, d'abord peu confiant puis de bout en bout ...je précise les deux éléments qui manquent et je le félicite .

 Nous passons ensuite au petit prince, je commence à lire, après  les deux premiers chapitres,  je surprend son regard qui essai de suivre sur la page. Je l' avais déjà surpris la semaine précédente tenter de déchiffrer les commentaires d'une photo, il cachait alors d'une main son doigt qui suivait les lignes.

 Je réajuste le livre pour qu'il puisse lire. Ses yeux sur le livre accompagnent le défilé de mes mots.
Il est très attentif malgré les querelles ,des micro-chiens batailleurs, qui ont élu domicile sous la table. Il rit devant l' étrangeté du petit prince et de cet aviateur coincé à mille milles de toutes terres habitées.

Ensuite je lui demande de prendre une feuille pour dessiner le profil et la face d'un visage à réaliser en mousse par la suite . C est la première étapes du protocole que j ai appris en taille de pierre (Ébauche/Demi Finition/Finition.) L'air de rien, je profite de rendre la bouilloire aux dames qui prennent le soleil en parlant toujours de leurs hommes pour les inviter à venir. Elle me répondent peut- être. La maman de « Michaël » s'approche auprès de son fils qui me demande des précisions sur le profil, la forme de profil qu'il pourrait esquisser.

 Trois femmes sont tout a coup à nos côtés, buvant un café, refusant les gâteaux sous prétexte de régime, toutes semblent au régime. L'influence des figurines filiformes de la publicité semblent ne pas connaître la barrière transculturelle pourtant si présente par ailleurs.

Ravie par leurs présences, je  raconte à mon nouvel auditoire la fleur qui chante:

Conte Tzigane

Il était une fois la reine des fleurs qui s'appelait la reine Luludi. Elle vivait sur une étoile filante aux milles et une couleur. Son étoile était un jardin merveilleux ou elle cultivait toute les fleurs de l'univers. A chaque fois que la reine Luludi passait à proximité d'une planète ou d'un astre ,elle y semait des graines pour faire naître la couleur et le parfum. Un jour son étoile passa à proximité de la terre, et elle fut charmée par le beau bleu qui la caractérisait..

Elle décida d'en faire la plus colorée de toutes les planètes et à l'aide du vent elle sema toutes sortes de fleurs : Jasmin, Rose, Lilas Ilang....

Alors qu'elle pensait avoir semé toutes les variétés, elle toucha sa fleur préférée celle qu'elle accrochait chaque jour dans ses cheveux et qui s'appelait la Luludi Givaldi. Une œuvre d'art, dont le parfum envoûtant égalait les couleurs et qui avait une particularité, elle chantait, d'un chant si pur qu'il rendait heureux ceux qui savait l' écouter. Elle l'a sema donc au chant de ses paroles:

" Tu donneras la joie a tous ceux que tu croiseras, je crois en toi petite luludi. Peuple de terre accueille mes protégées, elles sauront te charmer"

Et les fleurs qui chantent  poussèrent dans tous les coins de la terre. Les enfants furent les premier à les écouter, à danser, rire et sourire à leurs côtés. Les fleurs Luludi étaient heureuses et chantaient gaîment, chacune avait sa propre mélodie. Puis les oiseaux voulant accompagner les fleurs se mirent à siffler, migrant de fleur en fleur pour apprendre leur notes... En revanche le premier homme qui trouva une fleur Luludi dans son jardin dit "une fleur qui chante, ca n'est ni une fleur, ni un oiseaux, c'est anormal" et il arracha la fleur puis la jeta à terre et la piétina. Le second homme qui trouva une Luludi Givaldi dans son jardin dit :

« Pff qu'est ce que c'est que ça les fleurs ne sont pas faites pour chanter mais pour être belle et se taire »

des enfants qui passaient par là dire :

« Mais son chant est beau et il nous ravi le cœur"

et  l'homme répondit:
« Vous êtes jeunes et ignorants et cela ne vous regarde pas »                                                              et l' homme arracha la fleur. »

 Le troisième homme dit :
« Mais dans quelle langue chante t' elle, je ne comprend rien, elle doit se moquer de moi »

et un enfant répondit:
«  - Quand les oiseaux chantent tu ne les comprends pas et c'est quand même agréable
    -  Les oiseaux sont nés pour chanter, les fleurs pas »

Et il arracha la corolle et les pétales. Mais la fleur Luludi faisait malgré tout parler d'elle, les enseignes pharmaceutiques voulaient en faire un médicament et les firmes les arrachaient par brouettes pour les emmener dans des laboratoires loin du soleil et du vent pour les disséquer e les faire mourir implacablement. Quelque musiciens voulurent écrire leurs musiques, pour la jouer dans de grands opéras et devenir célèbres, ils mirent de nombreuses fleurs en cage pour les emmener au conservatoire. Mais loin du soleil et du vent, les fleurs n'avaient plus de voix , leurs chants si joyeux devenaient lamentations avant de s'éteindre tout à fait, laissant les fleurs sèches et sans vie. Enfin un linguiste décida de résoudre le problème en leur faisant apprendre sa propre langue, et lorsque les fleurs loin du vent et du soleil, coincées entre les murs du laboratoire de langues, mourantes,  cessèrent de chanter. Il dit :

 « Elles ont oublié leur langue, elles apprendront plus vite la mienne. »

Un berger qui savait écouter les fleurs vint à rencontrer le linguiste et lui dit qu'on ne pouvait traiter une créature vivante ainsi . Mais le linguiste alla annoncer sur les marchés publics que ce soir aurait lieu le dernier concert des fleurs luludi dans leur langue natale, qu'elles chanteraient dans la sienne dès le lendemain, faisant fit de l'avis du berger...

Le concert eut lieu et les Luludi Givaldi chantèrent leurs peurs de leurs petites voix déclinantes, le public fut ravi, il y eu même des rappels. hormis le berger qui les accompagnait à la flûte pour montrer sa compassion, personne ne compris leur souffrance.

Et bientôt toutes les femmes de la terre voulurent porter des Luludi Givaldi à leurs corsages , une mode était lançée.

La fleur Givaldi Luludi ne se trouvait plus au gré des plaines , il fallait soit aller chez le fleuriste où elle était un produit de luxe, soit très loin dans les montagnes reculéespour la rencontré ... Et les fleurs terrorisées et malheureuses se mirent à appeler la reine Luludi pour qu'elle les délivre de cette terrible planète, mais l' étoile filante de la reine était loin et la voix des Givaldi Luludi devenues si faibles. Heureusement le berger se mit à jouer cette air triste avec sa flûte nuit et jour et les oiseaux l'accompagnèrent. La reine finit par entendre l'appel de ses enfants et accouru:

" Vous n'avez pas réussi à rendre les gens heureux?"
" Oh non ! répondirent les fleurs.
 Ils ne nous acceptent que pour nous posséder, Nous voulons partir"

La reine:
" Je ne peux pas reprendre ce que j' ai semé , mais je vais vous donner une apparence humaine, ainsi les gens sauront que vous n'êtes pas si différentes et ils cesseront de vous faire du mal."

 Ainsi fût fait....

Les femmes autour de moi sont très attentives et « preneuses » de mon histoire. L'une dira notre vie ça n'est pas des fleurs... elle parlera vite fait de son mari...

Michaël  à cessé de dessiner, il a les deux mains posées pour cacher le dessin, je dis donc aux dames qui sont maintenant debout autour de lui que si elles veulent s'asseoir et « faire », elles le peuvent mais qu'elles sont en train d'intimider mon participant  une lueur d'hésitation un instant:

 -Vous ne faites pas les fleurs?
-Et non...

Elle filent comme le vent en me demandant à quel moment je compte revenir, peut-être alors, me laissent-elles entendre, auront-elles le temps.Michaël a désormais les deux dessins. Je lui demande de les refaire sur les deux côtés du cube de mousse.

A mon étonnement et tandis qu'il est midi moins le quart, un tandem de choc apparaît; Deux petits gars , coqs méfiants mais qui n'arrivent pas à cacher leur curiosité ils se présentent: Silvester Stallone et Brad Pitt je garderai ces noms dans mes comptes-rendus. Quand je leurs demande comment ils vont, ils répondent : « ça pourrait être mieux mais on fait aller. »

J' apprendrais plus tard qu'une mairie refuse de scolariser l' un d entre eux, bonne élève et dans la même école depuis 4 ans..

Ils parlent de l' emploi de leur père respectif et  dont ils ont hérité, mais le boulot se fait rare...
Des discours de grand garçons qui portent déjà le monde sur leurs épaules. Des vies dont on tient certainement à l'écart les enfants des « Gadgé. » Michaël commence à découper la mousse, il me fait un profil en deux dimensions, ma consigne n'était pas claire ,je la rectifie et il se remet au travail. Pendant ce temps le violoniste  Pagianni ressort son violon pour les deux garçons et bien qu'ils ne me regardent pas dans les yeux quand je parle du violon qui adoucit tout le monde même les plus dur des cœurs, les deux disent qu'ils aimeraient voir un membre en particulier de leur famille venir  l' écouter. Je les mets au dessin, bien que le temps sois compté et l' atelier bientôt fini. Ils m' aideront tout les trois à ranger sans rechigner.

Je n'ai pas le temps de nettoyer le thermos et le filtre qu'ils ont récupérés, la dame avait peur malgré tout que je ne le lui  rende pas. J'ai honte , honte de ne pas lui rendre, propre,  honte de n'avoir pas eu le temps de faire amende honorable de sa gentillesse, je lui apporte la fin des biscuits pour la remercier, elle les accepte.

Enfin une femme est passé avec sa fille  je crois pour la nourriture bien plus que  pour  l'échange, elle a demandé des gâteaux deux fois, je ne l'ai pas sentie à l'aise et surtout affamée, un brin honteuse. Je ne sais pas.

De beaux échanges humains ce matins quoi qu'il en soit..

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