Rencontre inattendue

Les touches de mon clavier en tremble, et des larmes secrètes d'une émotion toujours présente me montent aux yeux pendant que je cherche à vous décrire cette inoubliable rencontre.

Elle, oui Elle, belle chose regrettable d'une journée trop vite écoulée… s'avance, balançant tout en grâce son torse si mince sur ses hanches lianes, entraînant par la-même de longues jambes gainées d'un jean agréablement coupé. Son pull d'un rose clair, tranche vivement sur les ténèbres de ses longs cheveux et de sa peau ambrée, et moule exactement son dos creux et sa gorge que l'on devine fragile. Sa chevelure, presque de nuit profonde, ennoblie son port de tête gracieux et lui donne un air triomphant ; une crinière aromatique de tendresse à la fois mer d'ébène, et dont la houle m'enlèverait à la raison. Son pied, pareil aux pieds des déesses de marbre que l'Europe enferme dans ses musées, imprime fidèlement sa forme sur une chaussure hauts-talon haute en couleur. Elle, est si prodigieusement sensuelle, que le plaisir d'être admirée l'emporte chez elle sur l'orgueil de le savoir. Elle s'avance ainsi, harmonieusement, heureuse de vivre et souriant d'un blanc sourire, comme si elle apercevait au loin dans l'espace d'un miroir reflétant, sa démarche et sa beauté. A l'heure où les chiens eux-mêmes gémissent de douleur sous ce charme sauvage qui les mord soudain, quel puissant motif fait donc aller ainsi cette reine enfantée par le soleil, belle et froide comme le bronze ?

Mon attirance pour la peinture me pousse à regarder attentivement les paysages, les visages et les physionomies qui s'offrent sur ma route, et vous savez quel plaisir nous tirons de cette faculté qui rend à nos yeux la vie plus vivante et plus significative que pour les autres hommes. Alors, je brûle de peindre celle qui m'est apparue si soudainement et qui a fui si vite. Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante. Tout ce qu'elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux étoiles noires où scintille le mystère, et son regard illumine comme l'éclair : c'est une explosion dans les ténèbres ! Je la comparerais à un soleil noir, si l'on peut concevoir qu'un astre noir puisse verser la lumière et le bonheur. Mais, en fait, elle me fait plus penser volontiers à la lune qui sans doute l'a marquée de son influence. Non pas à la lune idyllique, blanche et pure, mais à la lune sinistre et envoutante suspendue telle une goutte figée au fond d'une nuit orageuse. Non pas à la lune paisible et silencieuse qui materne de tendresse le sommeil des âmes pures, mais à la lune déchirée et survoltée qui descend moelleusement ses escaliers de nuages sombres, et que les sorcières implorent de leurs incantations diaboliques.

Derrière son joli front, on l'imagine habitée d'une ténacité infatigable, d'une volonté dévastatrice,  d'une générosité volcanique sans limite et sans égale. Cependant qu'au bas de son visage éclate avec une grâce inexplicable le sourire d'une grande bouche rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d'une superbe fleur éclose dans un champ brûlé que les parfums ont définitivement déserté.  

 Il y a des femmes qui aspirent l'envie de les conquérir ; mais Elle… me donne le désir de mourir lentement sous son regard.