" Réparations en cours..."
gautier
Quand on est un homme, il y a plusieurs façons d'appréhender le pas triste spectacle de deux femmes qui viennent de vous faire une scène, pour un rien, à peine 12 euros et ceci pendant plus d'une heure! Tout abord on reste assis, on écoute et surtout on se tait... car pour une fois, il n'y a pas d'interaction avec le public! Heureusement pour les hommes! Finalement à y réfléchir c'est tout l'avantage du ton théâtral, il impose, dispose du spectateur pendant plus une heure, ce qui permet de délivrer certaines vérités féroces sans en avoir l'air, de rappeler avec une ironie non dénuée d'humour quelques faits et chiffres simples. Ceux de l'évolution extrêmement lente et fragile de l'égalité homme-femme, celle de l'hypocrisie des quotas détournés, des statistiques mal interprétées. Dans le triptyque travail-famille-matrie, c'est à dire l'accès au marché du travail, le partage des tâches ménagères et les violences conjugales et extra conjugales, tout semble encore en chantier ou pire à recommencer ! Constat accablant qui pourrait faire passer le mouvement féministe pour une douce utopie ou pire une idée en panne, définitivement à l'arrêt! Réparations d'urgence à prévoir, mais il paraît que c'est en cours... depuis plus de 40 ans
Voilà pourquoi dès le début du spectacle quelques rappels historiques s'imposent, comme la plaidoirie de Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny en 72, pour une faiseuses d'ange et de ses clientes de pure nécessité, la dépénalisation de l'avortement n'ayant été votée qu'en 1975. Et dire qu'aujourd'hui on trouve encore des personnes regrettant le bon temps d'avant 75, ce mauvais temps pour beaucoup d'entre elles, celui de l'absence d'un filet de protection en cas d'échec d'une contraception, qu'il aura fallu elle-aussi défendre bec et ongles vernis afin de séparer sexualité et procréation, vieux principe Judéo crétin!
Mais ces “réparations en cours", ces piqûres de rappels rappelant aux jeunes générations l'importance d'un Féminisme que certains ou certaines détricotent religieusement sont accompagnées d'une autre "préparation en cours". Celle d'une ratatouille épluchée découpée et cuite sous vos yeux par une femme aux fourneaux, vous pourrez d'ailleurs y goûter après le spectacle, par contre défense de critiquer! Vous voyiez même au théâtre, on n'échappe pas à la caricature ménagère, ni à la double peine féminine.
Dans cette pièce, les deux actrices Fanny Atlan et Corinne Merle cultivent avec passion les rôles tour à tour d'avocates, de féministes engagées, de psy, véritables théoriciens machistes et de leurs patientes, victimes à l'intérieur de leur corps et parfois de leur maison, avant de devenir peut-être un jour victime à l'extérieur. Une femme qui voudrait sortir de ce statut d'être fragile, vous savez la petite chose qui cherche l'épaule protectrice d'un mari, ne serait-elle réduite au statut de proie animale pour des hommes plus chasseurs que sapiens deux fois. La question se pose cruellement également pour les autres hommes, les cueilleurs et effeuilleurs de marguerites, car cette nouvelle pression subie quotidiennement est une véritable régression contemporaine, qui empoissonne non seulement ce beau projet d'égalité de droit, de fraternité dans l'éducation et de liberté de disposer de son corps. Mais cela met également en danger, la notion même de mixité, essentielle à l'épanouissement de notre société.
Alors un conseil, au théâtre comme dans la vie, avant de sortir couvert, révisez vos classiques, même s'ils ne datent que de 1975!
Thierry Gautier (copyright SACD Avignon OFF 2015)