Résilience

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Quand est ce qu'on sait qu'on doit lâcher ? A quel moment on le fait ?

Quand est ce qu'on sait qu'on doit lâcher ? A quel moment on le fait ?

Quand on s'accroche de toutes nos forces... Souvent pas pour nous mais pour le bien être de ce à quoi on tient.

Quand on est au bord du précipice et qu'on tient cette corde pour qu'il ne chute pas ! Sans penser une seule seconde qu'on puisse sombrer à notre tour.

On s'abîme. On saigne. On souffre.

Mais on tient bon....


J'en ai tenu des cordes. Tellement qu'elles sont impossibles à compter. Des objectifs, des projets, des rêves, des personnes...

Des liens merveilleux qui m'ont élevé plus haut que je n'aurais jamais imaginé ! Et d'autres moins…

Mais autant que je m'en souvienne je n'ai jamais réussi à en lâcher une seule.

Non. Je me suis vue traînée par terre sur des mètres mais je n'en ai jamais lâché... Pas une seule !

Autant que je m'en souvienne, il aura toujours fallu que ce soit l'autre côté de la corde qui soit coupée pour je n'y sois plus reliée.

Quand j'y pense...

Je suis incapable de lâcher une corde tandis que d'autres arrivent à les couper alors même que quelqu'un y était accroché.

De toutes ses forces. Allongé à même le sol.

Abîmé. Fatigué. Les mains en sang, cisaillées...

Comme si sa vie en dépendait.

Refusant de voir la chute qui l'attendait.

Il aura toujours fallu qu'on m'abandonne, d'un coup sec, d'une lame bien aiguisée, tranchant tous les cordons auquel j'étais attachée.

Et ça n'était pas moins douloureux !


Mais je suis, de toute évidence, incapable de lâcher prise...

Il faut un courage et un sang-froid incroyable pour admettre que malgré tout ce qu'on a tenté jusqu'ici ça n'a pas marché.

Et qu'on ne peut plus rien y faire.

Et après quoi ?

On se retrouve au bord du gouffre. Seule.

Les bras ballants. Vide…

Est ce qu'on y réfléchit avant de lâcher ?

Est ce qu'on ferme les yeux pour ne pas le voir chuter ?

Ou est ce qu'on lâche parce qu'on a plus de force, qu'on est à bout et qu'on ne tient plus tout simplement….

Et quand on est indestructible comment on fait ?

Mon cerveau n'y arrive pas.

Il cherche désespérément des solutions pour nous emmener, mon cœur, mon corps et lui, là où nous devrions être. Là où il avait prévu que nous soyons.

Il lutte. Il s'évertue. Il s'épuise. Il se perd.

Parce qu'il sait que mon cœur ne le supportera pas. Il se brisera en mille morceaux à la moindre partie qu'on lui enlèvera.

Parce que c'est ça le vide !

Des personnes sorties de nos vies, parties trop tôt, ou trop loin, à l'opposé.

Des projets tombés à l'eau, des espoirs évaporés, oubliés. Un futur impossible.

Des bouts de cœur en moins... Avalés par ce vide dans lequel tout disparaît.


Alors mes mains obéissent. S'agrippent et se figent.

Saignent et brûlent vives par la douleur de cette corde qui leur échappe.

Et mon corps s'abîme tant qu'il arrive à tenir debout.

A genoux.

A terre.

Il tient quand même.

Tant qu'un battement de ce qu'il protège autant y résonne encore.

Alors je tiens bon. Parce que le plus dur, est définitivement de lâcher prise...

Quand est ce qu'on sait qu'on doit renoncer ?

Est ce qu'on souffle un bout coup juste avant ?

Et une fois qu'on lâche est ce qu'on peut rattraper la corde qui nous file entre les mains ?

Ou c'est trop tard ?

Tu as résisté pendant tout ce temps et en une seconde de repos tu perds tout ?

Et est-ce que c'est réellement une perte si c'était si lourd, si ça faisait si mal ?

Est ce qu'on se sent plus légère après ? Seule, au bord du gouffre…

Il en faut du courage pour se résigner. Bien plus que je n'en ai.

Pour accepter qu'on ne décide pas de tout.

Qu'on ne peut pas tout le temps y arriver.

Que parfois, tout simplement, on n'y arrive pas...


Il en faut de la force pour lâcher prise ! Et moi j'en suis incapable...

Je ne suis pas de celles qui vivent en résilientes.

Je n'accepte pas le traumatisme et je ne me construis pas autour de lui.

Je ne tolère pas les déceptions, les abandons, les échecs !

Et j'ai peur du vide ! Que je comble avec toutes sortes d'aventures, de projets, d'histoires drôles.

Je comble tout ce vide en moi afin que mes cris n'y trouvent jamais un écho qui puissent me revenir.

Parce que je crie.

Un bon coup !

Je hurle tout le mal, toutes les erreurs, toute la colère, une bonne fois pour toute ! Ou plusieurs fois. Certaines douleurs sont trop tenaces.

Je les jette le plus loin possible de toutes mes tripes.

Et je fais en sorte que jamais elles ne me reviennent en écho, en souvenir, en cicatrice…

Je les balance dans les profondeurs de cet abysse dans lequel tout disparait.


La résilience c'est la capacité de se remettre d'un échec.

Et moi je ne m'en remettrais pas…

La vérité c'est que je suis trop fragile pour me permettre de l'être. Alors je ne le suis pas.

Non. Je suis en colère, en quête, en conquête.

En recherche, en dérision, souvent de moi-même. Je suis sarcastique, stupéfaite, sidérée.

Drôle, vivante, piquante, fatiguée, dégoûtée. Optimiste, dépitée, changeante, combative.

Lasse, téméraire, rêveuse et terre à terre.

Je suis presque toutes les émotions et leurs contraires !

Mais jamais fragile...


Parce que mon cœur n'y survivrait pas.

Il s'est construit une solide armure tout autour pour que jamais on ne l'atteigne.

Et je ne me brise pas.

Je n'accepte pas d'être blessée, d'avoir une fissure, une ouverture...

Parce qu'il en suffit de peu pour qu'il finisse à découvert.


Je suis même l'inverse : "une anti-fragile". C'est la capacité de se renforcer par les épreuves.

Plus que ça même ; de les utiliser pour devenir meilleure !Et ça sonne plutôt juste...

J'affronte les difficultés, je ne les contourne pas, je leur fonce dedans de pleine face et je les défie à coups de massue jusqu'à ce que le passage soit libre.

Je me nourris du chaos quand il se met sur ma route, car il comble ce vide que je suis incapable de regarder en face...


Comme je les envie ces personnes capables de s'assoir au bord de leur gouffre, observer ce trou noir immense laissé par la vie et résister à l'appel de s'y effondrer tout entières...

Rester simplement là, où il n'y a plus rien. Y pleurer peut-être, y pleurer sûrement…

Et recevoir les retours de cette peine qui ne peut que leur revenir en échos.

Et l'accepter, la dompter, réussir à vivre avec.

Et continuer de marcher sur leur chemin au bord du précipice. Et avancer en équilibre.


Aujourd'hui il serait temps.

Peut-être que j'ai affronté trop d'épreuves ces derniers mois. Trop de déménagements, de changements, trop de souffrances, de solitudes.

Trop de froid, de colère, trop de doutes, d'injustice, de peine, d'aurevoir.

Trop de trahison, de portes fermées, claquées au nez !

De couteaux plantés dans le dos, ou en plein cœur !

Trop de pertes, de déceptions.

Peut-être que le chaos m'a eue finalement...


Et que je n'ai plus suffisamment de force pour tenir cette corde devenue trop lourde.

Peut-être que je ne fais pas le poids cette fois.

Et que le vide s'approche trop dangereusement.


Peut-être que j'ai trop de personnes à garder derrière moi sur la rive...

Et qu'il est grand temps de prendre soin de mes mains et des miens...

Et puis quand on a une vie si joliment remplie, un peu de profondeur, ne pourra que la mettre en relief.

Et qui sait... Peut-être que mon cœur aura une force insoupçonnée.

Peut-être que j'arriverais moi aussi à contempler mon abime et être certaine que la vie l'ait créé pour le remplir de meilleur…

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