Resquiescat in pace
arkhaam
Ce matin j'ai ouvert les yeux et mon corps tout entier s'est déchiré, je me suis senti comme écartelé par le cinglant d'une douleur épouvantable. Hier soir, je me suis couché la peur au ventre parce qu'après avoir arpenté les rues les plus glauques de ma ville, après avoir épuisé mon stock de numéros interdits, j'ai du me rendre à l'évidence; personne n'allait pouvoir me dépanner. Bien sur j'ai attendu le plus longtemps possible pour m'envoyer ma dernière dose, ce qui fut malgré tout stupide car si je m'étais un peu forcé, je me serais bombardé de somnifères et je l'aurais gardée pour mon réveil. Je savais que ça allait être brutal, ce n'était pas la première fois que j'avais à me réveiller en manque mais, voyez-vous, on ne s'habitue jamais. C'est pour ça que je me suis couché les larmes aux yeux, en plein effroi avec rien d'autre en tête que mon réveil prochain. Le manque, voila une douleur qu'il est bien difficile de décrire, je ne peux m'empêcher de penser que cela doit être proche de la torture, on avoue même ce que l'on ignore. Moi, ce matin, j'aurais bien vendu n'importe qui pour que ça s'arrête. Quand j'ai ouvert les yeux, je me suis tout de suite mis à trembler, les draps étaient trempés et me collaient à la peau et plus je remuais, plus ils collaient. J'avais froid, je me suis mis en boule, les genoux remontés contre ma poitrine et encerclés par mes bras et j'ai compressé, je voulais que ça fasse mal. Mais cela ne changeait rien, il y avait ce froid, aiguisé, tranchant qui me lacérait méthodiquement alors, même, que la pièce était surchauffée. J'ai rampé hors du lit et, tout de suite, mon estomac s'est retourné, j'ai rapidement atteint les chiottes où les premiers soubresauts ont commencé à me tordre le bide, vomir, vomir encore jusqu'à ce que plus rien ne sorte mais continuer à cracher de l'air, brûlant, acide, qu'y a t'il de plus douloureux? J'ai frappé mon ventre, je pensais tout remettre en place mais ça n'a conduit qu'à de nouveaux hoquets, plus fort ceux là. Je me suis mis à chialer, comme un môme oublié sur un parking, la douleur grimpait en intensité mais après de longues minutes de souffrance, n'ayant plus recraché que quelques postillons malodorants, cela s'est calmé. Je me suis adossé au mur, ma tête me faisait mal, un étau invisible me pesait sur les tempes, j'ai crié, crié encore, les larmes se mélangeaient à la bave que mes lèvres ne pouvaient retenir et d'un violent mouvement arrière, j'ai cogné mon crâne contre le mur, pour me détourner de cette douleur, par tous les moyens. Alors je me suis levé, je voulais être le plus fort, j'ai rempli un verre de Vodka et je l'ai descendu d'une façon qui aurait surpris Jack London. La douce chaleur de l'alcool se glissant jusqu'à mon estomac m'a apaisé quelques secondes. Curieusement il y avait cette odeur de citron brûlé, douce, délicate, entêtante, je ne pouvais m'en défaire, c'était la merde, vraiment la merde. Je suis passé à la cuisine où j'ai retourné la poubelle et au milieu d'une semaine de déchets, j'ai fouillé à la recherche de quelques cotons solitaires que j'aurais pu presser mais, je le savais, c'était peine perdue, j'avais déjà du m'acharner dessus une bonne demi-douzaine de fois, c'était pathétique, j'étais pathétique, j'ai eu raison de virer tous les miroirs de chez moi, comment aurais-je pu supporter mon image?? Abattu je me suis allongé sur le sol, le carrelage froid contre mon ventre, la tête dans les bras, je ne pouvais plus retenir mes larmes, je me haïssais comme jamais, alors j'ai recommencé et cette fois c'est mon front que j'ai balancé, sur le sol bien dur et le coup fut si violent que j'ai cru m'évanouir. Je ne voyais plus rien que quelques tâches blanchâtres qui gesticulaient devant moi, me narguant de leurs formes insensées. De l'acide coulait dans mes veines, tous mes muscles se consumaient et des milliers d'aiguilles diaboliques piquaient ma peau de l'intérieur, pour sortir de mon pauvre corps. Est-ce que je perds la tête? Mes jambes tremblent sans que je puisse rien y faire, j'essaie de me lever mais je suis encore sonné et je tombe à la renverse. Mes mains sur le visage, je cache toute ma honte, toute ma peine et je finis par prier, moi, oui je prie encore et encore pour si peu, pour quelques instants de calme, de silence, pour que quelques secondes, quelques secondes seulement je puisse reposer en paix.
Merci à vous deux...
· Il y a plus de 12 ans ·arkhaam
J'ai lu, qu'est-ce que je peux dire ? C'est bien écrit, c'est bien décrit ? Alors je le dis.
· Il y a plus de 12 ans ·C'est hard à lire comme toutes les tortures bien disséquantes et bien auscultées.
eaven