Rester sur sa fin

Protos

 "Et ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants..."

 C'est tout de même incroyable à quel point l'Homme réclame à cor et à cris une fin tangible et définitive en fiction mais refuse catégoriquement la sienne propre.

 Ou toute autre fin bien réelle du moins.

 Vous souvenez vous de l'intense envie qui vous a forcément pris un jour, alors que totalement plongé dans votre film/série/ce que vous voulez ayant un scénario, la douloureuse inscription "A suivre" s'est affichée à l'écran ?

 Cette envie, mélangeant celle d'un imminent suicide avec celle de détruire l'objet de votre frustration avec les moyens du bord, à savoir votre chaise, votre lampe, vos mains, vos dents ou autres...

 Elle est la réaction classique de l'Homme face à la fin qui lui échappe. 

 Et pourtant, à part pour une fiction, rares sont ceux qui considèrent la case "Fin" comme une évidence, aussi fatale que totalement inévitable.

 Il est pourtant bien étrange, arrivé au niveau de connaissance auquel nous sommes actuellement, de ne pas considérer la finalité intrinsèque à toute chose comme une évidence.

 Si même une étoile peut mourir, que dire d'autre ?

 Mais il y en a qui s'acharnent. 

 Et qui le font savoir, clamant que l'immortel existe, en amour comme en amitié, sur cette Terre ou ailleurs, qui n'ont pas compris qu'un jour ou l'autre leur belle éternité leur claquera la porte au nez violemment en leur montrant gentiment que de l'autre côté du miroir il n'y a rien, que dalle !

 Et le pire c'est qu'ils ne comprendront même pas leur erreur, je vous laisse deviner pourquoi.

 Il y en a aussi qui croient en une fin mais pas en la leur; ceux-là sont les plus fréquents.

 Ils sermonnent leurs contemporains en insistant lourdement sur le caractère fini de la vie mais le jour où, le moment venu, ils se trouvent un pied dans le vide, l'autre sur une peau de banane, la vérité leur saute au visage, ce sont eux qui vont crier "Injustice !".

 Car toute leur vie, ils ont lancés autour d'eux des répliques fades et creuses, éternelles refontes du "Carpe Diem" d'Horace, qui aurait mieux fait de l'écrire d'une manière moins accessible, que de permettre à des millions d'abrutis de se rassurer et de légitimer leurs idéaux répugnants par une phrase toute faite dont ils ne comprendront jamais le sens, tout perchés qu'ils sont, là-haut sur leur connerie.  Aficionados du "YOLO" je ne m'adresse pas à vous, persuadé que vous ne fréquentez pas les sites de bon aloi mais je pense à vous et à quel point vous serez surpris un jour ou l'autre de voir comme en fait, la vie est creuse quand on court après du vide.

 Enfin, il y a ceux qui acceptent et qui ont décidés en connaissance de cause qu'ils n'en avaient rien à foutre.

 Conscients de la fragilité d'un système basé sur l'humain, finalement étalon assez peu fiable de ce que peut être la vie sur Terre, ils respectent certaines règles de bon sens édictées dans un moment de lucidité trop court, envoient chier les autres, la plupart en fait, celles qui tendent à réduire une vaste étendue à un chemin bien droit.

 En quoi une barrière peut-elle nous arrêter si de toutes manières elle est vouée à disparaître, elle, ainsi que ce qu'elle garde et ceux qui l'ont construit ?

 Prenez conscience du fait que rien n'est immuable et par conséquence que rien ne peut être obstacle. 

 Quand vous en serez capable, vous verrez alors le monde comme il est, comme une grande aire de jeu.

 Alors profitez, profitez, avant que la fin de la récréation ne sonne...

 

  • Un monde sans fin ? Eternel débat puisque sans fin !

    · Il y a presque 9 ans ·
    479860267

    erge

    • Pas sûr, on aura 8min30 pour clore le débat lorsque le soleil s'éteindra !

      · Il y a presque 9 ans ·
      Images

      Protos

  • Intéressant aussi ce texte. Je me sens toute bizarre, car j'adore quand c'est écrit "à suivre" ! Il m'arrive même de lire une saga complète de plusieurs tomes et de ne pas lire le dernier ! JE hais la fin, pas parce qu'elle peut être bonne ou mauvaise ! Mais, parce que c'est alors la limite.

    Votre déclinaison du "carpe diem" est intéressante : le rejeter, mais y céder en même temps...
    Oui, très intéressant tout ceci. J'attends vos prochains textes avec impatience !

    · Il y a presque 9 ans ·
    Couv2

    veroniquethery

    • Intéressant ça...
      On pourrait y voir un genre de syndrome de l'écrivain qui ne supporterai pas la fin, qui le coupe dans son élan...
      J'y réfléchirai, merci pour cette piste
      Et merci pour les compliments évidemment !

      · Il y a presque 9 ans ·
      Images

      Protos

Signaler ce texte