Retour à l'envoyeur
Cléa Mosaïque
*
Bon alors c'était très simple.
On m'avait comme tout le monde dit qu'il fallait remplir son entonnoir. Cette belle forme qui reçoit en quantité et qui resserre les pensées, qui les simplifie pour en tirer ses buts et objectifs essentiels. Qui amène la logique, la norme les connaissances et les convictions placardées. Alors je me suis appliqué à avoir ce propos organisé, trié, rapetissé...
À avoir.
Cet entonnoir.
Pour rêver à la belle voiture,
Et la tour dans un château,
La gamine sage et même les poneys autour, dans un grand champ.
Attend, il fallait suivre le chemin.
Pour avoir l'attention aussi, le respect et l'écoute, il fallait s'imposer et avoir. Trop tôt, trop tard? Avoir la montre réglée à l'heure du train en marche, surtout.
Alors j'ai eu des bonnes notes tant bien que mal, des idées triées aussi, et recentrées, sans risque.
*
Et ce qui devait m'arrivé, arriva...
Mon entonnoir trop tordu s'est percé. De l'intérieur, c'était une explosion en plein vol. Ou était-elle d'une matière étrange, un peu folle, pas prévue dans le programme.
Et là c'était un peu plus compliqué.
On m'avait pas dit qu'en dehors des murs, il y avait aussi et surtout une panoplie de nuances. D'autres manèges plus colorés.
Le verbe "avoir" qu'on m'avait brandit partout comme la seule consigne applicable, engluée d'angoisses, s'est frotté et limé contre un autre verbe .
C'est comme ça que mon outil l'entonnoir s'est retourné, non pas vidé mais inversé. C'était par le détail désormais qu'allaient pousser de grandes choses.
Être. Voilà la morale que pour la première fois j'avais compris, sans leçon appliquée dans un cahier.
Être. Soi même. La belle affaire.
Résumons.
Une amoureuse de la lumière disons, et de l'improbable. Des gens aussi. Des petits, des grands, des nouveaux êtres. Être seule. Etre en interaction. Choisir de l'être. Etre là où personne ne se trouve, où personne ne t'attend. En décalage, en admiration. En pleurs. En éclats de rires. Perdue. Etre au milieu de couleurs imprenables, de bruits, de musique, et de sentir aussi. Etre et ressentir.
Etre intérieur.
Etre en bouillonnement, en ébauche, barbotant dans des idées autant dangereuses que construites, par moi même, nourrie des histoires des autres. Un peu quand même.
La course à la montre prenait enfin une autre odeur, celle de l'à côté, du voulu, de la valise matinale, de l'énergie des inconnus, des chemins après la bataille
Le silence et les décibels, juste assez pour s'entendre réfléchir.
Remettre le monde en question
Avec Ta si petite âme dans le bazar
Comme celle de milliers d'autres qui fouillent dans le noir,
Se baigner de l'éphémère et de manger de précieux conseils à la volée
Sans rien demander,
Attiser son regard et savourer les déclics.