REURTI

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-Moi j’suis assis là, les mains menottées derrière le dos pendant qu’le keuf est posé en face de moi sur son bureau d’suceur. Il m’regarde vénère, ça se voit qu’il en a ras l’cul  et il m’fait « bon, j’veux son nom. C’est dans ton intérêt de m’le dire, si tu coopères on en tiendra compte. Et avec le casier pourave que t’as, c’est mieux pour toi de m’dire qui était avec toi ». Là, je tire une gueule dépitée et je baisse les yeux. Le cops se dit que c’est bon, que j’vais poucave comme une pute, puis je relève la tête et lui sors « c’est bon, j’vais vous dire avec qui j’étais. J’étais avec votre daronne au bois d’boubou… ». Là, il me fout une claque mon frère, laisse-tomber ! Et moi, j’lui fous l’seum, j’golri comme une hyène. Le chmiton, il a pété un boulon. Trop des barres !

Morback est mort de rire. Il kiffe les histoires comme ça. Lui aussi, il aime se foutre de la gueule des dèks. Je me rappelle d’une fois en GAV, pendant la fouille, où le condé matait son trou de balle et que mon soce lui avait pété dessus. Des barres, ça fouettait le calendos dans tout le poulailler ! Morback me gratte une garette :

-Cimer. Il était comment ton keuf ?

-Normal. Un gros lard avec une tête de faf.

-Avec des lunettes ?

-Ouais, c’est lui.

-Ah ouais, carrément qu’j’vois qui c’est ! J’l’ai rendu ouf moi aussi. J’me souviens, avec sa grosse voix, quand il m’faisait une vielle leçon d’morale : « Vous les reurtis, votre problème c’est qu’vous êtes des lâches. J’ai vu pas mal de vraies racailles et des braqueurs, mais même ça vous n’êtes pas capables. Vous allez choisir quelqu’un de vulnérable et vous allez, par derrière, foncer pour lui tirer son sac et déguerpir comme des pétochards ».

Morback l’imite tellement bien que je golri comme un taré. C’est énorme ! Les gens nous regardent tripper, avec leurs gueules de cons. Il y a beaucoup de monde dans le centre commercial. Tu me diras, normal pour un samedi aprèm. Abdé, le mec de la sécu, nous repère et ramène sa gueule. Il se plante devant Morback avec son costard rouge et pointe du doigt sa garo :

-Eteins ta cigarette ou va fumer à l’extérieur !

Morback tire trois grosses taffes :

-Attends, c’est bon, elle est finie t’façon…

Il lâche sa clope et l’écrase. Abdé se natchave en nous demandant de ne pas faire de conneries. De quoi il se mêle, ce renoi ? Aujourd’hui c’est la journée de la tire, demain celle du recèle et de la thune. C’est comme ça et pas autrement ! J’observe un peu le mouv autour de moi : les gens passent, repassent, se promènent d’une boutique à l’autre, les chiards hurlent devant le PALAIS DU JOUET et les soulards pichtravent chez Segafredo. Classique. Je finis par repérer une taspé avec un keus Vuitton à la main. Une bourge ! Je parie que son larfeuille est blindé de bifs.

Je montre la meuf à Morback, il me répond qu’il l’a déjà rodave. Une sentinelle, mon pote ! Je chouffe à gauche et à droite, pas un keuf ni un vigil. La voie est libre. Je vais me foutre en mode Usain Bolt, ils n’auront jamais vu une fusée pareille dans le centre. J’avance doucement vers la racli, furtif comme le roi des enfoirés, sans lâcher son sac du regard. C’est là qu’elle s’arrête pour taper la bise à des gars de la tèce. J’oublie. Mauvaise proie.

-Tu connais pas des gars qui cherchent un phonetel ? Me demande Morback.

-Ouais, y a moyen. Pourquoi ? Tu cherches à en bicrave ?

-Ouais, j’ai un bête de plan pour des portables pas chers. Si tu me trouves un acheteur, on fait 50-50.

-Ah carrément ? Vas-y, j’vais t’trouver ça. J’connais un type qui pourrait être intéressé.

On stoppe la discute. Une vieille sort de la FNAC avec un sac plastoc bien rempli. Les grands-mères, elles ont de la maille ! Je vais lui chourave ça vite-fait, bien fait. Je suis sur qu’elle a acheté un ordi, des jeux vidéos ou des trucs numériques. Elle est pour moi. Je ne réfléchis pas et fonce direct. Quand tu es un reurti, ce n’est jamais bon de trop réfléchir.

Je débarque derrière elle, agrippe le keus FNAC et tente de lui arracher des mains. Elle ne le lâche pas et se met à hurler dans le centre commercial :

-AU SECOURS ! AU SECOURS !

Mais lâche ça, sale conne ! Putain, elle a de la force pour une vielle, elle aurait dû céder ou se ramasser la gueule par terre. Bas les stecks, je lui calle une balayette. Elle se vautre salement, je tire le sac de toutes mes forces mais cette tarée continue de s’accrocher au cadeau du petit fils. Salope ! Je lui envois un direct dans la bouche, morback arrive à la rescousse et lui balance un penalty dans l’estomac. La vieille lâche son sac et gueule, la tronche ensanglantée.

 Je me natchave, Morback me suit. On fonce vers la sortie, on réussit à esquiver un daron qui essaye de nous bloquer le passage puis on passe la porte du centre. Du lourd ! On prend à droite et on s’enfonce dans la tèce. Zone libre. Avec Morback, on se cache dans le local à poubelle qui sert de planque à barrettes. On souffle deux minutes.

-Putain, quelle pute cette vielle ! Me fait le frolo.

-Ouais, c’est clair ! Grosse connasse ! Maintenant elle ira pas chialer à l’hosto. C’est ça, d’vouloir jouer les Mac Gyver ! Bien fait pour sa tronche !

J’ouvre le sac FNAC : deux encyclopédies. Putain, fait chier ! Ca ne se refourgue pas, des encyclopédies !

                                                      FIN

  • Merci Hervé pour le style. Tu as raison, on me dit souvent de faire un glossaire à mes nouvelles. C'est clair que ce serait plus compréhensible, mais quitte à me fermer à quelques lecteurs, je préfère faire ce choix plutôt que de perdre l'esprit de mes textes, qui ne sont nullement des textes à but pédagogique.

    · Il y a plus de 11 ans ·
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