Rêve, errance

absolu

J’n’aime pas l’endroit dans lequel je m’enferme, non, je n’aime pas être comme ça, sans rien dedans, le vide, le manque, pas d’envie, plus de peur, que l’ennui, l’attente d’on ne sait quoi, pourvu que ça nous fasse passer la nuit, clandestin sans lit.

En fait, c’est pas vide à l’intérieur, non, loin de là, au contraire, y a trop de choses, un bordel sans nom, pire qu’un millier de langages s’affrontant autour de Babel.

La douleur a une capitale, c’est Eluard qui l’a dit… Et moi je vous parle de cette couleur matinale, de ce ciel pas encore tout à fait azuré, de ce corps sans bleus apparents qui ne parvient plus à s’assumer, qui n’avance plus que par à-coups, qui se demande à qui est cette conscience, elle n’est pas à sa taille, il ne rentre plus dedans, elle a dû faillir avec l’âge.

Bon, jusque là je me suis toujours débrouillée, pour retomber sur mes genoux, c’est pas le pied, je sais que ça vous fait une belle jambe. J’en mettrais pas ma main à couper, mais j’pense que je vais encore dérouiller. Faut croire que j’ai pas bien verrouillé l’accès à mon secret… la défense m’a refusé son arche, Noé a vu la tempête venir et a mis les voiles. A sa place j’en aurais fait autant, en emportant le vent de la discorde de l’autre côté du désordre… Je suis sur la corde raide, et personne ne peut me venir en aide. C’est seul face à soi-même qu’on lit encore une fois la préface jamais écrite.

Balzac a bien réussi à faire un roman du chagrin qui lui collait à la peau, mais moi j’ai pas envie d’en faire mon pain quotidien, j’préfère manger mes tartines en lisant l’hebdo du coin, avec le café qui fume et le cerveau bien calé dans les derniers potins. Le bulletin météo qui sort du poste de radio n’est pas fameux, effectivement là-haut c’est pas radieux... Si j’vais pas au boulot, j’vais encore manger des radis, mais ça j’l’ai déjà dit. C’est pour quand le paradis sans préavis… dehors j’ai peur de me faire télescoper par les visions d’horreur consternant nos petits écrans devenus grands, dedans ça m’fait pleurer tellement c’est laid.

Le don de soi si vite repris, le son de ta voix presque oublié ; elle redevient froide ma vie, comme les nuits dans le désert, comme un jour glacé d’hiver… Même si y avait eu du soleil aujourd’hui, y avait personne pour cligner des yeux avec moi, il y a quelques nuages, mais personne pour me dire : « regarde, on dirait une licorne, celui-là ! »

Les pages du livre sont cornées d’avoir été autant maniées, au risque de perdre les manières de l’art. C’est bien joli de savoir tourner une phrase, c’est quand même mieux de rester en phase avec sa vie…

Enfin voilà, je crois que j’ai simplement besoin d’une bonne nuit de sommeil, ou d’aller respirer un autre air, ou les deux, si je veux renouveler mon vocabulaire et surtout mes idées. Demain je poursuivrai ma quête sans avoir l’air trop accablée, l’absolu préfère déposer ses larmes aux pieds de l’éternité, que de corrompre son âme par excès de réalité.

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