Rêves Babyloniens

luz-and-melancholy

Et j'ai crié,

Crié en vain

Que tu me reviennes,

J'ai contemplé tous les glaciers

Que la neige recouvre,

Et subi tous les vents

Que l'air marin retrouve

Au sommet de firmaments oubliés ;

 

J'ai vu mille sirènes,

Pleurer sur des rochers

Leurs larmes salées,

Et chanter

Des complaintes sans âge,

J'ai bravé les naufrages

Escaladé les villes sombres dont j'ai

Parcouru toutes les rues,

Et où lassé de te chercher

Je suis parti ;

 

Je me suis saigné

Aux jardins suspendus

De notre lointaine Babylone,

Et je me suis blessé

Sur chaque pierre de la tour de Babel

Dont tu as oublié le langage ;

J'ai vu de tristes Minotaures

Soupirer dans des labyrinthes

Où pendant des siècles sans fin

Je me suis perdu et ai oublié à jamais

Ce que c'était que d'être sage ;

 

Et maintenant, j'ai tant contemplé

Le plafond galactique

Obscur de tant d'atolls désolés,

Que je ne puis plus distinguer

Où commence le ciel

Et quand finit la mer ;

Ma Galatée, mon Orientale,

Sommes-nous donc condamnés

À nous regarder ainsi

Nous aussi,

Sans jamais nous fondre encore

Dans l'aérienne nébuleuse ?

 

Avons-nous à ce point

Nagé à contre-courant,

Et qu'avons-nous parcouru

Dans la brume et le vent,

Que n'aurais-je donné

Pour que le feu des volcans

N'ait pour jamais consumé 

La flamme flamboyante où s'échoue

L'Océan douloureux de ma tristesse ;

 

T'aurais-je emmenée dans mon léger

Vaisseau visiter le désert immense

De mes chatoyantes promesses,

Et aurais-tu aimé

Les astres antiques qui dansent

Dans les nuits polaires,

Embrasées d'ivresse,

Sur l'iceberg où flottent déjà tant de lamentations ;

 

Toi mon Désastre ô ma Pandore,

Est-il possible qu'après des millénaires

Assoiffé je te cherche encore

En tissant ton visage

Sur la toile erratique du temps,

Ah, te retrouverai-je, toi ma Pénélope !

Toi, mon indicible mythe

Qui rêve secret de naïades épiques ;

 

Je suis retourné à Babylone,

Et la Terre a cessé de tourner,

J'ai attendu un moment,

Parmi la verte immensité

D'une flore brodée d'émeraudes

Où tu étais cachée

Comme se cachent longtemps les fleurs idéales

Dans cette éternelle jungle

Où je ne trouverai que le Mal,

Et où mon amour n'a d'égal 

Que la punition cruelle

Que tu m'as infligée ;

 

J'ai contemplé un moment

Les sédiments d'une histoire passée

Et les sirènes ont hurlé une dernière fois

Tandis que je fermais enfin mes yeux,

Pénétrés de ta voix et

Fatigués de mirer

Le reflet d'un pauvre Narcisse qui t'aurait tout donné

Sans n'avoir rien, et pourtant, à t'offrir 

Que quelques voyages par-delà les contrées

Que quelques bruts hasards faits pour te rencontrer ;

 

Et maintenant, bien pauvre voyageur,

J'ai vaincu l'Espace et le Temps

Et j'ai dépensé tout mon argent

Dans l'espoir d'atteindre des illusions

Que nul homme jamais n'aura,

Je suis venu m'échouer là pour mourir

Dans des limbes de souffrances ;

Alors, que pourrais-je endurer encore

Que je n'aie déjà vécu

Lorsqu'auprès du Pacifique je pleure

L'infinité des fleuves

Qui composent mon ancestral chagrin

Et que je te retrouve olympienne, mon Orphée

Perdue dans des souvenirs

Où soupire la chimère de toute une vie

Pétrie de miel et de fiel

Et le ciel au milieu n'existe plus. 

Signaler ce texte