Rêveur éveillé

Jean Claude Blanc

après 600 textes sur ce site, constat désabusé que rien ne change; l'artiste doit continuer à titiller où ça fait mal, même s'il doit en subir les conséquences

                       Rêveur éveillé

 

Seul dans ma turne, flemmard, je rêve

Enseveli sous tas de bouquins

Avec mes peines, j'ai fait la trêve

Tracé une croix sur mon destin

Ne cassez pas, mes burnes de Sèvres

 

La soixantaine dépassée,

600 pamphlets à mon actif

Mes témoignages, sont le reflet

De ce que pensent les hypocrites

Ma soif d'écrire, jamais s'assèche

 

De mon boulot, dès lors en grève

Compte les points, pour ma retraite

Ma vie d'AS, enfin s'achève

Pris mes vacances à perpette

De me lever, déjà me crève

 

Prends tout mon temps, pour reluquer

Les trains qui passent, sur mes années

J'aime mes montagnes, baies de genièvres

Un avant-goût, d'éternité

Pour les balades, coure comme un lièvre

 

A la poubelle, ma télé

Car m'enfume, de tragédies

Parait, pas belle, la société

A ma manière, la reconstruit

Faites confiance, habile l'artiste

 

Imaginez, vert désert

Où il fait bon, de prendre l'air

Pas de touristes, que des biquettes

En liberté, sur les bruyères

J'attends encore, la fée clochette

 

Le philosophe, angoissé

Se désespère, de cogiter

A sa fenêtre, guette l'été

Au premier cri de l'alouette

Lui, à son tour, chante à tue-tête

 

Au fond de moi, toujours la fièvre

Sacraliser l'humanité

Le chevalier, pas un orfèvre

Car porte-plume, ou porte glaive

Son after-shave, est périmé

 

 

Je rêve d'un pays libertaire

Qui garde en lui, tous ses mystères

Miséreux, riches, plus en guerre

A la même table, solidaires

Echanges d'idées, levant leurs verres

 

Rêvasse la nuit sous les étoiles

Entre chiens et loups, s'étend le voile

Sur les douleurs, des laborieux

Tellement vannés, regagnent leur pieu

Mais avant tout, priant leur dieu

 

Songe aux souffrances, de mon enfance

Gosse émotif, plein d'innocence

Ado, adulte, manque de chance

Encore m'obsède l'espérance

Même aujourd'hui, suis en errance

 

De gamberger, pour une sirène

Pas le courage, j'ai trop la flemme

En mélangeant, l'amour, la haine

Je vous l'avoue c'est un dilemme

Horreur des couples, les mises en scène

 

Rêver permet, de s'évader

Plaisirs gratos, à consommer

Sans se presser trop la citrouille

Abstrait, givré, pas le montrer

On vous prendrait pour un arsouille

 

Pour nous extraire du présent

N'écoutons pas les boniments

C'est distrayant, les sentiments

Changent tout le temps, au fil des ans

Amant vaut mieux, que faux aimant

 

Je rêve, plane, dans mes nuages

En vérité, suis étourdi

Voyant jamais venir l'orage

Tant ma candeur, est infinie

Comme en témoigne mon récit

 

Les politiques des forts en gueules

De belles promesses, nous abreuvent

Car la télé réalité

Ce n'est qu'un show, pour les benêts

Des coups de poing, souvent feutrés

 

 

 

 

Ne fais confiance, qu'à mes amis

J'ai mon fan club, qui me bénit

Peut-être me manque, brin de bonheur

Terme générique, pour les prêcheurs

Qui pètent le feu à l'intérieur

 

Ma seule raison, pour exister

C'est m'occuper de mes enfants

Ne voudrais pas les désoler

Tailler la route, lâchement

Suis pas pressé pour le néant

 

Tiens-toi tranquille, souffle mon âme

Et c'est pourquoi, fous plus la rame

Les vas t'en guerre, peuvent s'entretuer

On leur élève des monuments

Je satirise, mais prudemment  

 

La haine, la hargne, la colère

Les ai exclues, de mon bréviaire

Si on m'insulte, je pisse au cul

Des commentaires, sous-entendus

Plus prise sur moi, les gros vulgaires

 

Foldingue, idiot, tendance à plaire

« Alors, comme ça, tu fais des vers »

S'étonne mégère, pas infirmière

N'ai pas la gueule, d'un grabataire

Ne pas répondre, je préfère

 

Je les salue maris, ceux qui n'ont pas de veine

C'est leur chemin de croix, de suivre leurs saintes mères

Eclopés, crucifiés, pour jouir, font carême

Horizon chrysanthèmes, un trou dans le cimetière

Alors que doux Jésus, au ciel, ils y croient ferme

 

N'ai pas cassé ma pipe, friand de son fumet

Calumet de ma paix, ça m'aide à penser

N'en fais pas un tabac, du bon et du mauvais

Pas prêt de s'endormir, le rêveur éveillé 

A perdu le sommeil, le vieux renard rusé

 

Tant que rugit le fauve, signe qu'il n'est pas mort

Mais en prenant de l'âge, il aime son confort

On déguste sa sagesse, qu'il ait raison ou tort

Si parfois, il déraille, on lui tient pas rancune

Raconte des histoires, mais sans aucune tune

 

 

 

 

Poursuivant mes études, par elle, poursuivi

J'ai été aux écoles, et j'en suis revenu

Malgré mes infortunes, le cerveau bien garni 

Mais trouver la sagesse, le chemin est pentu

Mes vers marchent à pieds, rimant avec vertu

 

Juste pour vous ébahir, et vous faire réfléchir

C'est en alexandrins, que j'arrive à mes fins

Il y a quelques longueurs, alors pas de soupire

Lisez-moi jusqu'au bout, comme des morts de faim

Peut-être que par miracle, la lumière va jaillir

 

Je rêve la journée, et cauchemarde mes nuits

A force de surrégime, s'enraille la machine

Peut-être suis pas normal, car la plupart des gens

Se font chier tout le jour, et s'endorment tranquilles

Remettant à demain, tous leurs emmerdements

 

Ayant horreur du bruit, dans l'obscur, je me terre

Les pas dans l'escalier, la chasse d'eau qu'on tire

Le moindre balbutiement, sont pour moi un calvaire

C'est pourquoi solitaire, suis inspiré d'écrire

Je suis un drôle d'artiste, mais pas facile à vivre

 

Où vais-je, où coure-je, que rêve-je, et dans quel état j'erre    

Pardonnez cette formule, un peu alambiquée

Quand je sais plus que dire, mon esprit prend la mer

Comme navire qui dérive, vraiment déboussolé

Ne suis plus maitre à bord, de mes propres pensées

 

Suis pas fan de fables, pourtant y trouvent quelque intérêt

La morale de l'histoire, est souvent dépassée

C'est le rythme qui me plait, les sons de la musique

Joueur de pipeau, La Fontaine, le premier

Du genre illusionniste, dépasse les limites

 

Merci pour son génie, intuition ironique

Même qu'en version moderne, j'ai repris ses mimiques

Faire parler les bêtes, une sacrée prouesse

Hommes ou animaux, tous de la même espèce

Instinctif langage, celui de nique fesse   

 

Seul dans ma turne, il se fait tard

N'ai plus le goût, de gribouiller

Même ma plume, n'a plus de dard

Car trop usée, sur mes feuillets

Vous en faites pas, vais l'aiguiser

Et revenir, vous en conter 

Demain, c'est sûr, nouveaux couplets

 

JC Blanc          avril 2014

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