Revivre_Part 1
uriko
22 août
Aujourd’hui est un autre jour. Je contemple, nauséeuse, la pisse de vache qu’on m’a servie dans ce café de gare miteux. Ça me dégoute. Je repousse la tasse, puis farfouille dans ma poche pour que cliquète sur la table bancale le dû aux géniteurs de ce liquide abjecte. Il est 23h02. Le train part à 23h04. Je le vois en gare. Je pousse la porte qui donne sur le quai et grimpe tandis que les portes se referment derrière moi. Je me dirige place 93C. Il n’y a personne à côté de moi. Je suis contente. Je contemple la nuit. J’aime le contact des rayons de la lune sur ma peau blafarde. Les ombres font presque oublier les marques de ma cruauté. Les étoiles guident ce train vide de la rédemption. Il n’y a pas beaucoup de candidats pour une nouvelle vie ce soir. Il est 23h58.
Dans moins de 2 minutes, je pourrai dire : « Hier, je suis morte. » A 20h37. Près du canal. De la picole. Des médocs et quelques lames de rasoirs souillées par mon âme. Une jolie lettre de suicide, pleine d’emphase et de mélodrame. Des fringues jetées pêle-mêle et mon iphone qui au fond ne m’a jamais vraiment servi. Juste une façade de plus. Pour faire genre.
23 août
Minuit 03. Hier, je suis morte. Aujourd’hui, je renais. Juste le temps de dormir un peu.
23 août (encore)
14h46. Je suis assise dans un bistrot. Notez la différence. Le breuvage est d’un beau noir ébène, luisant. Je m’y reflète. La table est marbrée et le lieu sent le croissant. Je n’ai pas de valise. Juste un sac. Dedans, il y a mon mp3, un pull rouge sang en grosse maille, un tailleur, un livre de Virginia Woolf, mon mini-asus et mon journal. Je suis partie, c’est tout.
Hier, je suis morte et ma mère s’en fout. Elle doit être défoncée au crack ou doit se faire sauter par je ne sais quel connard de passage. Un qui ne me touchera pas au moins. Je sens cette fois la chaleur du soleil dans mon cou nu. Quelques pièces et voilà, la ville est à moi.
26 août
J’ai passé ces derniers jours sous un pont. Et c’est con à quel point ça m’a fait du bien. Je ne vais pas rester dans la rue. J’ai la vie devant moi et moi, je n’attends qu’elle. Elle s’est faite suave et doucereuse, j’ai dû patienter comme un amant qui ne veut que celle qu’il aime. La vie est féminine, elle sait se faire désirer. J’ai mal partout mais c’est un bon mal. Un de ceux que je voulais ressentir et qui ne semble jamais venir. C’est le mal du vivant. Celui qui te fait sentir exister. J’ai jeté mes lames de rasoir, je n’en aurais plus besoin à présent. Je lève les yeux et aperçois Notre-Dame. J’ai besoin d’une douche.
27 août
Après une douche dans une piscine municipale et affublée de mon tailleur, j’ai fait le tour de la ville mes CV à la main. Là, j’ai regretté d’avoir jeté mon téléphone mais c’est pas grave, je suis passée par SFR pour prendre un prépayé. Maintenant, il me reste 40 euros et un paquet de chewing-gum. Je suis aussi passée prendre mon dossier à l’université. Dans quatre jours commencent les cours.