Revue de quartier

Jean Claude Blanc

                           Revue de quartier

 

Je crèche dans un quartier plus ou moins coloré

Mille-feuille d’HLM, tous bien étiquetés

Y’a même Le Corbusier qu’a laissé son empreinte

Elle est répertoriée, c’est une cité classée

On y loge pour pas cher, on cotise au syndic

Pour maintenir proprettes, les rues et les coursives

La concierge à l’écoute des soucis domestiques

On se fend d’une étrenne, à la fin de l’année

Les squares engazonnés, cernent le territoire

Espace pour les gosses, manèges et balançoires

Retraités résignés, y taillent la bavette

Les crottes de leurs molosses parsèment le champ de foire

Au 4ème étage, j’ai élu domicile

Mon nom est placardé, il suffit de sonner

On est trois locataires, c’est notre communauté

On se retrouve le soir, à la revue de palier

Une paire de jeunes mariés, tant soit peu effacés

Un couple de vieillards, toujours aux aguets

Et puis votre serviteur, célibataire à souhait

On échange sur le temps et l’actualité

Papotages stériles, commérages déjantés

La synthèse parfaite de l’opinion publique

Les édiles du pouvoir, devraient nous consulter

Pour rectifier le tir des sondages trafiqués

On dit que la vérité, sort de la bouche des mômes

J’ajoute que la détresse, elle se tient cachée

Grimpez les escaliers, allez sonner aux portes

Devant votre tasse de thé, vous serez effarés

On met au goût du jour, comités de quartiers

Histoire d’innover, recueillir des suffrages

Les gens n’en ont que faire, des feintes humanités

Ce qui compte avant tout, c’est qu’on s’occupe d’eux

Mon voisin de palier, est retraité des mines

Poumons silicosés a du mal pour marcher

Il s’en fait du mouron pour son petit pécule

Avec sa petite mamie, se tiennent verrouillés

Des fois je vais les voir, balance mes tirades

Juste pour rigoler, les faire ronchonner

Je leur parle de la crise, des invasions barbares

Ils y croient dur comme fer, dire que je suis libertaire…

Reviennent un peu plus tard, çà doit les tenailler

« Vous y croyez vraiment qu’on va nous liquider »

Mais je suis magnanime, me prends de compassion

Je promets l’embellie, pour qu’ils dorment tranquilles

Au fond de moi sommeille, une rageuse colère

De les voir tous pendus, une balle dans la tronche

De tous ces parvenus, y’a plus rien à tirer

Mais c’est pas convenant de terrifier les pauvres

Comme quoi c’est pas très dur, de manœuvrer les foules

Deux, trois mots, bien sentis, taper où çà fait mal

Le doute vous gangrène, on cherche les extrêmes

C’est la loi du plus fort, plus fort en gueule, s’entend

Revue de quartier bien ordinaire

Les éclopés, les délaissés

Ceux des banlieues déshéritées

Ils ont pourtant leur mot à dire

Parfois çà bouge, çà se révolte

On est surpris, sort le karcher

Bien à l’abri dans son palais

On a la trouille de s’y frotter

Quatre vérités à la figure

« Tire-toi sale con », qu’on leur répond

Ce n’est pas digne de la Nation

Répondre au peuple par des injures

L’angoisse se vit au singulier

On s’abstient même d’aller vote

Toute la même bande, que l’on se dit

On s’organise pour résister

Sur le terrain les décideurs !

Hommes de pouvoir, mains dans le cambouis !

Faut déserter les cabinets

Pour éviter déculottées

Je crèche dans la rue des Tilleuls

Seul sur mon banc je me prélasse

Bercé d’enfants, et d’innocence

Zone de non droit, de qui se moque-t-on…  

  JC Blanc         mars 2012

 

Hommage au journal : « La Cause du Peuple » créé par G. Sand (une femme) en 1848, en pleine fronde populaire.

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