Rhapsodie mexicaine - chapt 11 / Magnanime
sanka
Cinquième jour - Mardi 16 Décembre 2008.
Magnanime
Je raccompagne moi-même l'équipe à l'aéroport.
Les adieux sont brefs. Alessandro et Carmen ne me pardonnent pas la façon abrupte dont je leur ai annoncé qu'ils étaient congédiés, bien que je n'ai pas omis de préciser que je partage leur triste sort. Ça ne les a pas attendri. Kill the messenger[1], je braille, tandis qu'ils s'éloignent vers l'enregistrement. Secrètement, je reconnais ne pas avoir pris de gants.
Mon téléphone portable sonne alors que je m'engage sur le périphérique nord pour retourner sur Polanco. Dom, peut-être ? Ma manœuvre empressée pour atteindre le bas coté et me garer entre un micro-bus et un taxi - qui a mis ses warnings pour prévenir de son arrêt intempestif – est quelque peu périlleuse. La voiture qui me suit m'adresse un coup de klaxon énervé. « Chinga tu madre[2] ! », gueule le conducteur, avant d'accélérer pour continuer sa route. Je lui fais un doigt et réussi à décrocher avant que l'appareil ne se mette sur répondeur.
Une voix grave au débit rapide me dit :
- Buenos días, ici Paulo Arañedo Scarsbec.
Je suis stupéfaite. Est-il possible que quelqu'un me rappelle sans avoir joué au chat et à la souris pendant des semaines ? Je m'exclame :
- Buenos días, Señor Arañedo!Je vous ai laissé un message samedi, effectivement (Il me semble que cela fait une éternité). Mon appel concernait une proposition de publicité pour promouvoir l'Etat de Chihuahua, mais ne vous inquiétez pas, je ne souhaite pas vous importuner avec cela… le projet est…
- M'importuner ? Mais absolument pas ! Et je n'étais pas inquiet mademoiselle Deloze. Je ne suis jamais inquiet. Autant que vous le sachiez.
Il rit de son trait d'humour et continue, avec des inflexions saccadées :
- Sachez que, si vous êtes d'accord bien sûr, je vous attends aujourd'hui même, à Chihuahua. Je souhaite contracter de la publicité. Si le cœur vous en dit, nous irons jusqu'à boire un verre de tequila ensemble, pour célébrer notre accord. Qu'en pensez-vous ? Etes-vous libre aujourd'hui ?
- Par… pardon ? Ma journée risque d'être assez compliquée… Nous pouvons aisément organiser la procédure par mail, si votre décision est déjà prise.
Il s'agit certainement d'un tour de la réalité qui se fout de moi.
- Pas question, je ne traite qu'avec les gens que je connais, voyons ! Nous devons nous voir. Venez ! Je vous assure que mes intentions sont sérieuses. Vous pouvez certainement vous libérer. Il s'agit d'un contrat, après tout ! Le Gouverneur m'a donné vos tarifs. Je veux une double demi page, dont le prix s'élève à 133 000 dollars. L'espace est déjà choisi. De plus, tout est organisé. Un avion vous attend à l'aéroport privé de Toluca et vous ramènera cet après-midi même. Un de mes chauffeurs passera vous prendre vers 13 heures. Vous serez de retour le soir même. Vous êtes d'accord ?
Il semble chaleureux mais son ton indique qu'il n'a pas de temps à perdre.
- D'a… d'accord, je balbutie, éberluée.
Une bouffée de plaisir m'envahit. Cet homme n'a pas l'air de plaisanter. Il veut signer. Comme quoi j'ai eu raison de ne pas me dégonfler devant le Gouverneur. Je vais montrer à Hélène de quel bois je me chauffe quand tous ont renoncé à croire en moi. Qu'importe ! Je serai magnanime et reprendrai la direction du projet sans mot dire. Je montrerai ma noblesse, ignorerai avec détermination la bassesse de l'agence. Je serai royale.
A 13h00 précises, les portiers annoncent l'arrivée du chauffeur.Je suis prête. Habillée avec soin, décidée. Capable de faire cracher une bonne centaine de milliers de dollars à ce monsieur qui m'a l'air charmant et décidé.
Le trajet est long pour sortir de DF et rejoindre la capitale de l'Etat voisin, l'invariable flot de voitures s'étant donné comme à l'accoutumé rendez-vous sur le périphérique. L'embarquement immédiat compense le temps perdu en déplacement jusqu'à Toluca. Le jet est fuselé, son intérieur en cuir, confortable. Une hôtesse m'offre une coupe de champagne. J'affecte la lassitude de la femme d'affaire qui se déplace tous les jours dans un avion particulier. Je me demande à quoi peut bien ressembler le Señor Paulo Arañedo Sarsbec.
Grand et mince, il m'attend sur la piste. Directement rattachée à une Hacienda, elle surplombe les innombrables collines qui peuplent l'horizon.
Il est vêtu simplement, d'une chemise Guayabera typique du Mexique et d'un pantalon en lin blanc. Il porte avec indolence un chapeau de cow-boy terne ceinturé d'une lanière de cuir brun. Son visage, aux angles prononcés sur la mâchoire, s'encadre d'une chevelure noire comme le jais. Sa peau est cuivrée et son nez busqué ombre une bouche aux lèvres pleines. Des yeux en amande, étirés sur les tempes, révèlent un éclat troublant, fiévreux, aussi sombre que celui de ses cheveux. Il ne parait pas avoir plus de 40 ans mais sa physionomie a quelque chose d'étrange. Il paraît sans âge.
Il est superbe ! C'est la première réflexion que je me fais en le découvrant en bas de l'appareil. Puis : Il a vraiment une gueule de gangster ! Je réprime une inquiétude naissante. Lorsque j'ai débarqué au Mexique, j'ai souvent eu l'impression d'être entourée de voyous. Les effets de l'industrie cinématographique hollywoodienne sur l'image des Latinos sont désastreux. On s'en rend bien compte quand on débarque ici. Aujourd'hui, je ne sais plus cet amalgame idiot, mais lui…
Il me salue d'une poignée de main que je qualifie intérieurement de virile, puis il me tire contre lui, pour me baiser la joue comme le font les Mexicains qui se connaissent un peu. Cette familiarité me surprend. La plupart des politiques ou des hommes d'affaire que je rencontre se contentent de me serrer la main. Quand je relève mon visage vers lui, je vois qu'il examine de ses abysses sans fond mes pupilles élargies. Je tente de recomposer ma surprise en une expression de tranquille cordialité.
Je regarde autour de moi.
Je n'ai aucune idée d'où je me trouve.
Le paysage environnant est fait de terre rouge et de ravines profondes, dépourvues de végétation. Je pensais que le rendez-vous était à Chihuahua, la capitale, pas dans Chihuahua, quelque part dans l'Etat. Je vérifie mon BlackBerry. Aucune connexion. La demeure est entourée de hauts murs, dont les cimes sont hérissées de tessons de bouteilles brisées, pour décourager les visiteurs inopportuns. Plus convaincants, des gardes armés en treillis kaki, accompagnés de bergers allemands, sont clairsemés autour de la propriété. Une arme automatique pend négligemment à leurs épaules. Quelques caméras, à peine dissimulées, complètent le dispositif de sécurité.
La résidence, une hacienda brique et or, est entourée d'arcades colossales abritant une large terrasse de terre cuite. La pelouse, soigneusement entretenue, se dévoile une fois franchie les palissades dardées de verre. Elle est éclaboussée par la lumière vive de l'après-midi.
Il fait une chaleur d'enfer. C'est le désert, ici, et je suis habillée comme pour un rendez-vous hivernal à Mexico City. J'essuie une goutte de sueur qui perle le long de mon front et m'engage dans l'allée. Je décide de ne pas y aller par quatre chemins. Je suis loin, sans personne qui puisse me localiser. Je demande :
- Alors, vous êtes prêt à signer ?
Je m'en veux immédiatement. Qu'est-ce qui me prend ? Ne puis-je pas faire preuve d'un peu plus de finesse, même si je choisis d'être directe ? Mon interlocuteur ne semble pas se formaliser de mon impolitesse. Il découvre ses dents de carnassier en guise de sourire :
- Bien sûr, Melle Deloze. Je ne vous ai pas fait venir pour rien.
La réponse devrait me rasséréner mais son expression mi chacal, mi amical, m'inquiète. Mon ventre gargouille. Je rétrograde. Prudence. Je demande :
- Où sommes nous ? Je ne reconnais pas ce site. C'est… extraordinaire.
- Ahhhh, s'exclame l'homme, en cessant de marcher et se retournant vers le panorama, bras étendus de chaque coté, comme s'il s'apprêtait à étreindre le paysage. Nous sommes dans la Barranca del Cobre ! Son nom provient du cuivre qui était jadis exploité dans son flanc. C'est un lieu magique, d'une beauté presque irréelle, vous ne trouvez pas ? Quatre fois la taille du Grand Canyon ! Ça me coupe le souffle à chaque fois. Pas vous ?
J'acquiesce. Mon dos est trempé. Cette fournaise est effectivement très belle. Devant moi s'ouvre un véritable océan de montagnes arides, qui s'effacent dans un horizon bleuté. Malgré le paysage renversant, je me prends à espérer que ce type ne va pas décider de me garder à demeure. Je serais prise comme un rat ici. A cette pensée, les pulsations de mon cœur s'accélèrent. J'interviens immédiatement. Mental, tu es mon serviteur, j'ordonne avec autorité. Pour une fois, je parviens à faire taire les pensées qui ne demandent qu'à jaillir.
Quand je tourne mon visage vers Paulo Arañedo Scarsbec, je vois qu'il est en train de m'observer, avec une sorte de curiosité amusée.
- Alors comme ça, vous êtes journaliste pour FORTUS ?, me demande t-il avec chaleur, tandis que nous reprenons le chemin qui mène à l'Hacienda.
J'explique :
- En fait, je travaille pour Alpha Media, l'agence qui représente le magazine, pas pour le magazine lui-même.
Je lui tends ma carte.
- Il semble étrange que vous ne soyez pas leur émissaire directe. FORTUS est écrit en toutes lettres sur votre carte. A vrai dire, c'est le seul nom qui apparait.
- Le nom d'Alpha media est mentionné ici. (Je pointe du doigt des caractères rikiki, au dos de la carte). C'est une représentation exclusive. La carte montre simplement à quel point la relation entre notre agence et le magazine est étroite.
- Je vois. Et vous venez de New York pour chaque rendez-vous autour du globe ?
Paulo fait référence à l'adresse indiquée sur la carte.
- Non, nous sommes établis au Mexique depuis le mois de septembre. Nous restons toujours quelques mois dans le pays, quand nous faisons un rapport. Cela permet de mieux comprendre l'endroit, de mieux en saisir les enjeux.
- Et de trouver de la publicité.
- Oui, effectivement.
- Ma foi. Il faut bien vivre ! Et d'après ce que je comprends, vous avez un lectorat très influent, dit-il, admiratif.
- Parmi les meilleurs du monde, en qualité et en quantité, je réponds, avec une sorte de modestie sereine.
- Pour parfaire le tout, le seul magazine qui fait mieux que FORTUS n'aime guère le Mexique !
- Vous voulez parler de Forbes ? Bien entendu, j'ai vu cette couverture malheureuse.
- Calderon était furieux !, s'enflamme l'homme, dont je juge qu'il est décidément très latino. Vous avez vu l'intervention qu'il a faite à ce sujet, à Davos ?
- J'en ai entendu parler, oui. Il est vrai que Forbes a frappé fort ! Dire que le Mexique n'est plus contrôlé par son gouvernement… que les cartels ont… enfin, c'est un peu fort ! (Je m'égare, je parle avec trop d'enthousiasme. Sujet à éviter.)
Paulo Arañedo Scarsbec hausse un sourcil, attendant la suite. Il semble intrigué. Je tousse avec embarras. Nous sommes arrivés devant la demeure. L'homme ouvre une lourde porte en bois ornée, qui s'efface devant nous sans un grincement. Je suis étonnée par l'absence de majordome à l'entrée. Nous traversons un hall sombre, aux couleurs ocre, avant de pénétrer dans le patio intérieur.
Des brumisateurs automatiques isolent la cour du ciel en une toiture aqueuse qui s'évapore en continu au dessus de nos têtes. La température n'a plus rien en commun avec l'étuve laissée à l'extérieur. C'est une oasis de fraicheur. Deux palmiers trapus offrent leur ombre généreuse, qui s'étend sur des tomettes octogonales, tandis qu'une fontaine en pierre polie, dispense une douce musique. L'intérieur de chacune de ses vasques est tapissé d'une mosaïque intriquée, multicolore.
- C'est un bel endroit !, dis-je avec sincérité.
Je me verrais bien dans un hamac, à me balancer entre les deux arbres, à coté de la fontaine, en lisant un bouquin.
- Merci. Ma femme a décoré cette maison aux premiers temps de notre mariage. Elle a choisi cette fontaine en Andalousie il y a 25 ans.
- Vraiment ?, je m'exclame, en me demandant à quel âge il s'est marié. J'étais persuadée que ces fontaines étaient typiques du Mexique.
- Elles le sont devenues, en effet, mais en général, les nôtres sont en pierre brute. Celle-ci lui a plu à cause des azulejos qui osaient autre chose que le bleu et le blanc, pour une fois.
- Votre épouse a beaucoup de goût.
- Oui, elle avait un goût exquis.
Il marque une pause et ajoute :
- Elle n'est plus de ce monde.
- Oh, je suis désolée.
- Oui.
Il a l'air triste, soudain. Son regard se perd sur les gouttelettes d'eau qui perlent en cascade d'un bac à l'autre. Il relève la tête et ses yeux rencontrent les miens, brièvement.
- La vie est étrange. Après tant d'années ensemble, je ne la remarquais plus. Et maintenant, elle me manque.
Je ne trouve rien à dire. La seule chose qui me vient à l'esprit, c'est qu'il fait un veuf follement attirant, ce que je ne préfère ne pas lui révéler. Je cherche une phrase qui permettrait de relancer la conversation mais avant d'avoir pu penser à quelque chose, il claque deux fois dans ses mains, soudainement ragaillardi :
- Bon ! Et si nous signions ce contrat !
Une soubrette avec tenue noire et tablier dentelé blanc apparaît dans l'instant.
- Unas cositas para comer, Señor ?
- Si Linda. Y unos jugos frescos también.
- Si Señor.
- En la oficina, por favor, Linda.
- Si Señor.
- Venez avec moi, Mathilde, dit Paulo.
La pièce donne sur la cour intérieure. Les meubles en bois, sombres et brillants, le canapé en cuir et ses fauteuils clubs, la carte du monde antique et les bibliothèques chargées d'ouvrages, tout donne l'impression d'être dans l'antre d'un érudit. Si je ne savais pas qui il est – mais je ne sais pas qui il est, me dis-je avec une inquiétude renouvelée -, je penserais que j'ai à faire à un éminent professeur dans son bureau d'Oxford ou de Cambridge.
Paulo me suggère de m'asseoir sur le canapé. La main qu'il pose sur mon bras me l'indique d'une pression douce. J'en éprouve un trouble passager. Reprend toi. Du calme.
Il s'assied sur un des fauteuils. La soubrette pose un plateau de jus colorés sur la table basse. A coté, elle dispose deux petites assiettes. L'une d'elle est garnie de friandises, l'autre de morceaux de mangue mûre, piqués sur des bâtons plantés dans une sorte de dôme. Les sucettes de fruit sont saupoudrées d'un sucre Candy rose vif.
- Nous n'avons pas ces divins gâteaux que vous avez en France, dit Paulo. Nous avons d'autres pâtisseries, moins raffinées, mais que vous apprécierez sans doute. Goutez, vous verrez, ce n'est pas mal du tout.
- Merci, Licenciado, je vais me contenter d'un verre de jus.
Je désigne la carafe de maracuja, dans lequel se trouvent encore quelques pépins noirs.
- Melle Deloze, appelez moi Paulo.
Il me sert un verre de jus. Je souris cordialement et lui retourne la politesse :
- Dans ce cas, appelez moi Mathilde.
- Mathilde, si vous ne mangez rien, ce qui est très impoli envers tout hôte mexicain, vous devez le savoir, vous devrez boire un peu de Tequila une fois le contrat signé, c'est entendu ?
Je tends la main vers une des petites assiettes. Je suis d'humeur badine. Il va signer, bon sang, il va signer !
Je saisis l'une des sucettes de fruit. Paulo hausse un sourcil. Une expression qui semble lui être coutumière. Elle lui va bien. Je croque dans la chair juteuse et parfumée. Un choc électrique me traverse de part en part.
Le palais en feu, j'ahane :
- C'est ! C'est du piment !
- Oui. J'étais surpris par votre choix, mais je pensais que vous connaissiez ! On en vend sur toutes les places publiques !, se récrie Paulo Aranedo Scarsbec.
J'étouffe.
- Je, je ne le savais pas.
J'attrape le verre de maracuja et le retourne dans mon gosier. Paulo se lève avec vivacité et ouvre un coffre orné, qui révèle une rangée de bouteilles. Il revient avec une large dose d'un liquide transparent dans un verre long et haut.
- Buvez ça !, dit-il, en lui tendant la boisson avec autorité. Ça coupe le feu !
Les yeux larmoyants, je m'exécute. C'est une téquila, pas de doute. L'alcool complète le travail du piment en me brulant le larynx. Puis la flamme s'éteint d'un coup. Ça va mieux. Nettement mieux.
Une main sur la gorge, je souffle bruyamment et ferme les yeux. Quand je les rouvre, l'homme d'affaire m'observe, un sourire en coin. Il lève posément une main vers moi. Je ne comprends pas ce qu'il veut, et je recule, médusée. Sa main monte à la hauteur de mon visage. D'un doigt, il effleure le coin de ma bouche.
- Quelques grains de piment, là.
Entre mon plexus et mon nombril, une bulle vient de se créer. Soufflée par l'anticipation et l'excitation. Je la reconnais. Ça fait si longtemps que je ne l'ai pas senti. Je me mords les lèvres. Reste froide. Je devine la ligne verticale qui se dessine de la base de mon sourcil droit et va jusqu'au milieu de mon front. Je me concentre :
- Paulo, et si nous en venions au contrat ?
Sauf qu'à la place d'être directe et efficace, je me noie dans une montagne de détails. J'expose nouvellement les raisons d'être de ce rapport, notre volonté de faire connaitre les aspects positifs du Mexique, l'opportunité que ce genre de reportage fournit pour de la promotion.
Paulo sourit avec amabilité et répète que sa décision est prise, qu'il va investir et qu'il ne souhaite pas que son nom soit mentionné.
« C'est le territoire qui doit être reconnu pour ses qualités, pas moi », rétorque-t-il quand je m'en étonne.
« Vous pourriez simplement mentionner votre entreprise, tout au moins faire apparaitre son logo ! » Pour une raison que j'ignore, je m'obstine comme un âne bâté qui refuse de passer un col. « Après tout, votre entreprise pourrait être la première à bénéficier de cette action publicitaire. Cela serait logique.» Je continue, me réfère à son activité dans les maquiladoras, lui redemande des informations qu'il a déjà fournies. Je suis fébrile. Quel espace veut-il ? Connaît-il la date de publication ? Les spécificités du lectorat ? Le type d'image et de message qu'il veut projeter ?
Je parle, parle et parle encore alors qu'il est prêt à signer. Je n'arrive plus à la fermer. Bon sang, Dom, tu ne vois pas qu'il faut me faire l'amour régulièrement ?
Paulo ne semble plus m'écouter. Il me regarde intensément, d'un air diverti et espiègle. Il me coupe soudain : « Comment appelle t-on ces petits gâteaux ronds, que l'on mange chez vous, déjà ? Pleins de couleurs et de parfums délicieux. Les macarons, c'est ça ? » Je hoche la tête, lui demande faiblement s'il est sûr qu'il ne veut pas voir son nom apparaitre dans l'article. Paulo me dit : « Mathilde, Mathilde… Ce qui compte pour moi, c'est que les Américains sachent qu'ils seront bien reçus ici et que leurs droits y seront respectés. Ensuite, mes clients potentiels me trouveront sans difficulté. Je suis connu, ici, Mathilde. Et puis, j'avais un service à rendre au Gouverneur. Vous m'en donnez l'occasion. Je vous en suis reconnaissant. Merci. »
Je sors le contrat. Enfin, me dis-je avec le soulagement du coureur de fond qui passe sous la banderole d'arrivée, enfin ! Je n'arrivais pas à la fermer ! Je saisis mon stylo d'argent et le remplit, d'une écriture nerveuse. Il s'assied à coté de moi. Je termine. Il pose les doigts sur le contrat. Effleure les miens. Il me regarde, moi pas. Il fait glisser le papier vers lui. Il relit. Signe. Et se redresse. Je sens le stress qui a envahit mon ventre se détendre d'un cran. Je voudrais souffler de soulagement mais je n'ose pas. Il rit :
- Après toutes ces explications, vous me devez bien une dégustation de tequila, Mathilde ! Une vraie cette fois. Et puis, vous devez avoir la gorge sèche d'avoir tant parlé. J'étais déjà convaincu, pourtant.
Son sourire en coin se revigore. Je réponds, avec un embarras diffus :
- L'habitude de donner des explications, sans doute. Je m'excuse. J'ai du vous paraître bien longue.
- Ce n'est pas grave. Ça m'a donné l'occasion de vous regarder. Et je peux vous assurer que je n'ai pas tous les jours l'occasion d'avoir une beauté de votre sorte chez moi. Vous observer est un privilège, Mathilde.
Paulo se lève et retourne au coffre orné. Il saisit un flacon bleuté. D'habitude, ce genre de compliments m'irrite. Je ne sais jamais comment y répondre sans me disqualifier en tant que professionnelle. En général, je les ignore. Ou j'utilise la formule anglaise « Let's get back to business, shall we ? » que ces hommes, éduqués pour la plupart aux Etats-Unis, connaissent parfaitement bien.
Mon silence, cette fois, a une autre consistance.
Je suis flattée. J'ai envie de le regarder. Je lève les yeux vers lui. Les siens semblent m'attendre. Nos regards se rencontrent. De longues secondes, explicites. Il se rassied près de moi et verse lentement la liqueur dans un verre court et étroit, à la base compacte. Ses gestes sont lents. Je pense au baiser qu'il a posé sur ma joue, à la sortie de l'avion. J'épie sa bouche charnue. Vite, un coup d'œil éclair. Je veux examiner ses lèvres, étudier leur courbe, leur épaisseur, c'est viscéral. Je déguste une lampée de la boisson qu'il m'a offerte. Elle est poivrée, presque épicée. Il s'agit d'une tequila ancienne, très ambrée, dont le parfum musqué envahit mes narines.
« C'est un shot, Mathilde, pas un cocktail », gronde Paulo, qui avale le sien d'un coup. Je l'imite, renverse la tête en arrière. La saveur épicée envahit mon palais. Je relève le visage, les yeux brillants. Quand je tourne mon regard vers lui, je m'offre le plaisir de le fixer vraiment, comme on le fait lorsque l'on accepte de jouer une partition intime. J'ose ce regard indiscret, dont la matière est faim et soif, et en réponse, il s'approche de moi avec la lenteur d'un félin. Jusqu'à ce que la proximité devienne contact, jusqu'à ce que, délibérément, il pose ses lèvres sur les miennes.
Sa bouche est impatiente. Ses biceps solides se tendent sous sa chemise, son buste vient se coller au mien. Il fait glisser sa main sur mes seins. Je gémis. Il me dit : « Tu es belle, je t'ai voulu dès que je t'ai vu ! ». Je lui donne un baiser passionné. Il passe sa main sous ma robe et attrape le haut de mes collants opaques, qu'il tire vers le bas. Les collants résistent et s'accrochent à mes jambes. « Qu'est-ce que c'est que ce truc qui défend ta vertu ? », grogne Paulo. « Ne le laisse pas faire », dis-je en riant, « débarrasse moi de ça ! » Il tire d'un coup sec sur les bas, qui finissent par céder. Je me félicite du soin que j'ai mis à me préparer. Ce matin encore, j'avais tout du porc épic. Paulo caresse mes cuisses. Je caresse son torse, très doux, dessiné de muscles fins. Il me fait basculer sur le dos. Le canapé accueille nos corps enfiévrés. Enfin un homme qui m'empoigne et m'emporte avec lui. Je pousse mon bassin vers le sien, perçoit qu'il est dur sous l'étoffe du pantalon. J'ôte sa guayabera. Dans mon ventre, l'excitation monte, l'appétit s'emballe. Cela fait si longtemps, je souffle, empressée et ardente.
Un clappement mat se fait entendre. Mon estomac est soudain pris de spasmes. Des gargouillis annonciateurs de problèmes digestifs s'élèvent dans une clameur sourde.
Paulo Aranedo Scarsbec redresse légèrement son torse, inquiet.
- Tout va bien ?
Je me dégage.
- Heu, oui, oui, enfin… Non ! Je… Paulo ?
Non, non ! Je rêve !
- Oui ?, répond Paulo.
Assise, jambes nues et collant déchiré en tire bouchon sur les chevilles, je demande, aussi naturellement que possible :
- Où puis-je aller… me repoudrer le nez ?
La bulle dont l'éclosion m'a chaviré tout à l'heure descend lentement le long de mon colon. Chaque centimètre qui la rapproche de la sortie semble la gonfler d'euphorie. Elle n'attend que d'éclater dans une exquise puanteur. L'œil de Paulo s'allume d'une lumière surprise.
- Je ne te voyais pas aimer la poudre. Mais attends, dans ce cas, j'ai de quoi te faire plaisir, petite coquine.
Armé d'une solide érection, il se lève et ouvre de nouveau le coffre qui contient les précieuses bouteilles. Sous son couvercle, il fait coulisser un délicat panneau de bois dans lequel est caché une minuscule boite en or, accompagnée d'une paille du même métal. Je serre péniblement les fesses, résolue à ne pas laisser s'échapper de mes entrailles un quelconque gaz. J'hésite à me lever brusquement pour me précipiter aux toilettes. D'ailleurs où sont les chiottes ?, je me demande, paniquée. Un coup d'œil circulaire ne m'apprend rien. Rien qui n'indique qu'un WC est à portée de jambes. Tout est bois, meubles rares et putains de bouquins d'érudit. Avec terreur, je me demande si tout mouvement soudain pourrait virer au drame. Je tente de me reprendre. Pense Hari Ôm avec ferveur.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire, Paulo, je réussis à articuler avec un self control que je vais puiser dans ma longue expérience du yoga. Je voudrais aller aux toilettes, en fait.
Je boudine ma bouche dans une moue indéfinissable qui peut éventuellement passer pour sexy, et je retire mes collants lacérés. Je pose mes pieds nus par terre. Je suis dans les starting blocks. Prête à courir.
- Aux toilettes ?, demande Paulo, dubitatif.
Son expression indique que le nuage rose sur lequel il était encore assis il y a deux secondes tourne au vert caca.
- Oui, enfin, je voudrais me rafraichir un peu.
Qu'est-ce qu'il a, à ouvrir sa bouche comme un poisson rouge dans un aquarium ? Ça urge, bon sang ! Paulo semble comprendre. C'est une Française, une Européenne ! Elle parle au second degré.
- Ah ouiiiii ! Suis moi, je te conduis à la salle de bain.
- Mmmmmfff, je gazouille, tant bien que mal.
Tout entière concentrée sur la maitrise de mon trou de balle, que j'adjure d'assurer son rôle de gardien des frontières entre la bienséance et l'effroyable glissade vers la déchéance, je me lève avec rigidité.
- Tu viens ?
Paulo me tend une main ouverte. Je la saisis et contracte furieusement mon derrière tandis que mes intestins frémissent sous le mouvement de mon corps. En claudiquant, je suis Paulo dans le couloir, regardant de droite à gauche, comme une biche aux abois. Quand nous nous engageons sur le massif escalier en granit, je réclame, en sortant toutes mes dents dans un sourire qui a pour vocation de l'estourbir :
- Il n'y a pas de toilettes plus près ?
- Tu es pressée, hein ! J'aime ça, petite Française incandescente ! Vous avez le sang chaud, dans ce pays, on me l'avait dit.
- Haaa ! Non, non, non !, je grince, décomposée, en m'immobilisant sur la première marche.
L'escalier va poser un problème physique majeur. Hisser une jambe après l'autre est la pire idée possible à ce moment précis.
Paulo lève un sourcil.
- Mathilde, je dis ça avec admiration, tu sais. Avec envie.
Son œillade est suggestive. Il m'attire brusquement contre lui. Dans un mouvement ample, il passe son bras au bas de mes reins et me coince contre son torse dans une cambrure envolée.
Prout !
Impossible de retenir cette damnée flatulence, elle a sauté comme un bouchon de champagne. Je m'exclame : « Oh mon Dieu ! », pour couvrir la détonation. « Tu me rends fou », souffle Paulo, dans une passion renouvelée. « Oh, Paulo ! », je crie, le front couvert de sueur. Ça va péter comme le jour de l'indépendance de la République du Mexique, je le sens. Manquerait plus que je gueule « Viva Mexico ! » pour que le tableau soit complet. Mes tripes ne sont plus des tripes mais des tord-boyaux. Je transpire abondamment. Ça fuse dans tous les sens, là-dedans. Il y a des limites à la volonté du rectum. Il me faut des chiottes, d'urgence. Maintenant ! Je le repousse violemment et le maintiens face à moi. Les cheveux de Paulo sont légèrement décoiffés. Il semble émerveillé, quoi qu'un peu déboussolé, par ma formidable vitalité de femme française. Yeux dans les yeux, je le supplie, d'entre mes dents :
- Dis moi où sont les toilettes.
- Quoi ?
Paulo sourit, désorienté mais prêt à jouer à ce nouveau jeu.
- LES WC ? OÙ SONT LES WC !!!!, je gueule.
Il sursaute, indique le haut de l'escalier. Je m'engouffre dans cette direction, robe remontée à la taille, en courant à grands pas et en gémissant « Ohlala, ohlalalalala !!!! ». Les claquements de mes pieds nus résonnent dans le hall majestueux. Je dégouline de sueur, manque de m'écrouler sur la dernière marche, opère un virage à 90° pour entrer dans une première pièce, claque la porte pour la refermer, cours à la seconde, l'ouvre en haletant, vois que c'est la chambre, y pénètre en me tortillant désespérément, atteins la salle de bain, ouvre la porte, dérape, et m'effondre sur les toilettes, à l'agonie.
Lorsque Paolo me retrouve dans la salle de bain, il me trouve avachie sur le cabinet. Je geins doucement.
Il ferme la porte avec douceur, et s'en va, effaré par la fétide pestilence qui embaume la pièce.
Je me réveille des heures plus tard.
Complètement nue. Enroulée dans des draps de lins crèmes, dans un lit à baldaquin. D'abord, je ne comprends pas où je me trouve, puis je retrouve la mémoire. Rien ne m'est épargné. Nos jeux de peau, son attitude, sa voracité. Puis mon ventre qui gargouille, les pets, la course aux chiottes. Les images, graphiques, sans pudeur. La diarrhée implacable, le vomi, la douche. Et enfin, Paulo qui s'avance vers moi, horrifié mais poli et qui me conseille de m'en remettre à la douceur de ses draps pour une bonne sieste. Le meilleur remède à la turista.
Je suis affreusement choquée.
Puis je pense à Dom. Tristement.
Qu'est-ce que j'ai foutu, bordel. Mais qu'est-ce qui m'a pris ?
Egarée, je me lève, cherche mes vêtements, qui sont éparpillés sur le sol.
Inexplicablement, le contrat signé est par terre. Je le ramasse.
Paulo fume une cigarette sur la terrasse ombragée qui est rattachée à la chambre. La vue sur les vallées arides du Canyon est superbe. Sans chemise, il est simplement vêtu de son pantalon blanc.
J'évite de regarder son torse imberbe, bien dessiné, parcouru par mes doigts. Il s'approche de moi, mais pas trop. Il garde une certaine distance. Il dessine quand même le contour de mon visage avec son index. Il demande :
- Ça va ?
- Oui, ça va. Paulo, je… je vais devoir y aller. La nuit tombe.
- Tu veux rentrer ?
- Oui.
Il n'insiste pas. A l'air soulagé. Hoche la tête avec compréhension. Me donne une mallette :
- Tiens, c'est pour toi. Tu l'as mérité.
Il fait mine d'ouvrir la petite valise de cuir brun. Mon cœur palpite à dix mille.
Du liquide. Je n'ai pas le droit de prendre de liquide. Pas sans l'avis préalable d'Alpha Media. Je sais qu'ils ne se gênent pas, à l'occasion. Ils ont un compte à Guernesey et pléthore de clients louches. Le blanchiment ponctuel ne doit pas leur faire peur, tant qu'il est maitrisé. Je me souviens de Hans, revenant de je ne sais quel pays d'Afrique avec un contrat réglé en billets. Je ne l'avais pas vu, de mes yeux vu, certes, mais j'en avais eu ouïe dire et par le porteur de valise lui même ! Il avait balancé l'info autour d'un verre, après un regional meeting. Il avait blagué : « All this cash, man, that made me feel like running away with it ! » Evidemment, l'acceptation de ce mode de paiement avait été validée au préalable, en haut lieu. Mais je ne vais ni me renseigner, ni demander de virement ultérieur une fois la facture reçue, ni proposer de putain de mandat cash pour Alpha Media.
Je pourrais rentrer et leur faire savoir qu'un contrat a été signé. Ils réviseraient leur jugement hâtif. Rappelleraient Carmen et Alessandro, me féliciteraient pour ma ténacité. Me colleraient quelques mois de plus. Sauf que je ne veux plus.
Comme dirait Sue-Ellen, le fric is mine, bitch !
L'agence n'ébruitera pas l'affaire. Ce genre de souci leur couterait trop cher : la relation avec un magazine comme FORTUS est fragile, ils choisiront de payer la pub et préféreront ne rien dire, j'en mets ma main à couper. Et que feront-ils après ? Ils ne vont pas lancer d'hommes de main à ma poursuite, ils sont peut-être louches, mais ils n'appartiennent pas à la catégorie mafieuse. Fernando n'est pas un malfrat dangereux. Par contre, il flirte suffisamment avec les irrégularités pour ne pas porter plainte. J'en sais trop sur leurs pratiques pour qu'ils l'ouvrent. L'équipe est au Mexique avec un visa de tourisme. Alpha Media est une agence pragmatique. La fin justifie les moyens, c'est d'eux que je l'ai appris.
Et le pactole en terre de sombreros, c'est maintenant. Ou JAMAIS.
La morsure de l'humiliation est encore brulante. Celle-ci, celle d'hier avec Sue-Ellen, celle d'avant hier avec Dom qui ne veut pas de moi. Et avec une clarté effarante, je comprends que ce n'est que la dernière d'une longue liste de mortifications à endurer tout au long de la vie et dont je continuerai à souffrir jusqu'à la fin des temps si quelque chose de radical ne change pas. 133.333 dollars. Voilà qui ferait de moi une femme aisée. Qui obtient cette argent, en n'étant pas héritier, ou trader ? Je viens du bas peuple, moi. Finalement, que je ne puisse pas m'abandonner à ce moment de volupté est tout à fait cohérent. Tout en moi chante l'Internationale. Même mon organisme résiste à une quelconque étreinte avec la classe dominante !
Je revois la pauvreté de mon enfance, ses horizons limités, mes vêtements de seconde main, que les enfants reconnaissaient invariablement comme leur ayant appartenu. Ma tristesse quand je les voyais partir en vacances, revenir de la bibliothèque avec des livres choisis par leurs parents, quand à la télé, des gosses se jetaient dans leur piscine en réclamant des glaces, pendant que ma mère à moi faisait des yaourts parce qu'on ne pouvait pas en acheter (et encore, ce n'est rien, pense à la famine en Somalie), quand on gardait les choses au frais dehors parce que le frigo ne tenait pas le coup, quand je distinguais le mépris dans le regard des profs devant mon père et son coté « pittoresque ».
Moi, ce que je veux, ce que j'ai toujours voulu, c'est petit déjeuner avec l'ami Ricoré et un gilet pastel noué sur les épaules, au cas où l'air devienne frisquet dans le jardin soigneusement entretenu.
Or, pour l'ami Ricoré, c'est maintenant ou jamais.
Car l'autre connasse de Sue-Ellen ne va me faire de lettre de recommandation. Si j'ai atterri dans ce job, c'est parce que j'ai passé l'entretien en anglais et que je le parle avec l'accent de la reine, grâce à la méthode de Sir Hattaway : « Queen's english in a blink » En français, on devine le milieu, niveau fond de la marmite. Pas étonnant qu'Hélène m'ait dans le collimateur, d'ailleurs.
De toute façon, j'ai toujours su qu'à la moindre anicroche, l'ascenseur redescendrait direct au sous-sol d'où je viens. Et l'anicroche a eu lieu hier. Je me suis fait virer comme une malpropre. Hélène et son accent snob m'ont essuyé comme la dernière des merdes en grattant leurs semelles sur le trottoir. Histoire que je retourne au caniveau de mes origines.
Alors pour rejoindre l'ami Ricoré, sur sa terrasse en fleur, dans son printemps éternel, ça va être coton. Putain d'impasse, droit devant. Cul de sac par la voie légale. Si bien que la mallette, je la prends. Je dis :
- Merci Paulo. Pas la peine de recompter, je te fais confiance.
Avec un reste de raideur, un reste de l'ancienne moi, j'ajoute :
- Je voudrais partir.
- Toutes les bonnes choses ont une fin. Allez, l'avion est prêt. Je t'accompagne.
Il enfile sa guayabera. En sortant de la chambre, il me pince les fesses. Emet un petit rire salace. Rigole : « Ohlalalala ! » Je ne dis rien, le suit jusqu'à la piste.
Pendant le vol retour, je pense : Personne ne sait où je suis allée. Ni le bureau, ni Dom. PERSONNE.
[1] Tuez le messager!
[2] Ta mère!