Rimmel
vadim
« Elles sont belles tes photos. »
C’est ce qu’elle m’a dit en m’abordant. J’étais plutôt attentif, parce que pas saoul donc j’ai remarqué 1) qu’elle avait engagé la conversation, parce que je suis perspicace, 2) par un compliment, parce que ça sonnait pas ironique pour deux sous, 3) qu’elle avait touché juste. Sincère ou pas, tu sais, elle avait dit « belles ». Pas « jolies », aka « mignonnes », ni « cools » aka « j’adore l’argentique, même des photos de sabots je les mettrais sur mon tumblr », ni « sympas » aka « tu te prends pour un artiste, laisse-tomber, mais je te choperais bien quand même ».
Nous avons discuté un peu, de pas grand-chose, présentation usuelle, qu’est ce que tu fais dans la vie, ils font quoi tes parents, c’est quoi ta couleur préférée, puis elle a dit : « tu veux pas qu’on aille ailleurs, y’a trop de monde ici, ça m’ennuie ». Nous sommes logiquement passé dans une autre pièce parce que j’allais pas cracher sur un moment avec elle, genre que nous, parce qu’elle me plaisait, clairement, et donc je l’ai suivie, elle devant et moi avec la main sur son coude ou doucement en bas de son dos, comme si c’était inintentionnel, mais suffisamment appuyé pour que ce soit pas le cas.
Comme finalement nous nous plaisions tous les deux, je pense, nous étions bien à l’aise parce que nous voulions que tout se passe bien et finisse comme il se doit, et nous riions et surtout des autres, parce que c’est le plus simple, que c’est aussi ce qui rapproche deux inconnus, genre us vs. them. Du coup nous avions cette impression, avec les phéromones et la tize, d’être faits pour s’entendre, même si nous aurions pu supprimer tout ce cirque pour réduire tout ça à une histoire de cul, mais je crois que je tenais assez à ce décorum, à ce petit jeu, surtout que j’avais l’impression de gagner, même s’il était à somme positive.
Je lui avais jamais vraiment parlé avant, elle m’avait ajouté sur fb, genre mesure d’approche, et même si elle avait pas effectivement maté ces photos, elle avait quand même bien troussé son truc, alors soit j’étais touché, impressionné par sa sincérité, soit par son machiavélisme.
Je connaissais pas non plus son entourage, ce qui m’empêchait d’entendre les vérités qu’on aurait eu à me confier sur son compte, plus ou moins mesquinement. Je pouvais pas savoir si - je pouvais la ramener chez moi le premier soir – jouir dans sa bouche – en tomber amoureux – la tromper avec sa meilleure amie après – une semaine d’ivresse sans la voir ou si – tout ça n’était que pour la galerie et absolument pas pour le tableau de chasse, parce qu’on la suspectait de saphisme, - si c’était son genre de complimenter tout le monde sur tout et rien, - si son sourire à pleine dents était une façade en briques de prozac ou pas du tout, - si elle avait des amis fidèles à qui je pourrais l’abandonner ou –si elle se laissait de tout et surtout des gens très vite, trop vite, plus vite que moi, genre à quelle vitesse concrètement ?
Je lui ai dit que j’allais chercher mes clopes dans mon blouson dans le salon, de m’attendre ici, que je revenais. Je pensais à ce que j’allais faire après sur le chemin, dans les deux sens, puis j’ai vu qu’elle était partie sans rien dire, ni à moi ni à personne.
J’ai fermé gtalk, puis facebook.