" RING "

gautier

Une chronique sur une des pièces du 50 ième festival d'Avignon OFF , aujourd'hui "Ring " de Léonore Confino


Une scène à deux dimensions comme si on avait changé de perspective. Un sol blanc incurvé qui avalerait son arrière-plan pour ne s'intéresser qu'au sens premier et direct de l'avant-scène. Cette scénographie de Catherine Schaub  fait penser immédiatement à une feuille de papier déroulée, immaculée sur laquelle deux identités originelles Camille-Adam et Eve-Camille viendraient dessiner le parcours de toutes les autres gémellités, celle des premières années avant l'inéluctable séparation. Cette calligraphie qui passe par les mots, ceux du texte incisif de Léonore Confino, se décline également par des projections vidéo sur cet écran curviligne, qui donnent par des jeux d'accélération et de lumière un semblant de matière au temps. Un espace infini, un temps suspendu entre deux jours ou deux nuits, des personnages symboliques aux prénoms identiques, tout est réuni pour donner à ce moment de théâtre un caractère universel et on espère tous, durable. 

L'autre caractéristique que cette écriture visuelle, c'est celle des déplacements chorégraphiés sans paroles des deux comédiens, Sarah Biasini et Fabio Zenoni  , des pas de deux glissants sur ce décor en forme d'ardoise magique, qui a le pouvoir d'effacer chaque nouvelle scène… de ménage. Heureuse invention que le théâtre! Car sur cette nouvelle planche à nouveau vierge d'illustrations, tout peut recommencer.

Nous découvrons alors ou redécouvrons plus surement 18 histoires qui pourraient être les nôtres ou celles de nos désirs les plus profonds. Des couples jamais convenus mais souvent déconvenues, des dialogues à chair de mots, parfois à cœur de poule, lorsque l'archétype du prince amant apparait. Mais aussi des hommes aveugles par orgueil ou surdité.  On rit, on sourit, on grince des dents face à cette satire juste, devant cette ironie douce en dehors et féroce en dedans. On jubile d'avance du lent décorticage de ces beaux fruits à la multicoque protectrice: l'amante amer et le casse-noisette.

Nous voyageons ainsi de cœur en cœur, de sexe en sexe, parfois les deux en même temps, jusqu'à ce que la mort vienne briser définitivement un de ces deux moules, une des deux moitiés de cet androgyne primordial, celui qui n'a de cesse que de se reconstituer éternellement. L'origine du monde semble se réduire à ce simple désir-là.
Alors plutôt qu'un "Carpe Diem " égocentrique, peu soucieux de son positif ou de son négatif complémentaire, préférons-lui un bel "Amare Diem" plus puissant.

Thierry Gautier (Copyright SACD Avignon 2015)

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