Romagnas du Mont Davis / Chapitre 2
Kris T.L
Chapitre Deux
J'étais planté là comme un con devant cette cage métallique, la main ouverte, tremblant de tout mon être, les yeux figés sur ce pendentif. Était-ce seulement possible ? Est-ce que je devenais fou ? Ce fut la voix de mon père qui me sortit de ma léthargie alors qu'il se rapprochait de moi à grands pas.
— Grégory, je peux savoir ce qui t'arrive ? Grégory ? Greg, tout le monde te regarde, dis-moi ce qu'il se passe.
En effet, des personnes assises dans la salle d'attente ainsi que la standardiste du hall d'accueil, Mrs Cindy Adamson, me dévisageaient. Il faut dire que je n'étais pas quelqu'un qui perdait facilement le contrôle. Mais depuis la disparition de Tess, j'avais réellement du mal à contenir mes émotions et je n'étais plus le même.
J'avais l'impression de devenir fou.
Je levai les yeux, faisant un scan rapide de la pièce puis les baissai de nouveau sur ma main avec le besoin viscéral de vérifier si ce que je voyais était bien réel. Mon père se rapprocha afin de voir ce qui me perturbait autant, il posa un rapide coup d'œil sur ma main tendue et à son tour devint livide.
— Mon Dieu, comment est-ce possible ? murmura-t-il en se maintenant d'une main au guéridon en fer forgé posé dans le hall d'entrée.
Mon père, Alan Cummings était un homme bon, fort, grand, tout le monde avait tendance à dire qu'on se ressemblait : le même regard, des yeux bleus avec des reflets verts. Des cheveux châtains parsemés de cheveux blancs mais toujours correctement coiffés. Un bouc bien taillé. Il était doté d'un certain charme, du sang Irlandais coulait dans nos veines et à cinquante et un ans il était le deuxième célibataire le plus en vue de Toronto.
Il était apprécié de tous, ayant obtenu une reconnaissance au cœur même de sa profession. Il était certainement l'un des meilleurs Profiler sur tout le territoire canadien. Il avait créé son agence de profilage et d'expertise comportementale et j'avais rejoint son équipe dès la fin de mon cursus en psychologie à l'université de Montréal. À vingt-sept ans, j'étais à présent l'un des meilleurs analystes dans l'étude comportementale de la morpho gestuelle et du non verbal.
En quelques mots : vous pouvez essayer de me mentir, mais votre corps, lui, ne le fera pas et je serai là pour découvrir ce que vous me cachez !
Cette nouvelle pratique avait un succès incontestable auprès des agences de recrutement et des services de police.
Nous avions l'habitude de coopérer avec la Gendarmerie Royale du Canada. Cette dernière nous avait informés que notre collaboration pourrait se montrer dangereuse. Avions-nous affaire à une personne qui voulait se venger ? Mais dans ce cas-là pourquoi s'en prendre à ma sœur ?
— Greg, que fais-tu avec ce médaillon ? murmura-t-il à bout de souffle en se tenant la poitrine.
— Elle me l'a donné...
— Qui ? Qui t'a remis ce pendentif ? Greg, réponds-moi.
Il m'attrapa par le bras et me tira jusque dans son bureau afin de nous mettre à l'abri de tous ces regards importuns.
Il était près de dix-sept heures et les lumières de la ville en ce soir de décembre commençaient à briller sous nos pieds, nous donnant l'impression de vivre au-dessus d'un tapis d'étoiles. Le givre recouvrait les baies vitrées et la nuit était en train de prendre possession de notre cité.
Le bureau de mon père situé au cinquantième étage était spacieux. Le vieux bureau de ma mère trônait au milieu de cette pièce, une bibliothèque incroyablement riche en bouquins accaparait un pan de mur entier.
J'aimais venir ici, car même si cet immeuble était d'architecture contemporaine mon père avait réussi à créer une ambiance chaleureuse, rassurante et cela même pour moi.
J'avais cette sensation étrange qu'auprès de mon père rien ne pouvait m'arriver.
J'aimais cet homme pour son dévouement, sa droiture, son impartialité, sa générosité. Il avait fait de moi un homme, un associé. C'était un père formidable qui, malgré les années passées, difficiles et douloureuses, n'avait jamais baissé les bras et nous avait élevés ma sœur et moi avec amour et respect.
— Qui est-ce ? demanda-t-il en fermant la porte derrière nous.
— Elle s'appelle Lisy O'Brian.
— Et ?
— Elle vient tout juste de quitter mon bureau, elle a traversé le pays pour nous rencontrer.
— Et ?
— Je ne sais pas !
— Comment ça tu ne sais pas ?
Son front se plissa, intrigué.
— Je ne sais pas ! dis-je en passant mes mains sur mon visage. Lorsqu'elle a commencé à parler je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai littéralement pété un plomb et je lui ai demandé de partir sans prendre la peine de l'écouter.
— Que t'a-t-elle dit pour que tu perdes le contrôle ? Pourquoi avait-elle ce médaillon en sa possession et quel est le rapport avec ta sœur ? Tu sais que dans cette affaire la GRC n'a pas beaucoup d'éléments, déclara-t-il en posant sa main sur mon épaule.
Je savais que ce geste était fait pour m'apaiser et je réalisai avec amertume que je venais de laisser filer la seule piste correcte et sérieuse que nous avions eue depuis plus de trois mois.
— Comment était cette O'Brian ? demanda-t-il en se raclant la gorge comme pour se donner une certaine contenance.
— Cheveux noirs, petite.
Enfin non pas si petite que ça, elle a de longues jambes, pensai-je.
Eh bien pour quelqu'un en plein pétage de plombs je constatais avoir pris le temps de la détailler et d'imprimer dans mon esprit chaque courbe de son corps.
Elle était sexy, une petite poitrine qui semblait bien ferme sur laquelle j'aurai bien aimé laisser courir mes doigts.
— Greg, dis m’en plus.
— Oui pa, euh je dirais un peu plus d'un mètre soixante, yeux verts, cheveux mi- longs, noirs.
— Que faisait-elle avec ce pendentif ? Et quel lien peut-il avoir avec ta sœur ?
— Je n'en sais rien. Les portes de l'ascenseur se sont refermées peu après qu'elle me l'ait donné.
J'avais beau me poser la question, cela n'avait aucun sens, pas maintenant, pas dix-sept ans après.
— Non mais qui est cette femme ? D’où vient-elle, bordel ?
Mon père n'avait pas pour habitude de jurer et en cet instant je pouvais lire toute la frustration sur son visage.
— Elle vient d'El Paso et m'a dit être gynéco.
— Gynécologue ? C'est comme ça qu'elle a rencontré ta sœur ?
— Je n'en sais rien.
— Comment ça ? Tu ne lui as pas demandé ? Mais Greg, pour une fois que nous avions une piste sérieuse, tu avais quoi dans la tête ?
J'avais quoi dans la tête, je me le demande encore. Cela faisait plus de trois mois que ma vie était en stand-by. Plus de trois mois que j'avais l'impression de vivre une expérience extra corporelle, mon corps, mon esprit et mon âme totalement dissociés l'un de l'autre. Plus de trois mois que ma moitié n'était plus à mes côtés. Plus de trois mois que je passais mes jours et mes nuits à écouter les élucubrations de personnes complètement illuminées.
Plus de trois mois, plus de quatre-vingt-dix jours, plus de deux mille cent soixante heures à me dire qu'une minute passée était une minute de perdue à jamais. Je n'en pouvais plus de cette situation. Alors, oui comme le disait mon père, je venais de merder en beauté.
Qu'est-ce qui m'avait pris d'envoyer promener cette jeune femme. Je n'avais rien décelé dans son comportement ni dans sa gestuelle qui puisse me faire penser qu'elle n'était pas sincère envers moi. Bien au contraire, chaque item observé avait révélé une personne honnête et perdue.
Oui, perdue ? Mais pourquoi ?
Peut-être parce que tu t'es comporté comme un pauvre nase, pervers, ne pensant qu'à une seule chose, la mettre dans ton lit, pensai-je en secouant la tête.
Mais je savais, je savais au fond de moi, que ce qui m'avait effrayé chez cette femme était l'espoir, l'espoir d'avoir enfin des réponses mais aussi la peur de connaître la vérité et d'être confronté à quelque chose que je ne pourrais surmonter.
L'idée que quelqu'un ait pu faire du mal à ma petite sœur m'était insupportable, alors, plutôt que d'écouter O'Brian et de faire face à mon pire cauchemar, j'avais préféré rester dans l'ignorance.
Levant les yeux vers mon père, je pouvais voir toute sa détresse et son incompréhension. Il était là, abattu, les épaules affaissées, se pinçant l'arête du nez.
— Bien, tout n'est pas perdu. Tu as son nom, son travail, l'endroit où elle vit. Je vais appeler Matthew pour lui dire que nous avons une piste et voir avec lui si la GRC a des renseignements sur cette femme. Toi, en attendant, tu files à l'aéroport et tu consultes tous les vols en partance pour le Texas, on a peut-être une chance de lui mettre la main dessus avant qu'elle ne quitte le territoire.
Ok ! Lui remettre la main dessus, humm... rien qu'à ces mots mon esprit pervers reprit le contrôle en pensant à ses longues jambes dans ces bottes en cuir marron, à ses fesses bien moulées dans cette robe col roulé en laine grise.
— Greg, reprends-toi s'il te plaît et surtout ne lui fais pas peur.
— J'y vais et ne t'en fais pas je n'ai pas l'intention de lui faire peur.
Mon père releva un sourcil et me lança un regard plein de reproches.
— Greg, oublie, veux-tu ! Ne joue pas au con, ce n'est pas le moment.
— Oui pa !
Mon père me connaissait mieux que personne, il savait que j'étais sensible aux charmes des belles et jolies jeunes femmes et n'étant pas engagé personnellement, j'avais tendance à en profiter. Le plus souvent cela n'était que l'histoire d'une nuit et cela me convenait parfaitement. Toutefois, depuis la disparition de Tess je n'avais plus eu de relation avec qui que ce soit et pour tout avouer je n'en avais éprouvé ni l'envie ni le besoin, jusqu'à ce soir.
C'est en faisant ce constat et en imaginant ses longues et fines jambes encerclées autour de ma taille que je quittai le bureau de mon père afin de me rendre à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto.
la suite demain je suis HS ce soir .
· Il y a environ 12 ans ·j'aime bien ton histoire me belle, l'intrigue et le coté pervers hihi à la Collision
de Dri A+
Nathy Drisca