Roman vs chronique

petisaintleu

On me demande la raison pour laquelle je ne me lance pas dans l'écriture d'un roman. En voici les raisons.

Le premier point est une question de réalisme. Jamais je n'ai eu la prétention d'être un écrivain qui pour moi est synonyme de romancier. Je me contente, au mieux, d'être un auteur qui couche sur le papier quelques idées.

Il faut souligner la différence majeure entre une nouvelle, une chronique ou une histoire courte et un roman. Dans le premier cas, c'est le mien, j'écris quand la déesse Inspiration vient frapper à ma porte. Très souvent, j'ai la quasi-sensation physique que des vannes s'ouvrent dans mon crâne et une soudaine envie d'écrire me prend. Il s'agit bien souvent d'une simple phrase – voire d'un mot – entendu, d'une situation, d'une sensation, d'un flash-back pour que se mette en branle l'exercice scriptural. Il est rare que je prenne des notes. Souvent les (jeux de) mots s'enchaînent pour vite se tarir. Je n'ai pas le courage, pas plus que le talent ou l'appétence, de me lancer dans un plan fastidieux, préparation incontournable pour la réussite d'un roman : détailler les lieux, la psychologie des personnages, l'intrigue et ses rebondissements.

La deuxième raison en est le temps. Si j'avais le luxe d'être rentier, il tient de la certitude que j'irais m'enfermer dans un buron au fin-fond de l'Auvergne et j'aurais enfin toute l'opportunité de me consacrer pleinement à l'écriture. Malheureusement, la réalité est toute autre et je dois concilier entre mes activités professionnelles, familiales et de lecteur.

Une autre raison tient de ces deux éléments précédents. Entamer l'écriture, c'est un peu comme se lancer dans un voyage au long cours. Écrire une nouvelle ou une chronique tient plutôt du saut en parachute. Si le capitaine n'est pas à l'abri d'une tempête ou d'un écueil ou il s'échouerait, il possède toujours a minima une certaine marge de manœuvre pour rectifier le tir. Dans le deuxième cas, rien de cela. Une fois qu'il s'est élancé de la carlingue, le novelliste ou le chroniqueur n'a pour ainsi dire aucun droit à l'erreur s'il ne veut pas se viander lamentablement. C'est important de le souligner pour affirmer que c'est loin d'être un style mineur. Car, comme je l'ai écrit précédemment, si le rapport au temps n'est pas le même et même si le temps consacré à la rédaction n'est pas identique, il est bien rare qu'une nouvelle soit parfaite au premier jet. Certaines que j'ai écrites en à peine deux heures m'ont demandé des semaines de relecture et de correction pour trouver le terme juste, éviter le synonyme pompeux qui ferait s'écrouler l'édifice, supprimer des adverbes inutiles pour y préférer quelques mots supplémentaires et bien ciblés ou pour m'arracher les cheveux à trouver une chute.

Enfin, et c'est là encore un avis qui m'est personnel, j'ai beaucoup trop de respect pour un Balzac ou un Flaubert pour me lancer dans l'écriture d'un pavé qui finirait à coup sûr dans la mare des écrivaillons. Il y a suffisamment de génies littéraires ou d'œuvres grandioses pour ne pas avoir à proposer au lecteur un ouvrage qui n'arriveraient pas au dixième de la cheville de ces monuments. J'en conviens : je n'ai ni inventé l'eau chaude ni révolutionner le monde par l'invention d'un nouveau style qui me permette un jour d'être le parangon qui servirait d'inspiration à qui que ce soit.

Je n'ai donc qu'un seul (je ne dirais pas modeste car oui, je l'admets, il y a quand même une part de satisfaction égotique à recevoir des retours positifs) objectif : amuser, provoquer (il y aurait tellement à dire là-dessus et sur son interprétation…) et échanger.

  • j'ai commencé par le roman, puis j'ai arrêté, car je ne vivais plus, du matin au soir et même la nuit, qu'avec mes personnages de papier. C'était obsessionnel. j'ai réussi à m'en sortir après huit ans d'analyse. :o))

    · Il y a environ 3 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

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