Roméo est une fille du XXIe siècle

Lev Hamels

Nuit. Une rue. Layn est pieds nus avec un haut de pyjama, peut être un T-shirt trop large, et un jean. Elle est face à une maison. Elle pianote sur son téléphone. Temps, elle regarde la fenêtre. Elle jette un caillou contre la fenêtre. Temps. Elle soupire et commence à escalader la maison. La fenêtre s'ouvre, Vincent sort la tête.

Vincent, ensommeillé et légèrement agacé : Qu'est-ce que tu fais ?
Layn : Je veux te voir.
Vincent : Mes parents vont se réveiller.

Layn : Qu'ils se réveillent, je les attends, et le monde entier, je les attends, je les affrontes un par un. Je veux te voir.

Vincent : Pars !
Layn : Ecoute moi d'abord.
Vincent : Tu vas être crevée demain.
Layn : J'men fous.
Vincent : Tu vas faire du bruit en rentrant chez toi.
Layn : J'men fous.
Vincent : Tes parents vont t'entendre.
Layn : J'men fous.
Vincent : Tu vas attraper froid.
Layn : J'men fous.
Vincent : Rentre !
Layn : Non.
Vincent : Qu'est-ce que tu veux à la fin ?
Layn : Toi.
Vincent : On peut pas.
Layn : Je t'assure qu'on peut. Regarde nous. On a même pas 20 ans. Qu'est-ce qu'on peut bien avoir construit de si essentiel, et de si fragile, pour être détruit par un simple nous ?
Vincent : Un équilibre ?
Layn : Non, ça ne tient pas debout.
Vincent : Pourquoi ?
Layn : Parce qu'on ne sait pas s'oublier. On n'a pas d'équilibre quand on a quelqu'un dans la peau et pas contre elle.
Vincent : Tais toi. Tu me donnes des frissons.
Layn : Si tu m'aimes, sors. Rejoins moi ici.
Vicent : Arrête.
Layn : Non. Je suis prête à perdre beaucoup. Mais pas pour rien. Si tu ne peux pas me suivre, si tu te caches derrière ta fenêtre, il n'y a rien à faire.
Vincent : Tu sais que ce n'est pas si simple.
Layn : Je le sais. Alors laisse nous une chance. Laisse nous apprendre à être ensemble. Laisse nous essayer, laisse nous exister. Nous ne sommes plus des enfants, nos décisions sont les notres.
Vincent : Nous ne sommes pas des adultes non plus.
Layn : Alors que sommes-nous ?
Vincent : Juste nous. Toi, et moi, nous sommes nous, nous sommes ceux que nous avons toujours été, et ce que nous ne serons plus.
Layn : Quand tu m'avais embrassé en automne. C'était magique. J'ai déjà risqué plusieurs fois. J'ai déjà mis en danger l'équilibre que j'avais. Celà nous a-t-il empêchés pendant un temps d'être nous, d'être beaux et solaires ?
Vincent : C'était avant.
Layn : Nous sommes nous, et nous sommes ce que nous ne serons plus. Avant, nous étions les mêmes, et d'autres. Qu'est-ce qui nous empêcherait d'y arriver ?
Vincent : Nos erreurs, leurs souvenirs. On ne peut pas faire comme si rien de tout ça n'avait existé.
Layn : Qu'on soit ensembles ou non, on ne pourra pas. Nous sommes les mêmes, suffisamment pour ressuciter, et nous sommes ce que nous ne serons plus, suffisamment pour ne pas recommencer les mêmes erreurs. Nous avons les armes et l'armure. Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?
Vincent : Le goût.
Layn : Descends. Rejoins moi. Le goût, tu ne sauras pas si tu peux l'avoir tant que tu n'auras pas été proche de moi, face à moi, les yeux dans mes yeux. On peut ressuciter, tout comme être entièrement morts. Laisse moi le savoir. Rejoins moi.
Vincent : Pas tout de suite. Pas maintenant.
Layn : Quand ?
Vincent : Je ne sais pas. Quand les choses seront plus simples ?
Layn : Elles ne le seront jamais vraiment. Je pourrais plus facilement venir ici, dans ta rue, sans avoir de comptes à rendre. Mais la décision de me rejoindre, elle ne sera jamais plus simple.
Vincent : Je dois y penser. Je ne suis pas prêt. Rentre chez toi. (Il referme la fenêtre)
Layn : Vincent !... VINCENT !... Vincent... Vincent ? (Elle rugit de rage, frappe peut être dans un mur ou une poubelle, et quitte la scène)

Signaler ce texte