Ronaldo Mc Donaldo

Jo Todaro

J'aimais le foot ! Le jeu, pas le grand Barnum qu'il est devenu. J'aimais le foot des années 80 ou 90 quand il était encore pratiqué par des mecs décoiffés occupés à gagner la guerre. Car c'était bien cela le foot, une véritable guerre que deux régiments d'élus poussés par tout un peuple se livraient sur des champs de bataille rectangulaires et sans tranchée qui avaient des parfums de cathédrales. Les stades étaient les derniers bastions d'unité sociale, des théâtres antiques où se déroulaient de véritables opéras populaires, les exutoires électriques de la république. Les gladiateurs combattaient fièrement, prenaient des coups, les rendaient et sortaient finalement fiers, meurtris mais grandis de ces combats salutaires. Les pèlerins que nous étions quittaient à regret ces lieux magiques en attendant impatiemment la messe suivante. Il y avait alors dans ce football un peu de cette croyance religieuse, quelques vapeurs de cette quête d'idéal, des fumerolles de la supplication du suprême, du sublime, de l'absolu. Il s'agit là d'un constat qui pourra vous sembler établi par un être primaire. C'est con, mais c'était bien. Et c'était avant. Avant Vivelle Dop fixation béton, avant L'Oréal Paris parce que nous aussi nous le valons bien, avant les salons de bronzage, avant les sérums antirides pour messieurs, avant l'épilation masculine, avant le règne de l'image, du paraître et de l'argent. Le foot n'est plus aujourd'hui qu'un spectacle. La différence avec le foot d'hier ? La même qu'entre un concert de The Clash du « White Riot Tour » au Rainbow Theatre de Londres et la comédie musicale « Le roi soleil » au palais des sports de Paris mise en scène par Kamel Ouali. Voilà. Dans les deux cas, il s'agit de musique. Mais bon... Le foot et la musique ont toujours été liés. Nous regardions jadis jalousement vers cette Angleterre en ébullition, les fantômes punks qui peuplaient les travées des stades et ce partage entre une population en souffrance et des footballeurs qui, par communion, souffraient sur les terrains. Voilà, c'est fini. Il n'y a plus de cathédrale. Plus d'exutoire. Plus de guerre illusoire. Le foot a changé, au même rythme que le monde. Les responsables, les organisateurs, les acteurs, les journalistes, les télés, les médias en ont fait un spectacle, plus rien qu'un spectacle, sans plus aucune trace de tragédie. Aseptisé. Les footballeurs rêvent babioles, bagnoles, bracelets, monnaie, maison, pognon, gros nichons. C'est con non ? Le roi Euro s'est payé les héros. L'argent a tout acheté, jusqu'à la passion. Paris veut s'offrir Cristiano Ronaldo au prochain mercato. Clause libératoire : 1 milliard. Approximativement le budget santé de l'état français, 1,2 milliard. Son prix en cas d'accord avec son ancien club ? Entre 120 et 150 millions d'Euros. Sans les chaussures et hors frais de coiffure. Plus cher qu'un Rafale, 110 millions hors armement et carburant. Plus que les dons adressés aux Restos du cœur par les français chaque année, 80 millions. Voilà ce qu'est devenu le foot. Une banque où chaque actionnaire se préoccupe plus de ses rentes que de son rendement. Le sport n'est plus qu'un prétexte secondaire. Saint Maradona relève-toi pour nous sortir de là. Ils ont d'abord vendu les jeux, puis le cirque et finiront bien par vendre le peuple. La décadence du grand empire romain. Ils ont tout vendu. Les grands immeubles parisiens, le PSG, le prix de l'Arc de triomphe. Qatar arc de triomphe ? Bientôt la « Tour Eiffel of Dubaï », « l'Emirates pyramide du Louvre » ou la « Saudi Arabia Tower Montparnasse ». Les billets empilés ont pillé les palais. Jusqu'à nous mettre mal à l'aise. Quelles valeurs puis-je aujourd'hui transmettre à mon gamin de 14 ans qui joue au football. Que m'ont-ils laissé ? Quelle noblesse, quels signaux, rien que des SOS jetés à l'eau et qui, je le crains, ne seront pas d'une grande utilité quand j'essaierai de le soustraire à la rotation mécanique de cette « Majectic Republic of Fric ». Liberté, égalité, loi du marché. La machine a tout broyé, jusqu'à nos marmailles jetées en victuailles dans ses entrailles. Aïe ! Je n'aime plus le foot, juste encore un peu le jeu. Je prendrai peut-être un ballon dimanche matin pour aller jouer avec Sid Vicious en défense, Joe Strummer en attaque et Ian Curtis dans les buts. Fainéant Ian !

  • Je n'ai jamais aimé le foot, mais c'est vrai, qu'à présent, ça pue vraiment le fric, avec souvent, des" mecs", sans aucun brun de culture, des mômes frisant la délinquance, qui, en donnant, par ci, par là, quelques coups de pieds dans un ballon, gagent des millions !

    · Il y a environ 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • gagnent (correction)

      · Il y a environ 8 ans ·
      Louve blanche

      Louve

Signaler ce texte