ROSE

pauline-bo

Une femme voyage au milieu de nuages. Eté 2024.

Les nuages sont tombés du ciel.

C'était un lundi d'été qui ne resterait pas comme les autres. Debout face à l'océan et ses préludes, j'imaginais dans le ciel des créatures malignes et fantastiques. Je voyais sous mon œil créatif, un dragon dont la gueule entrouverte laisser voir du bleu pastel. En face de lui, une ruée de colibris étaient si petits et immobiles qu'ils paraissaient ne jamais plus vouloir battre des ailes. Tout à gauche, un ange potelé tendait ses mains comme pour les laver. Mon cœur voyait en lui un bébé de six mois à peine, les mains tendues vers l'Inconnu.

A l'écoute de ma créativité, je vis tout à coup au-dessus de tout, l'œil d'un regard mauvais. La largeur de sa pupille, en train de se dilater, pressentait le danger et ma peur me figea une minute. Une inquisition pure mais juste qui me fit à la fois otage et coupable idéale. Un choc électrique dans mon cœur, violent et apaisant, stoppa mes pensées et mon corps s'allongea d'un coup sec sur le sable mouillé et friable. J'avais mal sous le sein, juste à gauche.

Sans perdre connaissance, je restais allongée. Mes yeux enfin libérés de l'appât, je vis un dragon et un serpent géant d'une brillance absolue. Ils traversaient ensemble mon regard panoramique et dépassaient toute taille imaginable dans la vie réelle. Leurs oscillations vaporeuses offraient le spectacle d'un serpent en vie qui se faufilait librement dans le monde. Le dragon semblait chanter loin des dangers qu'on lui octroie. Deux chevaliers d'un temps inconnu semblaient chercher quelque chose au dessus de moi. Je pensais même apercevoir à l'horizon un oiseau dont les plumes, si grandes et épaisses, appelaient un câlin d'une simplicité déchirante.

Et puis, je pris de la hauteur, du sable collants aux orteils et dans mes cheveux bouclés. Mes bras se tendaient et mes jambes battaient l'air aux particules mouillées. Je me voyais loin du sol et proche de tout. Je volais sans prétention aucune, portée par le vent.  Je n'étais que légèreté et pleine conscience et sans l'idée que ceci était impossible. Je volais vite et haut. Mes mains tendues vers les créatures, je souhaitais qu'elles me permettent de voyager loin. Je pouvais user de la magie sans me blesser. Mais à peine le bout de mes doigts touchait le serpent que je sentis le vide et sa gravité. Je retombais non sans douceur et délicatesse sur ce sable pour y déposer une seconde fois la marque de mon corps d'humaine. Le plus étrange est que les nuages tombèrent avec moi.

Je vis l'espace d'un instant le serpent s'enrouler autour de mon corps pour amortir la chute et le dragon me cracher une flamme violette à la figure qui me refroidit de l'intérieur afin d'apaiser mes angoisses. Le serpent était recouvert d'écailles jaunâtres étincelantes proche de la citrine. Le dragon était vert et porté une écaille en bois sur le flan droit. A peine ai-je eu accès à ces deux informations que les colibris aux couleurs habituelles  s'enroulaient au-dessus de mon ventre. Un cercle de battements d'ailes parfaitement synchronisés permettait l'apparition d'un nuage de paillettes rouges, d'une lueur épatante. Ils picoraient en mon ventre les petites et les grosses douleurs de ces dernières semaines et les paillettes entraient en moi. Je ne ressentais que des picotements agréables. Les chevaliers surveillaient l'œil noir au-dessus de moi. Ils brandissaient leur armes et ce dernier s'évapora. Puis le bambin, dont les ailes étaient argentées, apparut pour s'agripper à mon bras. Il prononça ces mots: ce n'est pas grave tu sais. Je sentais ses petites mains autour de mon cou peu à peu et notre corps à corps se fit sans effort. " Tu as raison ce n'est pas grave" dis-je à voix haute, des larmes chaudes coulaient à flot sur mes tempes.

Ainsi, toutes les créatures se présentaient à moi dans une tendresse authentique et personnelle à laquelle je m'accrochais pour que rien ne s'arrête.  Je fermais les yeux face à tant de cadeaux et me sentait protégée de l'audace de ceux qui ne rêvent pas. Je ne savais pas combien de minutes je restais ainsi ni même si le sommeil eu raison de moi. A mon réveil, la chaleur directe du soleil tapait mon cuir chevelu sûrement rougit. Et je ne percevais plus aucuns nuages dans le ciel.

Aujourd'hui quand j'y repense, je me pose encore cette question: étais-ce mon imagination ou suis-je simplement en capacité de parler à l'invisible? Peut-être les deux ensemble?

Depuis ce jour, j'ai plein de nouvelles envies dans le corps. Dompter l'amour; être moi-même sans être différente des autres; aimer la sauvage en moi, écrire sans cesse tout ce que je transpire. Ébranler mes peurs et oublier les échecs. Et sans arrêter de rêver, mettre en place ce dont j'ai toujours voulu: me trouver avant de chercher les autres.

Ce jour-là donc, les nuages sont tombés du ciel pour un court instant et leur légèreté commune me permettait de me réveiller sur un coussin de plumes oranges et rouges. A cet instant je compris que la douceur est la clé de tout. Et c'est avec cet avantage que j'ouvris les yeux pour la seconde fois de ma vie.


Pauline BOUYSSONNIE

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