Rouge

lodine

Extrait d'une nouvelle

" Les coccinelles à pois noirs sont rouges. C’est pourquoi elles sont adulées, copiées sans jamais pouvoir être imitées dans leur infinie beauté.
Leur rouge est fragile, tendre, sec. Il peut s’effriter d’un seul coup de pouce.
Avez-vous déjà admiré de près les petites coccinelles de nos chambres d’enfant ? Celles qui sont minuscules, qui véhiculent la nostalgie, s’il y en a une, de notre enfance ?
Avez-vous jamais eu la moindre empathie pour ces bestioles dont la sœur venue d’Asie, s’est fait friande ? Car si vous ne le saviez pas encore, je vous le dis maintenant… La coccinelle d’Occident a disparu ; elle s’est fait bouffer par l’autre. N’allez pas chercher une métaphore de notre société. Non, non. Ce serait trop simple.
Je vous décris la coccinelle d’Asie. Elle est plus grosse que la nôtre. Mais ce n’est pas tant leur grosseur de noix qui bouleverse, mais leur puanteur. Sous le pouce, elle est insupportable. Comme si, en survolant les continents, elle avait charrié tous les remugles de la Terre pour les concentrer sous ses ailes.
C’est clair, vous le sentez : je hais les coccinelles d’Asie. Je me demande bien pourquoi elles sont venues dévorer nos amies. Comment ont-elles pu les sentir ? Chacune avait sa place… Faut croire que non. Celles d’Asie n’en avaient pas assez. Il leur a fallu supplanter nos innocentes, nos inoffensives, nos mignonnes compagnes. Pour quoi, au final ? Etres exterminées par nos pouces vengeurs. Rien n’est si simple.
Tout combat fratricide a ses revers, ses trahisons, ses coups de pouce, ses échappatoires, ses lâchetés. Dans ce fatras de querelles intestines, je me dois de présenter Rosine, celle qui incarne ce combat.
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