Rue Fantôme

18 h 15, je ferme la porte de mon allée. J'ai lâché mes cheveux, maquillé mes yeux. J'avance dans la Grande rue. Je ne vois ni les passants, ni les vitrines des magasins. J'arrive au métro Croix-Rousse. Je récupère un ticket déjà utilisé et laissé à disposition par un voyageur inconnu pour un voyageur inconnu. Le métro arrive. Je m'assois en sens inverse de la marche pour éviter de glisser sur mon siège en descendant la colline. Arrêt Croix-Paquet, personne ne descend, personne ne monte. Nous arrivons à Hôtel de ville. Je remonte sur terre. Je vois au loin le C14 passé, même en courant, je n'arriverais pas à temps. Je vais jusqu'à l'arrêt. Je roule et allume une cigarette. Le temps de la fumer et le bus arrive. Nous traversons le Rhône. Prochain arrêt : Saxe Paul-Bert. J'appuie sur le bouton. Je descends. Je fais un détour pour éviter des travaux. J'arrive dans la rue Vendôme. Je passe devant la salle de réunion des Alcooliques Anonymes. Je passe devant chez toi et je ne m'en aperçois pas. Je reviens sur mes pas. Je lève les yeux pour trouver la fenêtres avec des vitaux rouges et jaunes. Je frappe à la porte et je t'attends.

Je maquillerai à nouveau mes yeux, mais ce ne sera pas pour te plaire. J'avancerai à nouveau dans la Grande rue, je ne verrai ni les passants, ni les vitrines des magasins, mais ce ne sera pas parce que je pense à toi. Je prendrai à nouveau le métro C, mais ce ne sera pas pour te rejoindre. À Croix-Paquet, personne ne descendra, personne ne montera. À Hôtel de ville, je verrai le C14 passer au loin, mais cela ne me regardera pas. Je croiserai à nouveau la rue Vendôme, mais je n'aurai plus de raison de l'emprunter, et la rue Vendôme me fera mal.